Et je me suis rendu compte à quel point Nekfeu (et son équipe) avait frappé très très fort avec son 3ème album (et son expansion) sorti en juin dernier.
De retour de vacances dans le sud de la France, j’avais dix heures de route à tuer. "Les étoiles vagabondes" étant sorti sur Netflix quelques jours avant, je m’empresse donc de lancer la lecture sur mon smartphone, casque sur les oreilles, pour découvrir ce docu-album d’un nouveau genre (je ne faisais malheureusement pas partie des chanceux qui ont pu le découvrir en salle).
Le film débute sur un long plan séquence tourné dans les backstages d’un concert, Nekfeu et ses acolytes circulent dans un long dédale de couloirs avant d’arriver sur une scène (celle du Festival des Vieilles Charrues) devant laquelle se trouve une énorme foule. En voix off, Ken semble pourtant être en plein doute : "Aujourd’hui, j’ai joué devant 80.000 personnes et je ne me suis jamais senti aussi seul". La punchline est lancée, le style et la réalisation sont hyper léchés, ça s’annonce lourd !
Rempli d’incertitudes et mis sous pression par son entourage qui ne voit aucun projet musical arriver, Nekfeu décide de partir loin. Il nous emmène dans les endroits du monde dans lesquels il a pu vaincre le syndrome de la page blanche qui le frappait depuis la sortie de "Cyborg", son deuxième album solo après l’énorme succès de "Feu". Mytilène, le village d’origine de son père en Grèce, Tokyo, où il emmène toute son équipe pendant deux mois, ou encore Los Angeles puis La Nouvelle-Orléans où il doit faire face à la fureur d’un ouragan qui menace la ville.
Les images captées dans ces différents endroits sont très esthétiques, belles à regarder, même si on doute parfois de l’aspect spontané des scènes que l’on nous montre. Mais c’est surtout la découverte des coulisses de la création de l’album et la manière dont Nekfeu va chercher l’inspiration qui fait la force du film. Très souvent accompagné de ses producteurs-beatmakers de talent Diaby et Hugz (Hefner), Nekfeu s’entoure aussi de musiciens locaux qu’il rencontre au fur et à mesure de ses voyages. C’est ainsi que l’on découvre les vibes de Trombone Shorty, trompettiste de jazz professionnel, la folie rythmique d’un percussionniste rencontré dans les rues de la Nouvelle-Orléans, ou encore la virtuosité de violonistes et violoncellistes japonais.
Ayant encore beaucoup d’heures de voiture devant moi, je décide donc de réécouter l’album du début à la fin. Le jeu? Repérer la trompette de Trombone Shorty, les cordes japonaises ou encore les bruits de bidon du percussionniste américain. La manière dont Nekfeu met toutes ces ambiances musicales au service de ses textes (dont le niveau d’écriture est toujours aussi élevé) force le respect. Les chants d’une chorale gospel de la Nouvelle-Orléans (dont on voit l’enregistrement dans le film) se retrouvent notamment à plusieurs moments, remixées et intégrées au mix général du morceau, lui donnant une couleur qui correspond à ce que raconte Nekfeu dans son texte. Toutes ces sonorités et morceaux mis ensemble donnent une véritable identité à l’album.
Cette nouvelle écoute de l’album après avoir vu le film me fait réaliser à quel point la démarche de Nekfeu est à la fois réfléchie et très travaillée, tout en étant hyper authentique dans la manière d’écrire et de fonctionner. Cela me conforte dans l’idée que l’on a d’ores-et-déjà ici affaire à un classique du rap. Il me reste deux heures de route avant d’arriver, je me remets l’album une dernière fois, juste pour le kiff!
