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Rapport européen sur l'islamophobie : Sale époque pour les musulmans

Rapport européen sur l'islamophobie : Sale époque pour les musulmans

Le «Rapport européen sur l'islamophobie» que l’on doit à Enes Bayrakli, enseignant à l'université turco-allemande, et Farid Hafez, enseignant à l'université de Georgetown, s’appuie sur une documentation solide et une analyse des données rigoureuses pour livrer des conclusions qui font froid dans le dos.

Ce rapport signé par deux spécialistes de l’Occident et de ses rapports avec l’Islam et le monde arabe, vient confirmer les données du Parlement européen, de la Commission européenne, du Conseil de l’Europe et d’autres institutions en Europe et en Amérique du Nord dont les conclusions convergent toutes vers un constat qui ne souffre aucune ombre : la haine anti-Islam prend de très graves proportions en Occident et elle s’est exacerbée durant les dix dernières années atteignant un seuil sans précédent depuis 2023.

En effet, le rapport européen sur l’islamophobie se penche sur les raisons de cette montée en flèche de l’islamophobie : les répercussions de la guerre russo-ukrainienne, le développement de la législation et des mesures anti- musulmanes dans des pays tels que l'Autriche et la France, et les incidents anti-islamiques et anti-immigrés dans les pays européens. Sans oublier la hausse des indices du racisme en Europe et en Amérique, avec des chiffres qui traduisent de manière limpide l’état des lieux des relations intercommunautaires en Europe. La première grande conclusion qui frappe au premier coup d'œil dans ce rapport est que «le sentiment hostile aux musulmans s'institutionnalise dans les pays européens». Cette affirmation est corroborée par des données infaillibles puisqu’il faut savoir, à titre d’exemple qu’en France : «la pression sur la population musulmane s'est accrue. 1.727 institutions islamiques ont été mises sous contrôle, 118 institutions autres ont été fermées et 10 millions d'euros ont été saisis entre janvier et août 2022. Ces mesures dénoncées par les institutions musulmanes en France s’inscrivent dans ce que le gouvernement français a baptisé : le «plan de laïcisation».

Celui-ci  est mis en place pour réguler le mode de vie et les coutumes des musulmans de France en touchant les tenues vestimentaires des femmes et des jeunes filles musulmanes, «en obligeant les enseignants et les administrateurs à identifier, à signaler et à déposer des plaintes disciplinaires contre les jeunes filles portant des jupes trop longues», lit-on dans le rapport. Dans ce sens, les chiffres liés aux affaires de racisme, de violences contre les musulmans montrent l’ampleur des dégâts : «Selon un rapport publié par le Collectif contre l'islamophobie en Europe, 501 plaintes ont été déposées en 2022, bien qu'aucune statistique n'ait été publiée par le ministère de l'Intérieur. La majorité de ces plaintes portaient sur la discrimination et l'insulte. Des infractions ont également été commises dans le cadre de la lutte contre l'extrémisme». Dans cette configuration, la classe politique joue un rôle insidieux et dangereux visant à remonter les communautés les unes contre les autres, comme le souligne le rapport : «Les hommes politiques du pays tentent également d'influencer les électeurs par leur rhétorique contre les musulmans. Le rapport cite à titre d'exemple le discours d'Éric Zemmour, homme politique d'extrême droite, adressé à la police et dans lequel il déclare que «la police est en guerre contre les Français musulmans et les immigrés des régions sous-développées».

Ces mesures ne sont pas limitées à la France où la haine anti-islam est nourrie par les médias, par l’intelligentsia, par certains journaux et autres intellectuels qui ne cachent pas leur hostilité aux musulmans allant jusqu’à demander le retrait de la nationalité à des centaines de milliers d’immigrés musulmans ou alors leur renvoi dans leurs pays d’origine. En Belgique, un fait a fait l’effet d’un tollé quand le ministre de la justice Vincent Van Quickenborne a menacé l'un des imams de la Grande Mosquée de Bruxelles de supprimer le financement de l'État s'il ne démissionnait pas. «Vincent Van Quickenborne a également annulé la licence du Conseil exécutif des musulmans de Belgique (EMB), en invoquant «l'ingérence de puissances étrangères». Pire, on apprend par le rapport que la demande de licence d'une école dont les lieux de culte sont fréquemment attaqués a été tout bonnement rejetée. Le ministre de l'Education de la région flamande, Ben Weyts, a annoncé que la demande n'avait pas été acceptée au motif que l'école «enseigne des idées contraires aux valeurs démocratiques de la Belgique».

