"Senua's Saga - Hellblade 2": on est allé voir la prochaine exclusivité Xbox

Voilà près de sept ans que Senua a débarqué avec ses psychoses sur les champs de bataille d'Hellblade. Une façon de mettre en images et en lumière le côté le plus obscur de son héroïne prise dans ses tourments intérieurs et obligée de surmonter la perte d'êtres chers.

Elle est de retour dans Senua's Saga: Hellblade 2, toujours aussi tourmentée, prise dans un chaos intérieur magnifiquement mis en image par Ninja Theory. Tech&Co est allé faire un tour au studio britannique, dans la dernière ligne droite avant la sortie de l'exclusivité Xbox le 21 mai.

Dans ce bâtiment baptisé Ninja House, on est loin de se douter de l’effervescence qui bouillonne derrière le calme apparent. Derniers peaufinages des décors du jeu, derniers réglages des effets techniques. Sous les toits, l’enregistrement des voix du jeu se termine tout juste tandis qu’au rez-de-chaussée, dans une large salle qui ressemble à un gymnase, les doublures des personnages principaux enregistrent les derniers mouvements en motion capture, montrant toute la violence des combats qui attendent Senua et ses adversaires.

La violence, c’est un peu le mot qui pèse sur le jeu. La violence des combats face aux Vikings et du monde environnant sans pitié. La violence aussi du propos et de la maladie mentale, sujet central abordé par Hellblade 2 où le chaos intérieur de l’héroïne se ressent sur l’histoire, les décors et évidemment la beauté paradoxale du jeu conçue sous Unreal Engine 5. Et que le jeu est beau avec ses effets de lumière, l'ultra-réalisme de ses décors, des visages et de la brume envahissante !

"Hellblade 2, c’est une expérience d’immersion cinématique, une histoire prenante, une aventure perturbante, mais inoubliable, qui va faire réfléchir et ressentir ce que traverse Senua", annonce Dom Matthews, responsable du studio Ninja Theory. Un personnage central aussi attachant que pris dans ses psychoses que l'on suit dans l'Islande confrontée aux assauts vikings.

"Avec Senua's Sacrifice: Hellblade, on a voulu raconter l’histoire d’un personnage qui a créé un monde dans son esprit, qui souffre de psychoses. C'est une façon de raconter la maladie mentale. On voulait que ce soit un périple dans sa tête, entendre ce qu’elle entend, et que ce voyage soit autant physique qu’émotionnel", résume-t-il.

Nous avons pu approcher le jeu manette en main sur une courte séquence de 45 minutes, histoire de s'immerger dans la tête malade de l’héroïne. Même si elle a beaucoup appris d’elle-même et de sa maladie après le premier jeu, elle va devoir se frotter une fois de plus à ses démons intérieurs, à son passé douloureux, face à des ennemis venus de partout.

La première séquence sert de tutoriel sur une plage où Senua a échoué et où elle commence à affronter d’étranges créatures. La narration et le combat sont inextricablement mêlés, rendus fluides par les voix dans la tête de Senua, les furies, qui prennent position aussi dans la nôtre et nous font plonger dans la folie du jeu.

Car la bonne idée de Ninja Theory a été d’utiliser la technique du son binaural qui donne l’impression qu’une voix vient nous murmurer à l’oreille droite et la seconde soudainement à gauche avant que les deux ne tournent autour de notre tête et changent de côté, donnant un effet assez perturbant, à la limite de la folie. Cette technique accentue l’immersion et il a fallu pour cela enregistrer les voix des furies de la même manière, tournant autour d’une tête binaurale spécifiquement utilisée pour cela.

"Cela va servir encore plus la narration", explique David Garcia, directeur audio du jeu. "Ça permet de souligner des moments clés du jeu. On peut mieux chuchoter, crier, faire parler les silences. Ça crée une connexion physique avec le joueur qui a son casque sur la tête. Il ne sait pas d’où vient le son, mais il est là."

