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P. Diddy, la fête est finie

NEW YORK, NY - AUGUST 28:  (EXCLUSIVE COVERAGE) Alicia Keys, Swizz Beatz, Beyonce, Jay-Z, Kanye West, Kim Kardashian, Sean 'Diddy' Combs and Cassie celebrate their 2016 MTV Video Music Awards After Party at Pasquale Jones on August 28, 2016 in New York City.  (Photo by James Devaney/GC Images)
À l’after-party des MTV Video Music Awards à New York, le 28 août 2016 : de g. à dr., Alicia Keys, Swizz Beatz, Beyoncé, Jay-Z, le directeur de label, Steve Stoute, et sa femme, Lauren Branche, Kanye West, Kim Kardashian, P. Diddy et Cassie, alors sa compagne, aujourd’hui l’une de ses accusatrices. © 2016 James Devaney / GC Images
Clémentine Rebillat , Mis à jour le

S’il a un poids sur les épaules, ça n’a pas l’air d’être celui du remords. Le bad boy du rap américain est
soupçonné de viols et de trafics sexuels… Après des perquisitions dans ses villas, les langues se délient. Depuis novembre, quatre femmes, dont une mineure au moment des faits qu’elle dénonce, et un homme ont porté plainte contre lui.

Lundi 25 mars. Arme à la main, postés sur un véhicule militaire, les agents de police s’apprêtent à lancer un raid dans la demeure de l’un des hommes les plus puissants de l’industrie du divertissement. C’est là, dans le quartier très huppé de Holmby Hills, à Los Angeles, que vit P. Diddy. Au même moment, à Miami, une deuxième équipe des services de la Sécurité intérieure entame elle aussi une fouille minutieuse. Durant plusieurs heures, les villas du rappeur sont perquisitionnées, filmées en direct alors que le public assiste avec stupeur à la chute annoncée d’une légende.

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Les autorités confirment ces opérations, mais refusent d’en dévoiler la raison. Les médias, eux, ne se montrent pas aussi prudents. Trafic sexuel, voilà de quoi serait soupçonné l’artiste. Au total, cinq plaintes ont été déposées contre lui. Viol, agression sexuelle, abus physiques et psychologiques, « revenge porn »… les accusations sont très détaillées. Sean Combs, de son vrai nom, nie en bloc. « On veut assassiner mon personnage et détruire mon héritage », se lamente-t-il. Son avocat dénonce une « chasse aux sorcières » et rappelle qu’il n’est pour l’instant pas inculpé. Mais l’étau se resserre.

A law enforcement agent carries a bag of evidence to a van as federal agents stand at the entrance to a property belonging to rapper Sean
Lors de l’opération des services de la sécurité intérieure dans sa villa de Los Angeles, le 25 mars. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA
La perquisition des agents fédéraux chez le rappeur à Miami, le 25 mars.
La perquisition des agents fédéraux chez le rappeur à Miami, le 25 mars. © Backgrid USA / Bestimage

C’est par la voix d’une femme que tout a basculé. En novembre 2023, son ex-compagne, Cassie Ventura, porte plainte contre P. Diddy. La chanteuse dévoile sa vérité grâce à une loi provisoire de l’État de New York permettant aux victimes d’abus sexuels de ­poursuivre, entre 2022 et 2023, leurs agresseurs en justice même si le délai de prescription a expiré. « Après des années de silence, je suis finalement prête à raconter mon histoire et à parler en mon nom et pour toutes les femmes victimes de violences », annonce-t-elle dans un communiqué.

C’est à 19 ans, en 2005, qu’elle rencontre celui qui deviendra son petit ami. Il en a 37 et lui aurait fait ­découvrir la drogue à un âge où elle n’est même pas encore censée boire d’alcool aux États-Unis. Sous emprise, la jeune artiste aurait tout accepté. Elle affirme qu’il la force à avoir des ­rapports sexuels filmés avec d’autres hommes, la frappe dès qu’elle ose lui tenir tête. Cassie décrit un événement survenu en 2009 lorsque, fou de jalousie de la voir parler à un homme, P. Diddy la force à monter dans sa voiture et lui piétine le visage jusqu’au sang. Les documents judiciaires rapportent une autre histoire, impliquant cette fois le rappeur Kid Cudi. Après avoir appris que Cassie aurait eu une brève liaison avec lui, P. Diddy l’aurait non seulement frappée, mais également menacé de faire exploser la voiture de luxe de son rival. Le véhicule en question finira par prendre feu devant chez lui. « Tout est entièrement vrai », confirme Kid Cudi après la prise de parole de Cassie Ventura, saluée pour son courage.