Il faut aussi savoir que «Sur les quelque 3.000 plaintes déposées auprès du Centre fédéral pour l'égalité des droits (Unia), qui œuvre à la promotion des droits de l'homme, de l'égalité des chances et des droits ainsi qu'à la lutte contre la discrimination, 8,8% ont été déposées par des personnes indiquant avoir été maltraitées en raison de leurs convictions. La moitié de ces plaintes concernaient des discriminations et un tiers des discours de haine». Pourtant, à ce jour, aucune mesure n’a été prise par le gouvernement belge pour rendre justice à toutes ces personnes de confession musulmane qui ont été victimes de racisme, de violences morales et physiques et de persécution et harcèlement dans les lieux publics.

Ailleurs, l’effet boule de neige suit son cours. Dans une action inhumaine et incroyable tant son impact sur les enfants est dramatique, «les enfants d'immigrés musulmans au Danemark sont séparés de leurs familles 35 heures par semaine et suivent un enseignement fondé sur les «valeurs danoises». L'interdiction du port du voile a été mise à l'ordre du jour dans ce pays», précise le rapport. Comme on peut le constater, à chaque fois, les autorités des pays européens franchissent un palier dans l’ostracisation des musulmans en s’immisçant dans leurs vies, en stigmatisant les parents et les enfants et en imposant de nouvelles règles de vie toujours plus contraignantes, toujours plus humiliantes. Les choses vont encore plus loin dans un pays scandinave dont on n'entend pas beaucoup parler en termes de traitements réservés aux communautés musulmanes. Selon une enquête menée par l'Institut danois des droits de l'homme en mars 2022, «les migrants sont 27% plus susceptibles que les Danois d'être détenus par la police, et les enfants de migrants ont 45% de plus de probabilités d'être détenus». Une ségrégation mise à l’index par plusieurs ONG sans résultat aucun, puisque toutes les plaintes reçoivent la même note de non-recevoir. «Selon les statistiques publiées par la police du pays, 521 crimes de haine ont été commis en 2021. Si les croyances des individus et des institutions ont été visées dans 164 d'entre eux, les musulmans constituaient environ 40% des personnes victimes d'attaques. Sur les 792 crimes de haine commis au Danemark entre 2017 et 2021, 389 ont été commis contre des musulmans», détaille le rapport signé par Enes Bayrakli, enseignant à l'université turco-allemande, et Farid Hafez, enseignant à l'université de Georgetown. En Autriche, les menaces sur les musulmans prennent des allures plus violentes. Dans ce sens, «Le siège de l'Union autrichienne de solidarité culturelle et sociale turco-islamique (Atib) a été attaqué en 2022. Les fenêtres du siège ont été brisées et des mots hostiles à l'islam ont été inscrits sur les murs de la Mosquée verte». Si pour un pays comme l’Autriche où l'extrême droite a toujours été très forte et dont l’histoire atteste d’un profond rejet de l’autre, c’est la Finlande qui surprend par des actions inattendues de la part d’un pays où les musulmans ont toujours été exemplaires et n’ont jamais fait de vagues autour de leurs us et coutumes : «Selon un rapport publié par la police finlandaise, les crimes de haine ont augmenté en 2021 pour la première fois depuis 2017, les musulmans étant le groupe le plus exposé aux crimes de haine. Riikka Purra, leader du Parti des Vrais Finlandais, connu pour sa rhétorique anti-musulmane, cité par le rapport, a déclaré que seuls les Finlandais, et non les musulmans et autres minorités, devraient bénéficier du développement de la Finlande». Clair, net et précis. Et sans appel.

Quant à l’Allemagne, les choses revêtent une autre dimension étant donné le nombre de musulmans vivant dans ce pays. Selon une enquête du Centre allemand de recherche sur l'intégration et les migrations, 33% de la population du pays pensent que certaines races sont intrinsèquement plus travailleuses que d'autres. Cela nous rappelle de vieux discours appartenant à une page noire de l’histoire de l’Allemagne où la haine raciale faisait office de politique et de loi. Parmi les personnes interrogées en Allemagne, 61% pensent que le racisme et la discrimination existent, 22% déclarent avoir été victimes de racisme en Allemagne et 45% disent avoir été témoins de racisme. «Selon la déclaration de la police allemande, 58% des minorités ont indiqué avoir été exposées au racisme à un moment ou à un autre de leur vie. 364 crimes contre les musulmans ont été enregistrés en 2022, dont 26 attaques contre des mosquées». Des actes violents qui sont passés inaperçus tant les médias donnent dans le blackout quand il s’agit des actes anti-minorités en Allemagne. Dans ce sens, «Selon l'enquête 2022 de l'Autoritarismus-Studie de Leipzig, qui mène des études sur la xénophobie, la démocratie et l'autoritarisme, 70,2% des participants préconisent une interdiction des immigrants musulmans, tandis que 79,3% d'entre eux se sentent étrangers en Allemagne». Un pourcentage effrayant puisque plus des deux-tiers des citoyens veulent le rejet des musulmans. Pourtant, on peut constater que dans les résultats de la même enquête en 2020, seuls 24,7% étaient en faveur d'une interdiction des immigrants musulmans. En l’espace de trois ans, la haine a explosé flirtant avec les 80% des interrogés qui pensent que les musulmans sont bel et bien une menace pour leur pays.