Et l’effet en jeu est ravageur. Associé aux gros plans sur le visage marqué de Senua, le son binaural crée une sorte de malaise immédiat. On est soudainement dans la tête malade de l’héroïne, à entendre les voix qu’elle entend et qui contribuent à ses psychoses. Une forme de violence parfois plus impactante que les combats qui nous entourent, les corps éviscérés, pendus ou découpés que l’on croise. Et bien souvent, on a envie de leur demander de se taire pour nous laisser retrouver nos esprits. Comme Senua en fait.

"Parler des maladies mentales avec des intentions pures"

Pour asseoir son propos, Ninja Theory a fait appel à Paul Fletcher, professeur en neurosciences à l’Université de Cambridge et psychiatre. "Pour parler de santé mentale dans un jeu, il faut y aller avec des intentions pures," argumente Dom Matthews. "Dès le début, nous savions qu’il serait très important que nos recherches soient précises, notre démarche sincère. Et cela signifiait que l’on comprenne les neurosciences derrière les expériences de la psychose, le quotidien aussi de ceux qui en souffrent."

"On voit toujours la psychose comme quelque chose séparée de la réalité. Pour ceux qui en souffrent, ça se rapproche aussi d’une réalité non partagée avec les gens autour d’eux", explique le Professeur Fletcher. "C’est une situation souvent très isolante et stigmatisante, car elle ne permet pas d’établir de liens sociaux."

Cela définit bien le personnage de Senua, écrit comme une solitaire au combat, dans ses missions. Même quand elle se retrouve avec un prisonnier comme dans la seconde séquence de jeu que nous avons testée, elle l’attache à l’entrée du village pour affronter seule ses ennemis. Elle partira aussi en solo au combat dans la scène finale du jour, sa folie pouvant prendre l’ascendant avant qu’elle ne se jette telle une furie sur ses adversaires.

Hellblade 2 est finalement un vaste chaos en images. Le chaos d’un jeu très sombre, même dans ses phases de jour, où tout est déchiré, des paysages aux corps, du visage marqué de Senua à son esprit. Des choix des paysages islandais dont les créatifs ont gardé le côté accidenté, à vif et reproduit avec la même violence que celle du scénario. Car la narration a été le fil rouge de tout le jeu et de la moindre création.

La violence du sujet avant la violence des images

"Toutes les technologies que nous utilisons, tout ce que nous concevons pour le jeu, des mini-puzzles aux combats, doit permettre de raconter cette histoire. Ce sont des outils", martèle Dom Matthews. "Comme ils ont du sens, ils ont un intérêt. Ce n’est pas une histoire à laquelle on ajoute des éléments. On a pensé l’histoire que l’on voulait raconter, on l’a rendue interactive et immersive grâce à ces outils. Mais le plus important pour nous, c’est la façon dont le joueur va la ressentir."

De cette première rencontre manette en main avec les nouvelles aventures de Senua, on ne ressort pas vraiment indemne. Si l’on peut passer à côté du message principal du jeu – comment se servir du jeu vidéo pour évoquer la maladie mentale et l’état de ceux qui en souffrent – pour privilégier l’aventure et les combats, on ressent le mal-être à chaque instant de l’héroïne lancée dans sa quête contre les vikings et contre elle-même. Une souffrance intérieure que sa comédienne, Melina Juergens, récompensée pour son interprétation dans le premier Hellblade, reconnaît ressentir plus que personne.

"A cause de mes expériences avec la psychose, l’anxiété et les problèmes de santé mentale, elle et moi sommes très similaires", nous glisse-t-elle, fière d’être à sa manière l’ambassadrice d’un sujet trop souvent tabou. "J’ai mis beaucoup de moi dans le personnage, beaucoup échangé avec le professeur Fletcher. Et cela m’a permis aussi d’accepter et mieux comprendre la situation, même si ce n’était pas toujours facile de l’extérioriser pour le jeu".

Senua's Saga: Hellblade 2 – Disponible le 21 mai 2024 sur Xbox Series et PC