Conclusions du Conseil européen sur l'Ukraine, l'élargissement et les réformes de l'Union européenne, le 14 décembre 2023.

Prononcé le

Auteur(s) moral(aux) : Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

Texte intégral

I. Ukraine

1. Le Conseil européen condamne à nouveau résolument la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine, qui constitue une violation manifeste de la charte des Nations unies, et il réaffirme le soutien inébranlable de l'Union européenne à l'indépendance, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues, ainsi qu'à son droit naturel de légitime défense contre l'agression menée par la Russie.

2. Le Conseil européen rappelle ses conclusions antérieures et réaffirme l'engagement inébranlable de l'Union européenne à continuer de fournir un soutien politique, financier, économique, humanitaire, militaire et diplomatique fort à l'Ukraine et à sa population aussi longtemps qu'il le faudra.

3. L'Union européenne et ses Etats membres continueront de prêter attention aux besoins urgents de l'Ukraine en matière militaire et de défense. En particulier, le Conseil européen souligne l'importance d'un soutien militaire en temps utile, prévisible et durable pour l'Ukraine, notamment dans le cadre de la facilité européenne pour la paix et de la mission d'assistance militaire de l'UE, ainsi que dans celui d'une aide bilatérale directe fournie par des Etats membres. Le Conseil européen insiste sur la nécessité urgente d'accélérer la fourniture de missiles et de munitions, notamment au titre de l'initiative visant à fournir un million d'obus d'artillerie, et de doter l'Ukraine de systèmes de défense aérienne en plus grand nombre.

Le Conseil européen invite le Conseil à intensifier les travaux sur la réforme de la facilité européenne pour la paix et sur la poursuite de l'augmentation de son financement, en s'appuyant sur la proposition du haut représentant.

L'Union européenne et ses Etats membres restent déterminés à contribuer, sur le long terme et conjointement avec les partenaires, aux engagements à l'égard de l'Ukraine en matière de sécurité, qui aideront l'Ukraine à se défendre, à résister aux entreprises de déstabilisation et à décourager les actes d'agression à l'avenir. À la suite du rapport du haut représentant, le Conseil européen a débattu des futurs engagements de l'UE à l'égard de l'Ukraine en matière de sécurité. Il invite le haut représentant et les Etats membres à faire avancer les travaux au Conseil. Le Conseil européen restera saisi de la question.

Le soutien militaire et les engagements en matière de sécurité interviendront dans le plein respect de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres et compte tenu des intérêts de tous les Etats membres en matière de sécurité et de défense.

4. Face aux attaques continues menées par la Russie contre les infrastructures civiles et critiques de l'Ukraine, l'Union européenne et ses Etats membres continueront d'intensifier la fourniture à l'Ukraine d'une aide humanitaire et en matière de protection civile, ainsi que d'une aide destinée à assurer la résilience de son secteur énergétique au cours de l'hiver. En outre, l'Union européenne reste résolue à soutenir, en coordination avec les partenaires internationaux, la réparation, le rétablissement et la reconstruction de l'Ukraine, y compris le processus de déminage et la réhabilitation psychosociale.

5. L'Union européenne et ses Etats membres poursuivront leurs efforts globaux intensifs de sensibilisation et leur coopération avec l'Ukraine et les partenaires de toutes les régions du monde afin d'assurer le soutien international le plus large possible en faveur d'une paix globale, juste et durable et des principes et objectifs clés de la formule de paix proposée par l'Ukraine, en vue d'un futur sommet mondial pour la paix.

6. Le Conseil européen demande une nouvelle fois que des progrès décisifs soient réalisés, en coordination avec les partenaires, en ce qui concerne la manière dont les recettes exceptionnelles détenues par des entités privées et provenant directement d'avoirs russes immobilisés pourraient être affectées au soutien de l'Ukraine, de son rétablissement et de sa reconstruction, conformément aux obligations contractuelles applicables, et dans le respect du droit de l'UE et du droit international. Dans ce contexte, il prend note des récentes propositions concernant les recettes exceptionnelles provenant d'avoirs russes immobilisés.

