Cette année encore, le groupe suisse est sur des charbons ardents. Il est mis en cause sur son premier marché européen, la France, pour la sécurité sanitaire de ses produits. Un comble pour une entreprise qui se vante depuis plus d’un siècle d’être à la pointe de la sûreté et de la qualité.
Un manque d’empathie qui passe mal
Dans le détail, Nestlé a été accusée de frauder la législation sur les eaux minérales comme ont révélé les investigations conjointes du Monde et de Radio France. La justice a ouvert une enquête pour « tromperie », après les révélations sur l’utilisation par Nestlé Waters de procédés de traitement de l’eau (filtrage, purification, etc.) strictement interdits par la loi. Par définition une eau minérale naturelle ne peut subir de traitement sauf à perdre cette dénomination très encadrée.
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Bien plus grave encore, un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), révélé le 4 avril, dénonce une pollution généralisée et de grande ampleur dans toutes les sources d’eaux minérales du groupe en France (Perrier, Vittel, Contrex, Hépar). La lecture du rapport qui mentionne la présence de polluants éternels (PFAS, per et polyfluoroalkylées) dangereux pour la santé, de « multiples constats de contaminations d’origine fécale », « la présence chronique notable de micropolluants », certains issus de pesticides, de « contamination microbiologiques régulières » (notamment à Escherichia coli) et « l’absence de paramètre permettant le suivi de la contamination virale des eaux », suffit à détourner n’importe quel consommateur de ces marques jusque-là auréolées de bienfaits pour la santé.
« Les accusations sont gravissimes et chaque fois, l’entreprise fait preuve d’une communication peu réactive, peu transparente et dénuée d’empathie, se désole un cadre français soucieux de conserver l’anonymat. Quand il y a empoisonnement ou risque d’empoisonnement, il faut une réaction officielle du groupe dans la journée ! L’ambiguïté et le déni cultivés au siège en Suisse sont de plus en plus difficiles à vivre pour les salariés, y compris ceux qui sont chargés de la communication. » Signe de cette gêne qui vire au mal-être, l’entreprise n’a toujours pas inauguré officiellement son nouveau siège français, installé depuis trois ans dans un immeuble flambant neuf d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Le groupe suisse avait décidé de quitter son précédent QG de Noisiel (Seine-et-Marne), parce qu’il nécessitait de lourds investissements de rénovation et car il voulait un lieu moderne, proche des transports et attractif pour les jeunes diplômés. Manque de chance, entre-temps la « marque employeur » a souffert des crises à répétition. Et l’engagement réel de la multinationale sur un thème aussi noble que la place accordée aux femmes par exemple en est devenu inaudible.
Bientôt un impact sur les ventes ?
Outre l’embarras grandissant des salariés, la communication déployée par l’entreprise indispose fortement les pouvoirs publics. La firme a jugé utile de « mouiller » le gouvernement en expliquant l’avoir prévenu il y a plusieurs mois de ses problèmes de sécurité sanitaire dans ses usines d’eau. « Les fonctionnaires et responsables gouvernementaux qui n’ont pas lancé l’alerte et paraissent avoir cautionné la stratégie de dissimulation de Nestlé sont dans leurs petits souliers », reconnaît l’un d’entre eux. Comme la direction de Nestlé, ils espèrent que la tempête va passer d’elle-même.
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Mais c’est jouer une partie très risquée tant les crises sont quasi quotidiennes pour le groupe, qui va finir par y perdre plus que son image, la croissance de ses ventes. En attendant, la firme au logo en forme de nid douillet campe sur ses positions : « Une communication ouverte vis-à-vis de l’ensemble de nos parties prenantes est essentielle pour nous, affirme un porte-parole de Nestlé en France. Nous privilégions toutefois le fond à la forme, et la communication ne doit venir qu’en appui d’une réalité. »