Munitions pour l’Ukraine : où en sont les promesses de l’UE ?

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Alors que la Russie prépare une nouvelle offensive contre l’Ukraine qui devrait débuter au début de l’été et que les responsables militaires avertissent que les soldats ukrainiens pourraient bientôt se battre à dix contre un, le gouvernement de Kiev a multiplié les appels pour que les livraisons se fassent plus rapidement. [EPA-EFE/FRIEDEMANN VOGEL]

Un an après que les États membres de l’UE ont promis d’envoyer à l’Ukraine un million de munitions dans les 12 mois, seule la moitié a été livrée, et les autres réseaux d’approvisionnement de Kiev, en dehors du cadre de l’Union, semblent également avoir du mal à atteindre cet objectif.

Alors que la Russie prépare une nouvelle offensive contre l’Ukraine qui devrait débuter au début de l’été et que les responsables militaires avertissent que les soldats ukrainiens pourraient bientôt être contraints de se battre à dix contre un, le gouvernement de Kiev a multiplié les appels pour accélérer les livraisons.

Le plan en trois volets pour sécuriser l’approvisionnement en munitions de l’UE, dans le cadre duquel les États membres de l’UE se sont engagés à envoyer un million d’unités de munitions, y compris de la poudre et des explosifs, dans un délai de douze mois, est financé par un fonds spécial pour les livraisons militaires : la Facilité européenne pour la paix (FEP).

La facilité vise à aider les forces armées ukrainiennes à repousser les troupes russes, à donner à l’industrie de l’armement une perspective à long terme sur les commandes et à encourager les investissements dans les capacités de production.

Les munitions de 155 mm et les missiles doivent provenir des stocks existants (le premier volet du plan) ou être obtenus par le biais de contrats d’achat commun, principalement au sein de l’industrie de l’UE et de la Norvège (le deuxième volet du plan).

L’engagement de l’UE en matière de munitions ne tient pas compte des munitions livrées dans le cadre des livraisons bilatérales ou des programmes multilatéraux comme l’initiative tchèque en matière de munitions.

Objectif à moitié atteint

« En ce qui concerne l’approche à trois volets, sur la base des informations reçues des États membres jusqu’à présent, ils ont atteint la moitié de l’objectif fixé dans le cadre de l’initiative sur les munitions », a confié un porte-parole de la Commission européenne à Euractiv.

Les chiffres actualisés confirment l’estimation faite en janvier par Josep Borrell, chef de la politique étrangère de l’UE, qui comptabilisait les dons provenant des stocks disponibles ainsi que les achats individuels et communs.

Selon le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), seules 500 000 munitions ont été achetées et livrées dans le cadre du plan de l’UE pour sécuriser l’approvisionnement en munitions au cours des douze derniers mois, soit la moitié de la quantité promise initialement.

Mais le SEAE a souligné que les États membres auront livré « plus d’un million de munitions à l’Ukraine avant la fin de l’année », ajoutant que les chiffres continuent d’évoluer.

La date limite pour passer des commandes via l’Agence européenne de défense (AED) pour que les États membres soient remboursés par la FEP était le mois d’octobre, et tous les contrats passés après cette date et les livraisons de stocks au-delà de ce délai ne sont pas pris en compte dans l’objectif des un million et donc pas remboursés.

Un objectif difficile à atteindre

La livraison de munitions dans le cadre de ce plan a été plus lente que prévu, et ce pour deux raisons.

Premièrement, l’industrie de la défense de l’UE avait une capacité de production limitée et n’a reçu que peu de commandes.

D’autre part, certains gouvernements n’ont pas demandé le remboursement de leurs commandes et de leurs livraisons à la FEP, qui ne peuvent donc pas être comptabilisées dans le cadre du plan.

Au bout de quelques mois, il est devenu évident que l’objectif ne serait pas atteint.

Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a critiqué le plan cet automne et a été le premier à déclarer publiquement que l’UE ne serait pas en mesure de tenir ses promesses.

« La bonne question à poser serait de savoir si un million était un objectif réaliste », a déclaré M. Pistorius.

Josep Borrell avait également confirmé qu’il serait difficile d’atteindre cet objectif en raison de capacités de production insuffisantes, déclarant en novembre qu’un tiers seulement, soit environ 300  000 munitions, avait été livré.