7. La Russie et ses dirigeants doivent être tenus pleinement responsables de la conduite d'une guerre d'agression contre l'Ukraine et d'autres crimes parmi les plus graves au sens du droit international, ainsi que des dégâts considérables causés par leur guerre. Le Conseil européen encourage la poursuite des efforts, y compris au sein de la coalition concernée, en vue de mettre en place un tribunal chargé des poursuites pour le crime d'agression contre l'Ukraine, qui jouirait du soutien et de la légitimité les plus larges possible au niveau interrégional, ainsi qu'un futur mécanisme d'indemnisation; il réaffirme son soutien au registre des dommages causés par l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, créé par le Conseil de l'Europe, qui constitue un premier pas concret dans cette direction. Il appelle également tous les Etats à signer et ratifier rapidement la convention de Ljubljana-La Haye pour la coopération internationale en matière d'enquête et de poursuite du crime de génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et autres crimes internationaux. Le Conseil européen réitère également son soutien aux travaux de la Cour pénale internationale et condamne les tentatives incessantes de la Russie de saper son mandat international et son fonctionnement.

8. Le Conseil européen appelle une nouvelle fois de toute urgence la Russie et la Biélorussie à assurer immédiatement le retour en toute sécurité en Ukraine de tous les enfants et autres civils ukrainiens ayant été illégalement déportés et transférés.

9. L'Union européenne est déterminée à continuer d'affaiblir la capacité de la Russie à mener sa guerre d'agression, y compris par un renforcement accru de ses sanctions et au moyen de leur mise en oeuvre intégrale et effective et de la prévention de leur contournement, surtout en ce qui concerne les biens à haut risque, en étroite coopération avec les partenaires et alliés. Le Conseil européen se félicite de l'adoption du 12e train de sanctions. Il se félicite également de l'accord intervenu sur la directive relative à la définition des infractions pénales et des sanctions applicables en cas de violation des mesures restrictives de l'Union. Le Conseil européen condamne le soutien militaire que l'Iran, la Biélorussie et la RPDC continuent d'apporter à la guerre d'agression menée par la Russie. Il engage également tous les pays à ne pas apporter de soutien matériel ou autre à la guerre d'agression menée par la Russie. L'Union européenne poursuivra les travaux intensifs qu'elle mène avec les partenaires afin de lutter contre les discours mensongers et la désinformation russes au sujet de la guerre.

10. Le Conseil européen insiste sur l'importance de la sécurité et de la stabilité en mer Noire. Il est essentiel que les exportations ukrainiennes de céréales puissent se maintenir dans la durée et atteignent les marchés mondiaux. Le Conseil européen soutient tous les efforts visant à faciliter les exportations de céréales et d'autres produits agricoles ukrainiens vers les pays qui en ont le plus besoin, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Le Conseil européen souligne également qu'il importe d'exploiter tout le potentiel des corridors de solidarité de l'UE, et il invite la Commission à accélérer les travaux avec les Etats membres afin de proposer de nouvelles mesures en vue de poursuivre le développement des capacités des corridors de solidarité sur tous les itinéraires.

11. L'Union européenne continuera d'aider la République de Moldavie et la Géorgie à relever les défis auxquels elles sont confrontées du fait de la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine.


II. PROCHE-ORIENT

12. Le Conseil européen a tenu un débat stratégique approfondi sur le Proche-Orient.


III. Elargissement et réformes

13. Rappelant la déclaration de Grenade, le Conseil européen souligne que l'élargissement constitue un investissement géostratégique dans la paix, la sécurité, la stabilité et la prospérité. Il représente un moteur pour améliorer les conditions économiques et sociales des citoyens européens et réduire les disparités d'un pays à l'autre ; il doit aussi promouvoir les valeurs sur lesquelles l'Union est fondée. Dans la perspective d'une Union élargie, tant les futurs Etats membres que l'UE doivent être prêts au moment de l'adhésion. Il convient de faire avancer les travaux à ces deux niveaux en parallèle. Les pays qui aspirent à devenir membres doivent intensifier leurs efforts de réforme, en particulier dans le domaine de l'Etat de droit, conformément au caractère fondé sur le mérite du processus d'adhésion et avec l'aide de l'UE. Parallèlement, l'Union doit mettre en place en interne les travaux préparatoires et les réformes nécessaires, en fixant ses ambitions à long terme ainsi que les moyens de les atteindre, et en se penchant sur les grandes questions liées à ses priorités et politiques ainsi que sur sa capacité à agir. L'UE en sortira plus solide et la souveraineté européenne renforcée.

14. Le Conseil européen fait siennes les conclusions du Conseil du 12 décembre 2023 sur l'élargissement. S'appuyant sur le paquet "élargissement" de la Commission du 8 novembre 2023, le Conseil européen prend les décisions ci-après.

* Ukraine et République de Moldavie

15. Le Conseil européen décide d'ouvrir des négociations d'adhésion avec l'Ukraine et la République de Moldavie.

Le Conseil européen invite le Conseil à adopter les cadres de négociation respectifs une fois que les mesures pertinentes visées dans les recommandations respectives de la Commission du 8 novembre 2023 auront été prises.

