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Sonia Mabrouk dans le JDD : « L’autre match politique »

Notre chroniqueuse s'interroge sur la possibilité pour les numéros deux des listes pour les élections européennes de s'imposer. Mission impossible ?

Sonia Mabrouk , Mis à jour le
Sonia Mabrouk.
Sonia Mabrouk. CNews / © Augustin Detienne

C’est l’autre match des élections européennes. Derrière la bataille des droites menée par les têtes de liste Jordan Bardella, Marion Maréchal et François-Xavier Bellamy, une autre partie se joue. Dans l’ombre des chefs de file, les numéros deux se jaugent et se jugent. Malika Sorel sur la liste Rassemblement national, Céline Imart chez Les Républicains et Guillaume Peltier pour Reconquête.

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Trois profils, trois personnalités, trois ambitions. Et autant de stratégies différentes concoctées par les états-majors des partis. Chacun dans leur registre, les numéro deux ont pour mission de s’imposer dans une campagne phagocytée par les têtes d’affiche. Une mission difficile mais pas impossible.

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Céline Imart, la bonne élève

Sur le papier, elle coche toutes les cases. Agricultrice, surdiplômée, médiatique. A priori un bon cocktail quand il s’agit de mener campagne dans les médias sur fond de colère agricole toujours vive. Mais Céline Imart n’est pas seulement un profil marketing pour une droite en manque de souffle et de repères. La jeune quadra est aussi et surtout une passionnée comme on en rencontre peu.

Lors du premier meeting LR aux Docks d’Aubervilliers, près de Paris, le 23 mars dernier, les militants ont été agréablement surpris par la vitalité de son discours dans un monde politique blasé et souvent blasant. Espérons à présent qu’elle conservera cette fraîcheur sans trop emprunter aux éléments de langage du sérail. Pour cela, il faudra d’abord que Céline Imart trouve rapidement sa place dans une campagne électorale où la droite est aphone.

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À première vue, son profil de bonne élève bien sous tous rapports pourrait la desservir quand il s’agira de rendre coup pour coup et de planter des banderilles chez ses adversaires, mais c’est mal connaître la battante dont le regard s’anime instantanément lorsqu’elle est poussée dans ses retranchements. Au fur et à mesure de ses interventions télévisées, par petites touches, elle dévoile une personnalité affirmée sans être arrogante, précise sans être présomptueuse et ambitieuse sans être arriviste. 

Considérée comme « une prise » par la droite

Je lui devine un mental d’acier et une grande lucidité sur sa situation. Céline Imart sait qu’elle est considérée comme « une prise » par la droite. Au moment où grondaient les moteurs des agriculteurs aux abords de la capitale, la désigner numéro deux sur une liste aux élections européennes tombait sous le sens. Et maintenant ? Cette figure montante du paysage agricole français va devoir faire du chemin avant de devenir une figure émergente du paysage politique. Pour le moment, son arrivée n’a rien changé dans les sondages. Avec ou sans Imart, l’électrocardiogramme de la droite reste plat. Il lui incombe donc d’être plus audacieuse pour se faire entendre. Ce n’est pas gagné en cette période de désenchantement nauséeux. Mais qui sait de quoi sera fait son avenir politique ? 

L’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait un jour comparé Valérie Pécresse à… un tracteur en lançant : « Ça avance lentement, mais c’est très résistant. » Une raffarinade qui sied parfaitement à Céline Imart. 

Guillaume Peltier, l’homme pressé

Il est fidèle à ses idées mais pas forcément à ses chefs. C’est la première réflexion qui vient à l’esprit de tous ceux qu’on interroge sur le numéro deux de la liste Reconquête. Il est vrai que lorsqu’on se penche sur son parcours, on relève aisément que Peltier a eu des fidélités successives et qu’il a souvent changé de crèmerie. L’ancien député sait ce qu’il veut mais la question est plutôt de savoir : avec qui veut-il atteindre ses objectifs politiques ? 

Bien sûr, son plein soutien à Marion Maréchal ne fait pas de doute dans la campagne des européennes. Il croit dur comme fer en les qualités de la jeune femme. Toutefois, il ne s’interdit pas de penser à l’après et à 2027. Suivra-t-il alors l’étoile de son champion Éric Zemmour ? S’il est trop tôt pour se risquer à ce genre de pronostics, on peut logiquement parier sur de fortes tensions déjà à l’œuvre dans l’écurie zemmouriste au fur et à mesure de la progression du duo Marine Le Pen-Jordan Bardella.