En janvier, les chiffres des commandes et de production ont augmenté pour atteindre 630 000, a déclaré M. Borrell, qui s’est montré plus optimiste.

Pour les Estoniens, à l’origine de la proposition d’achat commun, cette promesse chiffrée était un moyen de responsabiliser les États membres et de faire pression sur l’industrie pour qu’elle augmente ses capacités de production.

Pour Kusti Salm, secrétaire permanent du ministère estonien de la Défense, « sans [cette promesse], le récit dominant aurait été celui d’un défaitisme classique », a-t-il déclaré à la presse le mois dernier.

« Certains diront que l’initiative n’a pas atteint son but. C’est un argument valable, mais il ne l’est que si l’on ne dispose pas d’une échelle relative », a-t-il ajouté.

Ukraine : l’Agence européenne de défense signe les premiers contrats d’achat commun de munitions

L’Agence européenne de défense a signé mardi huit contrats avec l’industrie européenne pour l’achat commun de munitions de 155 mm destinées à l’Ukraine. Cette initiative constitue le premier achat collectif d’armes de l’UE.

Informations classifiées

Le détail du nombre de munitions provenant des stocks existants ou ayant été achetées est confidentiel.

Une partie du chiffre global a été achetée par le biais de contrats-cadres organisés par l’Agence européenne de défense, offrant aux États membres des options facilitées pour l’achat en commun de quatre systèmes d’artillerie différents ou de leurs composants : le Caesar français, l’AHS Krab polonais, le Panzerhaubitze 2000 allemand et le Zuzana slovaque.

L’AED a signé un total de 60 contrats-cadres, d’un montant compris entre 1 et 1,5 milliard d’euros, mais à la mi-avril, elle avait signé des contrats d’une valeur totale d’environ 350 millions d’euros.

Seuls sept pays ont utilisé ces contrats, alors que l’AED est actuellement en discussion avec trois autres États membres de l’UE.

Les premières livraisons commenceront dans les deux prochaines semaines, a déclaré un responsable de l’UE à Euractiv, estimant que les commandes atteindraient plus de 70 000 munitions destinées à l’Ukraine ou à la reconstitution des stocks d’armes nationaux.

On ne sait pas non plus combien de munitions les pays ont achetées en commun en dehors du cadre de l’AED.

L’Allemagne, la France et la Suède, par exemple, ont pris la tête d’un groupe de pays pour s’approvisionner en commun auprès d’usines européennes.

Des tours de passe-passe comptables

En définitive, il est difficile de dire combien de munitions, et de quel type, l’Ukraine a reçu au cours des douze derniers mois, étant donné que la plupart des données sont confidentielles.

Le but est d’éviter de révéler à la Russie les capacités de combat réelles de Kiev et les capacités de production et d’approvisionnement de ses alliés.

Au total, les Européens ont « déjà livré un million de munitions », a déclaré un responsable de l’UE en février.

Cela dit, les 500 000 munitions livrées dans le cadre du plan pour sécuriser l’approvisionnement en munitions de l’UE où les États membres sont remboursés par la FEP n’incluent pas tout ce que Kiev a reçu des Européens au cours de l’année écoulée.

En outre, le pays a également reçu des dons bilatéraux, qui ne sont pas pris en compte dans le cadre de la FEP.

Il ne prend pas non plus en compte les munitions obtenues dans le cadre de l’initiative tchèque. Selon le président tchèque, plus de 800  000 munitions disponibles ont été identifiées pour être financées.

Les autorités tchèques cherchent des moyens « d’élargir » ce programme, a déclaré un diplomate à Euractiv, en incluant potentiellement d’autres types d’armes.

L’Ukraine s’approvisionne également directement auprès des entreprises européennes de défense. Selon un responsable de l’UE, Kiev a acheté au moins 340 000 munitions depuis mars dernier.

Si les Européens n’ont pas atteint leur objectif via le programme de l’UE, la lenteur des livraisons a mis en lumière la capacité de production industrielle de guerre de l’Union, qui a augmenté de 40 % pour les munitions depuis le début de la guerre.

« En moins de dix mois, nous avons porté notre capacité de production de munitions d’artillerie à un million d’obus chargés par an. Et nous passerons à deux millions d’ici 2025 », a déclaré le mois dernier le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton.

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[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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