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Roederer, la saga d'un champagne de légende

Frédéric Rouzaud, P-DG de l’entreprise.
Frédéric Rouzaud, P-DG de l’entreprise. © Eric Hadj / Paris Match
Loïc Grasset

À bientôt 250 ans, la maison qui a inventé le célèbre Cristal reste un mythe et un joyau du vin français.

Lorsque les premières bulles de champagne Roederer commencèrent à mousser comme un escargot ou un cerveau de poète, pour paraphraser Apollinaire, on le servait dans des coupes en porcelaine en forme de sein. Les États-Unis d’Amérique n’existaient pas. Louis XVI régnait, bonhomme, sur le royaume de France. Nous sommes en l’an 1776, à Reims, quand Louis Dubois crée sa maison de champagne.

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L’une des dernières maisons indépendantes

En 1812, Louis Roederer, 24 ans, en hérite de son oncle et lui donne son patronyme. À contre-courant des usages de l’époque, il décide d’acheter des parcelles de vignes pour assurer la constance et la qualité des approvisionnements. Près de deux cent cinquante ans plus tard (l’anniversaire sera fêté en 2026), Roederer, qui possède 250 hectares en Champagne, reste l’une des dernières maisons indépendantes dans une industrie dominée par des géants comme LVMH (Moët & Chandon, Veuve Clicquot) ou Pernod Ricard (Mumm, Perrier-Jouët).


C’est Frédéric Rouzaud, septième génération de la dynastie Roederer, qui dirige cet empire de la bulle de 232 millions d’euros. Courtois, très urbain mais discret, ce diplômé de Dauphine, après un début de carrière dans l’immobilier chez Auguste Thouard, a poursuivi la diversification du groupe depuis qu’il a succédé à son père, Jean-Claude, en 2006. Il a racheté en 2019 Merry Edwards Winery, un domaine viticole en Californie du Nord, aux États-Unis.

 Le Cristal est un champagne d’excellence. Il n’est produit que les années où la qualité des raisins et de l’assemblage (420 jus) est parfaite 

Frédéric Rouzaud

Depuis 1980, Roederer a ajouté à son catalogue de vins fins Roederer Estate, en Californie, Ramos Pinto, au Portugal, Deutz, en Champagne, deux propriétés mythiques du Bordelais (Château de Pez et Pichon Longueville Comtesse de Lalande), les Domaines Ott, dans le sud de la France ou la maison Delas Frères, dans la vallée du Rhône. « Nous aimons le temps long, assure Frédéric Rouzaud. Ces acquisitions sont le fruit de réflexions très abouties. Nous sommes la seule maison indépendante de Champagne à s’être aventurée si loin de nos vignes. » À la table du déjeuner, dans le magnifique hôtel particulier de Reims où il a passé son enfance, un magnum de Cristal Roederer 2008. Évidemment.


Ce champagne mythique, dont la longueur en bouche reste inégalée, se distingue par sa texture soyeuse et ses arômes de fruits soutenus par une puissance minérale. Cristal peut être conservé plus de vingt ans sans perdre sa fraîcheur et son caractère. Actuellement, le millésime 2015, qui a vieilli huit ans dans les caves crayeuses de la maison, est commercialisé. « Le Cristal est un champagne d’excellence, insiste Frédéric Rouzaud. Il n’est produit que les années où la qualité des raisins et de l’assemblage (420 jus) est parfaite. »

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En 1929, après la révolution en Russie et la prohibition aux États-Unis, nous étions en quasi-faillite.

Frédéric Rouzaud

Pas de Cristal, donc, en 2010, 2011, 2017 ou 2021. La maison ne produit alors que ses cuvées Collection, Brut Premier ou Carte Blanche. Légendaire, la bouteille de Cristal a été créée en 1876 pour le tsar Alexandre II : il en voulait une à fond plat (piqûre), pour qu’on ne puisse pas cacher une bombe dans le cul de la bouteille, et transparente, pour éviter l’empoisonnement. « Nous avons très tôt été exportateurs, rappelle Frédéric Rouzaud, qui vend 75 % de sa production hors de France. En 1929, après la révolution en Russie, notre premier marché, la prohibition aux États-Unis et la reconfiguration d’un domaine éventré par la Première Guerre mondiale, nous étions en quasi-faillite. Nous avons appris la résilience. » Grâce à des pionnier(es) comme son aïeule, Camille Olry-Roederer, qui a dirigé le domaine de 1932 à 1975, la maison a gardé constance et qualité.

Roederer ne rémunère pas d’ambassadeur


Aujourd’hui, entre Reims et Épernay, la tradition est perpétuée. Les vignes – moyenne d’âge 34 ans – sont labourées par des chevaux. Trois millions de bouteilles, pas plus, sont produites chaque année, vendues uniquement à des restaurants ou à des cavistes en vins fins. Si de nombreuses personnalités du monde littéraire, comme Amélie Nothomb, ou des stars du football (120 000 dollars le grand cru de Cristal dans les discothèques de Dubaï) en raffolent, Roederer ne rémunère pas d’ambassadeur. Tout juste le groupe s’autorise-t-il quelques publicités en fin d’année. Seules obsessions : que l’hiver soit froid, que le raisin arrive lentement à maturité, sans pourriture, et que les vendanges soient ensoleillées. Cela garantit un champagne de qualité. Tandis que dorment dans les caves de Reims 20 millions de bouteilles, magnums et salmanazars. Un trésor inestimable. 

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