L’enfant terrible de la politique est en permanence à la recherche de ce qui peut marquer une campagne électorale

Pour l’heure, Guillaume Peltier veut d’abord assurer sa place de député européen.  Pas si facile à en croire les derniers sondages. Mais celui qui a de l’énergie à revendre, comme à ses débuts, ne se laisse pas pour autant bringuebaler par les vents contraires. Adepte des coups d’éclat médiatiques, l’enfant terrible de la politique est en permanence à la recherche de ce qui peut marquer une campagne électorale. Dans ce domaine, il faut lui reconnaître du flair et une habileté à se faire remarquer pour exister. Peltier a toujours assumé une parole libre quitte à faire grincer des dents, comme ce jour de début février 2024 lorsque, lors de la grande interview sur CNews et Europe 1, il mit en avant la parentalité comme argument électoral en comparant Marion Maréchal à Jordan Bardella, François-Xavier Bellamy ou encore à Gabriel Attal.

Sa méthode : la disruption permanente au risque de perturber jusque dans son camp. Très affable avant les interviews, l’homme se mue instantanément en « punchlineur en série » durant les entretiens politiques, très loin des pisse-froid du politiquement correct. Au fond, même s’il a souvent changé de chefs, Guillaume Peltier reste surtout fidèle à lui-même et à ses ambitions. Il s’est toujours présenté en patriote amoureux de la France éternelle. Sa boussole s’appelle la droite forte. Et peu importe qui sera le mieux placé pour l’incarner en 2027.

Malika Sorel, la pourfendeuse en cheffe

Elle incarne incontestablement la surprise de la campagne des européennes. La numéro deux sur la liste du RN est loin d’être une inconnue dans l’univers médiatique. Essayiste, femme engagée sur les questions de laïcité et d’intégration, Malika Sorel ne s’est pas engagée pour rester dans l’ombre. Et tant pis si cela risque de faire des étincelles et de provoquer des tiraillements au sein du parti de Marine Le Pen. Incarnation de la méritocratie à la fois en Algérie, son pays d’origine, et en France, son pays d’adoption, la nouvelle recrue du RN est prête à en découdre.

À Éric Ciotti, qui a lancé à son sujet : « Écrire c’est bien, agir c’est mieux », elle renvoie ironiquement au bilan de la droite en prenant soin de ne pas égratigner Nicolas Sarkozy, François Fillon ou Dominique de Villepin, trois personnalités pour lesquelles elle met en avant sa proximité. Mais aujourd’hui, sa référence s’appelle Jordan Bardella. Malika-Jordan, même combat ? L’affiche a fait l’effet d’une déflagration médiatique et politique. Et la numéro deux compte bien défendre sa légitimité.

Depuis les fuites dans la presse au sujet de son offre faite à Emmanuel Macron d’intégrer le gouvernement, Sorel ne s’est pas démontée. Au contraire. Habile, elle a retourné l’argument pour mieux démontrer qu’elle n’était pas sectaire et qu’elle aurait très bien pu rejoindre l’équipe gouvernementale sans changer une virgule à son discours sur les sujets identitaires. Dans un monde politique où les retournements de veste sont plus nombreux que les vestes elles-mêmes, pas sûr que de telles révélations sur ses offres de service vont lui nuire. Malika Sorel, qui a une haute opinion de ses capacités, trop à en croire certains soulignant son caractère raide à la limite de l’intransigeance, trace sa route avec détermination.

Comment la nouvelle venue va-t-elle désormais faire son nid au sein du Rassemblement national ? Le défi est de taille tant les places sont chères dans le cercle de confiance du duo Bardella-Le Pen. Si l’avenir européen de la numéro deux est assuré au vu des sondages flatteurs du RN, son avenir dans les arcanes du parti risque d’être beaucoup plus long et sinueux. On peut compter sur son caractère frondeur pour tenter d’ouvrir toutes les portes, surtout celles qui lui seront fermées à double tour. Sorel n’est pas seulement une battante, c’est une combattante.

« Je » set et match le 9 juin prochain. Et comme se plaisait à dire Louis XIV : « Tout l’art de la politique est de se servir des conjectures. » Nous compterons alors les points.

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