Près de Perpignan, cette zone commerciale agonise : "Sans aide, je ferme dans deux mois !"

Située à Pollestres, près de Perpignan, la zone commerciale Frunshopping souffre économiquement. Pour les commerçants, le chantier de la RD39 qui mène à Villeneuve en est la cause.

Située à l'entrée de Pollestres, près de Perpignan, la zone commerciale Frunshopping est en fâcheuse posture. Plusieurs commerçants ont dû fermer ces derniers mois.
Située à l’entrée de Pollestres, près de Perpignan, la zone commerciale Frunshopping est en fâcheuse posture. Plusieurs commerçants ont dû fermer ces derniers mois. (©Thibaut Calatayud / Actu Perpignan)
Voir mon actu

« J’ai vendu ma maison, le moindre bien que j’avais pour ce commerce ! » Un an et demi après l’ouverture de son magasin dans la vaste zone commerciale Frunshopping de Pollestres, près de Perpignan, Philippe Cartier ne cache pas son inquiétude.

Sans une aide financière conséquente, le gérant des Comptoirs de la Bio pourrait mettre la clé sous la porte d’ici deux mois. Comme trois autres enseignes (un coffee shop, un salon d’esthétique et un cuisiniste) avant lui.

La fermeture de la RD39 plombe la fréquentation

Le long de la D900 qui mène à Perpignan, au croisement entre Pollestres et Villeneuve-de-la-Raho (deux villes dynamiques des Pyrénées-Orientales), des enseignes attractives attendues, la vue sur le Canigou… Sur le papier, s’installer à Frunshopping – la dernière zone commerciale à sortir de terre dans le département – semblait être idéal.

Anciens cadres dans la grande distribution pendant 20 ans, Philippe Cartier et son épouse flairent le bon coup. Ils décident de tout plaquer et d’investir 200 000 euros pour ouvrir une franchise Les Comptoirs de la Bio. Un choix renforcé par plusieurs études de marché positives.

À lire aussi

Leur projet est solide, leur début d’aventure encourageant. Mais un coup du sort insoupçonné va s’abattre sur eux. La RD39 – un petit tronçon de 1,2 km entre Pollestres et Villeneuve-de-la-Raho – est fermée pendant plusieurs mois pour un chantier de sécurisation.

« Pour moi, la gestion des travaux n’a pas été bonne. Le Département a fermé une route d’accès avec un passage de 5 000 voitures par jour. Je glane 1 % d’entre eux. Cela représente 50 clients par jour », explique le commerçant auprès d’Actu Perpignan.

Patron du Comptoir de la Bio dans la zone Frunshopping de Pollestres (Pyrénées-Orientales), Philippe Cartier pourrait être contraint de fermer d'ici deux mois.
Patron du Comptoir de la Bio dans la zone Frunshopping de Pollestres (Pyrénées-Orientales), Philippe Cartier pourrait être contraint de fermer d’ici deux mois. (©Thibaut Calatayud / Actu Perpignan)

Ce nombre est loin d’être négligeable quand on sait que Les Comptoirs de la Bio ne comptent désormais que 50 à 60 visiteurs quotidiens. Le patron n’enregistre plus que 30 000 euros de chiffre d’affaires par mois. Un chiffre qu’il est censé faire de manière… hebdomadaire.

Vidéos : en ce moment sur Actu

Huit mois de fermeture en 2023

Cette perte de clientèle aurait pu être supportée si le chantier n’avait pris que quelques semaines. Mais les opérations ont traîné. Plus que de raison ? « En 2023, il y a eu huit mois de fermeture », peste Philippe.

Après une réouverture temporaire entre la fin décembre 2023 et février 2024, la route a ensuite été condamnée deux mois de plus. « C’est notre axe principal ! Aujourd’hui, nous sommes dans un cul-de-sac », s’insurge Laëtitia, la patronne du magasin Générale d’Optique.

Le chantier de la RD39, entre Pollestres et Villeneuve-de-la-Raho, s'achève ce vendredi 19 avril 2024.
Le chantier de la RD39, entre Pollestres et Villeneuve-de-la-Raho, s’achève ce vendredi 19 avril 2024. (©Thibaut Calatayud / Actu Perpignan)

Le Département a annoncé la réouverture du tronçon à partir de ce vendredi 19 avril. La fin des problèmes pour les professionnels de la zone ? « Il n’y a pas de quoi sortir les tambours », tempère Stéphane Zorilla, le PDG de Brico Cash.

« Il y a eu une évasion de la clientèle »

Ouverte en 2020 (au démarrage de Frunshopping), l’enseigne de bricolage enchaînait les bons résultats. « Depuis quatre ans, notre chiffre d’affaires est en progression constante. Sauf sur les mois de fermeture de la RD39 », détaille le patron qui détient également le Tridôme de Perpignan Nord. 