* Géorgie

16. Le Conseil européen décide également d'accorder le statut de pays candidat à la Géorgie, pour autant que les mesures pertinentes énoncées dans la recommandation de la Commission du 8 novembre 2023 soient prises.

* Bosnie-Herzégovine

17. Le Conseil européen va ouvrir des négociations d'adhésion avec la Bosnie-Herzégovine, une fois que le degré nécessaire de conformité avec les critères d'adhésion sera atteint.

Il invite la Commission à rendre compte au Conseil des progrès réalisés, au plus tard en mars 2024, en vue de prendre une décision.

* Macédoine du Nord

18. L'Union européenne est prête à achever la phase d'ouverture des négociations d'adhésion avec la Macédoine du Nord dès que ce pays aura mis en oeuvre son engagement de réaliser les modifications constitutionnelles visées dans les conclusions du Conseil du 18 juillet 2022, conformément à ses procédures internes. Le Conseil européen invite la Macédoine du Nord à accélérer la réalisation de ces modifications.

* Balkans occidentaux

19. Réaffirmant son attachement total et sans équivoque à la perspective de l'adhésion des Balkans occidentaux à l'UE, le Conseil européen appelle à accélérer leur processus d'adhésion.

20. Le Conseil européen prend note de la communication de la Commission relative à un nouveau plan de croissance pour les Balkans occidentaux, qui vise à accélérer la convergence socio-économique entre les Balkans occidentaux et l'Union européenne, sur la base de conditions strictes, et encourage la région à accroître le rythme des réformes liées à l'UE et à faire progresser l'intégration économique régionale par l'intermédiaire du marché commun régional, sur la base des règles et normes de l'UE.

21. Le Conseil européen reste attaché à poursuivre l'intégration graduelle entre l'Union européenne et la région au cours du processus d'élargissement même, de manière réversible et fondée sur les mérites.

* Réformes

22. À mesure que l'Union s'élargit, la réussite de l'intégration européenne exige que les politiques de l'Union soient adaptées à l'avenir et financées de manière durable, sur la base des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée, et que les institutions de l'UE continuent à fonctionner de manière efficace.

23. Le Conseil européen se penchera sur les réformes internes lors de ses prochaines réunions en vue de l'adoption, d'ici à l'été 2024, de conclusions sur une feuille de route pour les travaux futurs.


IV. Cadre financier pluriannuel 2021-2027

24. Le Conseil européen a débattu de la révision du cadre financier pluriannuel 2021-2027 énoncée dans le document EUCO 23/23, qui a été fermement soutenue par 26 chefs d'Etat ou de gouvernement. Le Conseil européen reviendra sur cette question au début de l'année prochaine.


V. Sécurité et défense

25. Dans un contexte d'instabilité dans le monde, de compétition stratégique et de menaces pour la sécurité, le Conseil européen insiste sur l'importance que revêt le renforcement de la sécurité et de la défense européennes pour réaliser une Union géopolitique ambitieuse. L'Union doit assumer une plus grande responsabilité en ce qui concerne sa propre sécurité et sa propre défense, suivre une ligne d'action stratégique et renforcer sa capacité à agir de manière autonome.

26. Après avoir fait le point sur les travaux menés pour mettre en oeuvre ses conclusions antérieures, la déclaration de Versailles et la boussole stratégique, le Conseil européen souligne que des efforts supplémentaires doivent être consentis pour atteindre les objectifs de l'Union consistant à améliorer la préparation de la défense et à augmenter les dépenses militaires de manière collaborative, y compris en renforçant les investissements et le développement des capacités dans le domaine de la défense, et pour parvenir à un marché de la défense efficace et intégré. En particulier, le Conseil européen :

a) demande que les mesures existantes soient mises en oeuvre d'urgence afin de faciliter et de coordonner les acquisitions conjointes et d'accroître l'interopérabilité et la capacité de production de l'industrie européenne de la défense en vue de reconstituer les stocks des Etats membres, notamment à la lumière du soutien qui sera apporté à l'Ukraine ;

b) invite le haut représentant et la Commission, en coordination avec l'Agence européenne de défense, à présenter rapidement une stratégie industrielle de défense européenne, comprenant une proposition de programme européen d'investissement dans le domaine de la défense, compte tenu de la nécessité de renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne, y compris les PME, et de la rendre plus innovante, plus compétitive et plus résiliente ;