Aux Pays-Bas, un autre pays où l’extrême droite est très puissante, les choses sont graves. Selon les statistiques annoncées par la police, 67% des attaques contre la religion ont été commises contre des musulmans. Les lieux de culte musulmans ont été fréquemment attaqués et des groupes anti-islamiques ont brûlé des barbecues autour des lieux de culte pendant le Ramadan. Pire «39 des 63 personnes qui ont déclaré avoir été victimes de discrimination au travail étaient musulmanes, et 26 des 30 personnes qui ont déclaré avoir été victimes de discrimination à l'école étaient également musulmanes», lit-on dans le rapport. Face à ces situations extrêmes, les musulmans ont déposé 11 des 26 plaintes pour discrimination dans le secteur public et 10 des 15 plaintes pour discrimination dans les médias. 79% des 390 demandes adressées aux institutions de lutte contre la discrimination en 2022 ont été déposées par des musulmans, comme on peut le vérifier dans le rapport de Movisie, qui mène des recherches sur la discrimination.`

En ce qui concerne le Royaume-Uni, les chiffres sont également à la hausse. Le rapport nous précise que selon la déclaration du gouvernement britannique, entre mars 2021 et mars 2022, le nombre de crimes commis contre des musulmans en Angleterre et au Pays de Galles a augmenté de 26% par rapport à l'année précédente. La même déclaration indique que 3.459 des 8.730 crimes contre la religion sont des crimes contre des musulmans et qu'au moins 35% des plus de 1.800 mosquées du pays sont attaquées au moins une fois par an. Environ la moitié des attaques contre les musulmans étaient des attaques contre des bâtiments et des vols, tandis que 17% visaient des personnes dans des bâtiments.

D’autres régions de l’Europe manifestent le même rejet des musulmans. C’est le cas pour la Grèce où l'organisation Racist Violence Registry Group a publié un rapport détaillé sur les données des années 2020-2022. Il en ressort que le nombre d'agressions racistes et discriminatoires a diminué en 2021 par rapport à 2020. 72 infractions considérées comme du racisme ont été commises dans le pays, dont 28 à l'encontre d'immigrés. La police grecque a annoncé avoir recensé 44 agressions racistes en 2021, dont 17 contre une religion. Selon d'autres informations, un jeune Pakistanais de 16 ans résidant dans l'un des centres de réfugiés du pays a été secouru par deux personnes alors qu'il était battu par un groupe, puis un autre groupe d'environ 40 personnes est arrivé devant le centre et a jeté des pierres et des briques sur le bâtiment. Pour rappel, un grand nombre de musulmans en Grèce sont logés dans des centres en attendant leur renvoi dans leurs pays. Ils sont majoritairement originaires du Pakistan, d’Afghanistan et du Bangladesh.   

Enfin, l’Espagne qui a un lourd passé avec les immigrés musulmans, du Maghreb, du Moyen-Orient et même d’Asie, les analystes ont noté un nombre croissant de crimes de haine qui ont été commis chaque année depuis 2019, comme le précisent les données du ministère de l'Intérieur espagnol. Le pays connait une augmentation des discours islamophobe et raciste sur les médias sociaux, selon le rapport de l'Observatoire espagnol du racisme et de la xénophobie. Selon les recherches menées par cet Observatoire en juillet-août 2022, la rhétorique contre l'islam représente 20% du total des discours de haine utilisés sur les médias sociaux dans le pays, contre 14,7% l'année précédente.

On le voit bien dans ce round-up des réalités de l’islamophobie en Europe, plus les années défilent plus les musulmans sont menacés dans leur intégrité humaine, morale et physique. Ils sont attaqués. Ils subissent pressions et harcèlement. Leur image est défigurée dans les médias et sur les réseaux sociaux. Les politiques font de la haine de l’islam leur fonds de commerce et attisent les dissensions et les conflits dans une Europe de plus en plus fragilisée par les crises sociales et financières pointant toujours du doigt l’étranger, l’immigré, le musulman comme l’une des causes majeures de la débâcle en Occident.

 Abdelhak Najib
Écrivain-Journaliste

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