Votre navigateur est obsolète. Veuillez le mettre à jour avec la dernière version ou passer à un autre navigateur comme ChromeSafariFirefox ou Edge pour éviter les failles de sécurité et garantir les meilleures performances possibles.

Passer au contenu principal

Marché de l’artQuel avenir pour le Sotheby’s de Patrick Drahi?

Patrick Drahi au micro.

C’est de la lecture au carré. J’ai découvert en ligne dans «Il giornale dell’arte» les analyses que Bruno Muheim fait de deux articles parus «sans aucune relation explicite» dans «Le Monde» du 23 mars. Comme les textes courts de ma chronique tiennent parfois de la revue de presse, je me suis dit que le contenu, publié en italien, pouvait vous intéresser. Bruno, qui collabore (malheureusement assez peu) avec ce journal depuis sa création en mai 1983, voit en effet le marché de l’art avec du recul. De l’indépendance aussi dans un milieu où elle se fait rare. Il n’a pas comme tant d’autres la tête dans le guidon, alors même que nul n’a ici à remporter le Tour de France.

«A ce stade, tous les scénarios sont possibles.»

Bruno Muheim

Or donc les deux articles concernent Patrick Drahi, un milliardaire bien connu du fisc genevois qui aimerait bien l’avoir comme contributeur (voir la «Tribune de Genève» du 22 mars). On sait que l’homme accumule 24 milliards d’euros de dettes, ce qui donne proprement le vertige. Comment une telle chose est-elle possible? Au fil des années, Drahi a bâti une sorte de château de cartes, dont beaucoup semblent sur le point de tomber. Son gigantesque réseau de téléphonie paraît ainsi à l’agonie. «L’homme a demandé un moratoire sur les 30 pour-cent de ses dettes, comme le proposerait un Etat en faillite auprès du Fonds monétaire international». Le problème, comme le souligne bien Bruno Muheim, c’est que les créanciers du monsieur ne sont ni des gentils, ni des patients. Il ne s’agit pas d’infirmiers compatissants mais des «hedge funds». Ces derniers ont immédiatement fait cause commune et engagé le plus grand cabinet d’avocats spécialisés dans la restructuration des dettes dans le but de récupérer au plus vite leurs avoirs.

A l’une des ventes de prestige organisées par la maison.

Quel rapport avec le monde de l’art? Très simple. Patrick Drahi est notamment le propriétaire de Sotheby’s depuis 2019. Un achat effectué alors pour 3,7 milliards de dollars. La multinationale serait en vente depuis plusieurs années, tout comme du reste le Christie’s de François Pinault. Un financier dont les affaires demeurent plus solides, via la holding Kering. Les deux grosses boîtes n’ont pas trouvé d’acquéreurs en raison de l’énormité du prix demandé. Or leur valeur a fortement diminué. 2023 n’a pas été une bonne année pour les grosses maisons d’enchères. Elles ont vu leur chiffre d’affaires baisser en moyenne de 23 pourcent par rapport à 2022. Le choc est pour elles surmontable selon Bruno Muheim, qui a travaillé dans une autre vie chez l’une d’elles à Genève. Mais à la condition expresse de ne pas se voir ponctionnées par leurs maîtres, ni de leur servir de caution financière.

La mode tousse aussi

Christie’s peut donc attendre, en espérant que 2024 soit meilleur. Une chose qui ne paraît pas le cas en ce moment. Selon Bruno Muheim, le modèle même adopté depuis quelques années se retrouve en crise, avec sa curieuse alliance d’art et de luxe. Les deux piliers de Pinault. Le secteur de la mode traverse en effet lui aussi une passe difficile. Si Hermès a encore fait un bond vers le haut avec 16,6 pour-cent au premier trimestre 2024, Gucci (une marque Kering) a vu durant la même période ses ventes décliner de 20 pour-cent. «La famille Pinault est assez habile pour se tirer de ce mauvais pas.» Elle a en plus le temps pour elle. Et le temps, comme chacun sait, c’est de l’argent.

Le siège genevois de Sotheby’s.

«Bien différente se révèle la situation de Sotheby’s, dont l’avenir se trouve entre les mains des créanciers de Patrick Drahi. Prendront-ils la maison comme butin de guerre? Sauront-ils ensuite la gérer? Et de quelle manière la gérer?» Ou alors, scénario catastrophe, Drahi vendra-t-il Sotheby’s au plus vite n’importe comment afin de se procurer des liquidités? «A ce stade, tous les scénarios sont possibles.» Mais il y aura un mauvais moment à passer, surtout pour le personnel, que les maisons de vente ont depuis longtemps pris l’habitude de jeter comme des kleenex. «Inutile de dire que dans leurs coulisses, pour toutes et pour tous, c’est là le grand sujet de conversation de l’année.»

Voilà, vous savez tout, c’est à dire rien. La suite sans doute dans un prochain épisode.