c) souligne qu'il importe de poursuivre le développement d'un marché intégré dans le domaine de la défense afin de renforcer les chaînes d'approvisionnement transfrontières, de s'assurer des technologies critiques et d'améliorer la compétitivité de l'industrie européenne de la défense. À cette fin, il convient d'adapter le cadre réglementaire de l'UE pour le secteur industriel de la défense afin de renforcer l'interopérabilité, la normalisation et l'harmonisation des processus de certification et de permettre une action plus rapide et plus souple, notamment en ce qui concerne les marchés publics ;

d) appelle, dans la perspective du prochain rapport annuel sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la boussole stratégique et conformément aux engagements pris par les Etats membres participants dans le cadre de la coopération structurée permanente (CSP), à ce que les travaux soient intensifiés en vue d'accroître la préparation en matière de défense, la résilience et la sécurité de l'Union, y compris par des investissements dans le domaine de la défense, la mobilité militaire, des exercices réels réguliers, l'amélioration de la sûreté spatiale, la lutte contre les cybermenaces et les menaces hybrides, la lutte contre la manipulation de l'information et l'ingérence étrangères, sur la base de la boîte à outils récemment établie, qui comprend la possibilité d'étudier de nouvelles mesures restrictives, et le renforcement du développement collaboratif des capacités nécessaires pour mener tout l'éventail des missions et opérations, à travers notamment la mise en œuvre de la capacité de déploiement rapide de l'UE;

e) appelle au renforcement du rôle du Groupe Banque européenne d'investissement à l'appui de la sécurité et de la défense européennes, sur la base de l'initiative stratégique pour la sécurité européenne lancée par la banque ;

f) demande la poursuite des travaux visant à renforcer le nouveau pacte en matière de PSDC civile, à la lumière des conclusions du Conseil sur la PSDC civile du

27. Une Union européenne plus forte et plus capable dans le domaine de la sécurité et de la défense contribuera positivement à la sécurité globale et transatlantique et est complémentaire à l'OTAN, qui reste le fondement de la défense collective pour ses membres. Cela est sans préjudice du caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres et tient compte des intérêts de tous les Etats membres en matière de sécurité et de défense.


VI. Migrations et points divers

*Migrations

28. Le Conseil européen a tenu un débat stratégique sur les migrations et a pris note de la récente lettre de la présidente de la Commission européenne.

29. L'Union européenne continuera de suivre une approche globale en matière de migrations qui associe une action extérieure accrue, des partenariats globaux mutuellement bénéfiques avec les pays d'origine et de transit, la lutte contre les causes profondes des migrations, les possibilités offertes par la migration légale, une protection plus efficace des frontières extérieures de l'UE, une lutte résolue contre la criminalité organisée, la traite des êtres humains et le trafic de migrants et l'instrumentalisation des migrations en tant que menace hybride ainsi qu'une intensification des retours.

*Attaques hybrides

30. Le Conseil européen condamne fermement toutes les attaques hybrides, y compris l'instrumentalisation de migrants par des pays tiers à des fins politiques, et reste déterminé à assurer un contrôle efficace des frontières extérieures de l'UE. L'Union européenne est résolue à contrer les attaques hybrides en cours à ses frontières extérieures, lancées par la Fédération de Russie et la Biélorussie.

*COP28

31. Le Conseil européen se félicite de la conclusion fructueuse de la 28e Conférence des Nations unies sur le climat (COP28) et du premier bilan mondial convenu en vertu de l'accord de Paris, en particulier de l'accord visant à accélérer la réduction des émissions vers le zéro net d'ici à 2050 et de l'accord sur la réduction des émissions mondiales de 43% d'ici à 2030 et de 60% d'ici à 2035 par rapport aux niveaux de 2019, conformément aux meilleures données scientifiques disponibles, pour que l'objectif de 1,5°C reste à notre portée. Il se félicite également de l'accord de toutes les parties sur la transition vers l'abandon des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques.


VII. Relations UE - Turquie

32. Le Conseil européen prend note du rapport conjoint du haut représentant et de la Commission européenne sur l'état des relations entre l'UE et la Turquie, et reviendra sur la question lors d'une prochaine réunion du Conseil européen.


VIII. Lutte contre l'antisémitisme, le racisme et la xénophobie

33. Vivement préoccupé par les incidents alarmants survenus récemment, le Conseil européen condamne une nouvelle fois, avec la plus grande fermeté, toutes les formes d'antisémitisme et de haine, d'intolérance, de racisme et de xénophobie, y compris la haine antimusulmane. Il rappelle dans ce contexte le plan d'action de l'Union européenne contre le racisme et la stratégie européenne de lutte contre l'antisémitisme et de soutien à la vie juive, dont la mise en œuvre rapide est essentielle pour les communautés juives.


source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 décembre 2023