À lire aussi

Comme Philippe Cartier, il a lui aussi investi des deniers personnels. Forcément, voir son chiffre d’affaires baisser de 20 % lors de certaines semaines ne le ravit pas : « Déjà que le secteur des magasins de bricolage est en souffrance, cette fermeture de route rajoute une couche au millefeuille… »

La réouverture, il l’attend avec impatience. Mais le retour à la normale va prendre du temps. « Il y a eu une évasion de la clientèle. La faire revenir va prendre des mois », analyse le PDG. Un constat partagé par Philippe Cartier.

« Je risque de devoir fermer dans deux mois »

Le gérant du Comptoir de la Bio estime qu’il va falloir attendre au moins jusqu’à septembre pour retrouver une affluence confortable dans sa boutique. Le problème, c’est qu’il n’est pas certain de tenir jusque-là. 

Pendant que les travaux s’enlisaient et que les clients désertaient son magasin, les dettes se sont creusées. Ajoutez à cela la hausse du prix des matières premières et de l’électricité (il a reçu une facture de 23 000 euros pour 2023), vous obtenez une situation financière catastrophique. « Je ne me paie pas depuis un an et demi. J’ai aussi dû licencier quelqu’un », alerte l’ancien cadre de Leclerc.

À lire aussi

Au pied du mur, Philippe annonce qu’il devra fermer son magasin d’ici deux mois s’il n’a pas d’aide financière significative. Il en appelle au Département, responsable, selon lui, de la situation dramatique dans laquelle se trouve sa trésorerie (une perte estimée à 200 000 euros).

Début mars, il a envoyé un courrier signé de la main de Laurent Gauze (le président de la Chambre de Commerce et de l’Industrie) pour demander un entretien à Hermeline Malherbe, la présidente du Conseil départemental. Il n’a, à ce jour, reçu aucun retour. « J’ai aussi tenté d’alerter Carole Delga (la présidente de la Région, ndlr) ». En vain, là encore.

Le Département ne s’estime pas entièrement responsable

Le Département aurait-il pu gérer autrement ? Du côté des commerçants rencontrés, on se demande comment le chantier a pris autant de temps. « Ils ne pouvaient travailler de nuit ? Ou faire une circulation alternée par feu rouge ? », s’interrogent-ils tous.

Le Corner Shop Coffee vient de cesser son activité dans la zone Frunshopping de Pollestres.
Le Corner Shop Coffee vient de cesser son activité dans la zone Frunshopping de Pollestres. (©Thibaut Calatayud / Actu Perpignan)

Sollicité par Actu Perpignan, le Conseil départemental regrette les problèmes rencontrés par ces professionnels.

Néanmoins, la collectivité – qui rappelle que Perpignan Méditerranée Métropole est également partenaire sur ce chantier – estime que « ces difficultés financières ne sont pas seulement liées aux travaux de la RD39. L’accès principal, en passant par le rond-point de Pollestres, est toujours resté ouvert pendant la durée des opérations ». 

La moitié des cellules commerciales sont vides

Dans ce marasme, Action et Netto, deux enseignes discount, semblent être les seules à résister. À l’inverse, le Corner Shop Coffee a fermé il y a quelques semaines. Avant lui, un salon d’esthétique et un cuisiniste avaient déjà dû plier bagage. « Sur 30 locaux, il n’y en a plus que 14 ouverts », observe Philippe Cartier.

Dans ce couloir, il n'y a qu'une seule enseigne ouverte : la salle de sport Fitness Park.
Dans ce couloir, il n’y a qu’une seule enseigne ouverte : la salle de sport Fitness Park. (©Thibaut Calatayud / Actu Perpignan)

Difficile d’attirer du monde dans un endroit où la majorité des cellules commerciales sont vides. Il y a pourtant eu des projets. Et ce, avant même la polémique sur le chantier de la RD39. Maison Paré, par exemple, avait envisagé d’ouvrir face à Marie Blachère.

Maison Paré devait ouvrir à Pollestres. Le projet semble aujourd'hui au point mort.
Maison Paré devait ouvrir à Pollestres. Le projet semble aujourd’hui au point mort. (©Thibaut Calatayud / Actu Perpignan)

Le logo et la mention « ouverture prochainement » sont encore visibles dans le local qui aurait dû accueillir la boucherie. Mais rien ne bouge et, en témoigne la poussière sur la devanture, le dossier semble au point mort. Comme une bonne partie de la zone commerciale.

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.

Dernières actualités

Actu Perpignan

Voir plus