BD

Les enquêtes d'Enola Holmes

Enola Holmes

© Jungle/Steinkis

Temps de lecture
Par Jacques Schraûwen

On savait que Sherlock avait un frère, Mycroft. Mais on leur découvre dans ces deux livres une sœur, Enola. Une jeune fille qui ne manque pas de qualités de déduction, elle aussi, à l’instar de son frère aîné et quelque peu coincé !

1. La Double Disparition

Enola Holmes
Enola Holmes © Jungle/Steinkis

Depuis quelques années, Sherlock Holmes est un personnage à la mode, que ce soit en littérature, en cinéma, en télé ou en bande dessinée. On l’a plongé dans notre époque, on l’a confronté à des forces maléfiques et fantastiques, on a cherché à respecter son " personnage " créé par Conan Doyle, on l'a modifié du tout au tout.

Et voilà qu’aujourd’hui on lui invente un pendant féminin.

Née tardivement, au grand dam de toute sa noble famille, Enola a été éduquée par sa mère dans l'indépendance, dans la réflexion, dans une nécessité de liberté, aussi. Et voilà que la maman d’Enola, et donc de Mycroft et de Sherlock, disparaît le jour de l’anniversaire de sa fille.

Enola, du haut de ses quatorze ans, fait appel à ses frères, qu’elle n’a plus vus depuis longtemps. Mycroft est près de ses sous, en bon bourgeois nanti. Sherlock est moins mercantile, mais tout aussi engoncé dans les traditions. Et comme aucun des deux ne parvient à aider Enola, elle décide de prendre les choses en main, et de disparaître, à son tour pour mieux retrouver les traces de sa mère.

Et, ce faisant, elle se découvre des qualités qu’elle ne se connaissait pas, de déguisement, de lecture de messages codés, de goût à l'aventure. Et de talent d'enquêtrice, puisque, profitant de sa fuite, de sa fugue, elle sauve la vie du jeune Lord Tewksbury. Et sa décision est vite prise : elle va devenir, comme son frère, détective privée !

Et, dans ce premier volume, on apprend donc à connaître cette fameuse Enola, à la voir évoluer dans une Angleterre victorienne, et, ma foi, on se retrouve séduit par l’intrigue, par le découpage, par la mise en scène et le superbe mise en couleurs…

2. L’Affaire Lady Alistair

Enola Holmes
Enola Holmes © Jungle/Steinkis

Deuxième enquête pour Enola… Enola qui devient une espèce de mélange surprenant entre Rouletabille, Arsène Lupin, une Lady typiquement british, et, bien entendu, son illustre frère.

Elle recherche toujours sa mère. Mais elle se lance également à la recherche d’une jeune fille de son âge, Cecily Alistair, disparue elle aussi, soi-disant pour rejoindre un amoureux qui n’est pas de son monde.

Etrangement, cette nouvelle disparition a quelques points de ressemblance avec celle de la mère d’Elona : elles sont toutes les deux artistes peintres, et toutes les deux aiment  coder ce qu’elles écrivent !

Dans ce deuxième album, on entre plus précisément dans la réalité historique de la fin du dix-neuvième siècle. Dans la réalité sociale, surtout, de cette époque où la misère était omniprésente, et avec elle la violence, l’injustice. Et l’éveil de certains à de nouvelles ouvertures politiques…  Cecily et son pseudo " boy-friend ", ainsi, sont deux lecteurs de Marx…

Sans en avoir l’air, ainsi, l’auteure de cette série nous parle de points précis de l’époque victorienne, comme le mariage et l’éducation des filles, comme le fait d’être gaucher, comme l’éveil à une conscience politique, et, ce faisant, elle aborde de front des réalités qui restent d’actualité : la place de la femme, les jugements face à toutes les " différences ".

Mais l’auteure privilégie, malgré tout, de bout en bout, l’aventure, l’humour, le sourire, l’inventivité, l’originalité. Ce qui rend ses livres légers sans toutefois être vides, loin s’en faut ! Et pleins de véritable tolérance...

Enola Holmes
Enola Holmes © Jungle/Steinkis

Bien entendu, le postulat de base, celui d’une gamine de 14 ans devenant, dans une ville comme Londres, l’égale des adultes, ce postulat est plus qu’improbable. Et pourtant, la sauce prend, comme on dit ! Et elle prend même très bien, avec humour, avec intelligence, avec une once de tendresse, avec un iota de poésie…

Serena Blasco a un vrai talent de coloriste, et sa construction narrative ne peut que plaire à tout le monde. A tout le monde, oui… Parce que cette série est destinée aussi et surtout à un public de jeunes, de jeunes filles même. Mais croyez-moi, ces livres sont de très très très jolis objets à tenir en mains, à lire, à savourer. Le dessin, non réaliste sans chercher la caricature, se nourrit, véritablement, de ses couleurs. Le graphisme de Serena Blasco a une apparence de simplicité, mais il fait merveille dans l’épure des décors, dans la puissance des mouvements aussi, dans la richesse d’expression des visages enfin.

Une très bonne surprise dans l’univers de la bd résolument " populaire ". Et ce  sans jamais être mièvrement enfantine ! A découvrir, à offrir, à partager!...

 

 

Jacques Schraûwen

Les enquêtes d’Enola Holmes (auteur : Serena Blasco, d'après les romans de Nancy Springer – éditeur : Jungle/Steinkis)

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