Sur le campus de l’université de Strasbourg, un matin d’avril, les étudiants découvrent la nouvelle série de tags apparus dans la nuit : « 40 000 morts à Gaza, France complice, stop arming Israël », « Colon un jour, colon toujours », « Palestine vivra ». Des traces blanches sur les piliers en béton des bâtiments témoignent de l’effacement de précédentes inscriptions.
« Depuis le 7 octobre, on en trouve tous les matins. On n’est pas sûr que ce soit le fait d’étudiants puisque le campus est ouvert sur la ville, mais peu importe : chaque jour, on les enlève après les avoir photographiés, témoigne le président de l’université, Michel Deneken, depuis son bureau vitré, sorte de tour de contrôle au milieu du campus. Même s’ils ne sont pas ouvertement antisémites, on est convaincus que les laisser contribuerait à un climat délétère. On sait que l’antisionisme est parfois le déguisement de l’antisémitisme. »
A l’image de nombreux établissements de l’enseignement supérieur, la fac de Strasbourg – qui compte quelque 55 000 étudiants – a été percutée par la tragique actualité au Proche-Orient : l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023, puis la riposte, toujours en cours, de l’armée israélienne dans la bande de Gaza. Tags, blocages ponctuels, réticences à organiser des conférences et même une agression physique. Si « l’université n’est pas à feu et à sang », comme le répète M. Deneken, elle fait face, comme d’autres, à une délicate équation : rester un lieu de débat sur le conflit israélo-palestinien tout en luttant contre un regain d’antisémitisme.
Climat anxiogène
Depuis le 7 octobre, soixante-sept actes antisémites ont été relevés dans des établissements de l’enseignement supérieur, soit deux fois plus que pendant l’année universitaire 2022-2023, selon les chiffres de l’association France universités. « Les présidentes et présidents d’université ne sont ni dans la dénégation ni dans le déni face aux expressions de haine », a assuré son président, Guillaume Gellé, lors d’une table ronde organisée sur ce thème à l’Assemblée nationale.
A Strasbourg, en janvier, trois jeunes de confession juive ont été agressés sur le campus. Membres du Collectif du 7 octobre, ils collaient des affiches pour la libération des otages israéliens détenus à Gaza quand ils ont été pris à partie par deux filles. « Le ton était très agressif. Elles nous ont dit qu’on ne collerait pas ce soir, puis ont téléphoné en disant qu’il y avait des “fascistes sionistes à dégager”. On a vu arriver cinq à six personnes avec le visage masqué », témoigne l’une des victimes, Sasha (le prénom a été modifié), joint par téléphone. Il est jeté à terre et frappé. Plusieurs plaintes ont été déposées et la procédure est en cours. « C’est un campus tranquille, 99 % du temps ça se passe bien. Le fait de discuter, de tracter, ça fait partie de la vie du campus. C’est pour ça que cette agression m’a peiné », confie le jeune homme. Sasha a tenu à retourner en cours rapidement, mais il avoue avoir ressenti de l’angoisse pendant plusieurs semaines en revoyant les lieux de l’agression.
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