Quatre plaintes déposées après celle de Cassie

Si, depuis des années, des rumeurs courent à son sujet, personne ne veut prendre le risque de s’opposer à P. Diddy. Il tient à sa réputation et fait tout pour la protéger. Le sulfureux milliardaire a les moyens de faire taire ses ennemis. Quelques jours après la plainte déposée par Cassie Ventura, celle-ci accepte de signer un accord à l’amiable avec lui. L’avocat de ce dernier précise qu’il ne s’agit « en aucun cas d’un aveu d’actes répréhensibles » et continue à réfuter toutes les allégations de la jeune femme. Visé par une plainte de son ancienne cuisinière à domicile en 2017, c’est, là encore, un accord financier qui le sauve. À l’époque, Cindy Rueda accuse son patron de l’avoir forcée à préparer des plats et à les servir alors que ses invités et lui se livraient à des actes sexuels. La plainte est abandonnée en 2019.

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Mais à l’ère de #MeToo, les dollars ne suffisent plus. Après ­Cassie, quatre autres personnes portent plainte contre lui. La première, Joi Dickerson-Neal, affirme avoir été droguée et violée lorsqu’elle était étudiante à l’université de Syracuse, en 1991. Le crime aurait été filmé. Le rappeur aurait aussi violé, il y a plus de trente ans, une femme dont le nom n’a pas été révélé. Une quatrième victime présumée, elle aussi anonyme, dit de son côté avoir subi un viol ­collectif lorsqu’elle n’avait que 17 ans, sous l’emprise de la drogue.

Et
P. Diddy n’aurait pas agressé que des femmes. Le cinquième plaignant, Rodney « Lil Rod » Jones, a collaboré avec lui entre 2022 et 2023, alors qu’il préparait la sortie du disque « The Love Album : Off the Grid ». Embauché en tant que vidéaste, Rodney Jones a vécu pendant un an chez l’artiste. Une période au cours de laquelle il aurait été harcelé sexuellement, drogué et menacé. Le vidéaste, qui réclame 30 millions de dollars, a déposé une plainte particulièrement fournie dans laquelle il accuse également l’acteur Cuba Gooding Jr., ami de P. Diddy, ­d’agression sexuelle.

Le producteur Rodney Jones (à g.), le plaignant qui accuse aussi l’acteur Cuba Gooding Jr. (à dr.), ami de P. Diddy, d’agression sexuelle sur le yacht du rappeur.
Le producteur Rodney Jones (à g.), le plaignant qui accuse aussi l’acteur Cuba Gooding Jr. (à dr.), ami de P. Diddy, d’agression sexuelle sur le yacht du rappeur. © DR

Dans le document judiciaire de 73 pages, il décrit ­notamment les soirées données par le richissime New-Yorkais, auxquelles prostituées et jeunes filles mineures étaient selon lui conviées. À celles-ci, l’hôte aurait fait signer un accord de confidentialité. Puis elles étaient droguées et abusées, assure Rodney Jones. Il explique ­également que son ancien patron ­posséderait de ­nombreuses vidéos compromettantes de ses célèbres invités filmés en cachette. Assez pour mettre la pression à ­quiconque ­tenterait d’entraver sa route.

Le roi de la nuit à Hollywood

À Hollywood, P. Diddy alias Puff Daddy est considéré comme « le roi de la fête ». Ne pas faire partie de son cercle, c’est prendre le risque de louper l’événement de l’année. L’enfant pauvre de Harlem, qui a quitté la rue pour le calme des Hamptons, donne désormais des « White ­Parties » où les stars se pressent. À ­Saint-Tropez ou à Saint-Barth, il n’est pas rare, au début des années 2000, de croiser sur son yacht Beyoncé, Jay-Z, Naomi ­Campbell ou ­Leonardo DiCaprio. À ­l’université déjà, le jeune Sean se distingue par sa capacité à organiser des nuits endiablées. Alors, quand après la création de son label « Bad Boy Records » en 1993, l’argent commence à couler à flots, plus rien ne l’arrête.

En 2016, le chanteur Usher se ­souvient auprès de ­l’animateur Howard Stern avoir « vu des choses curieuses » à l’époque où il résidait chez son mentor au « Puffy ­Flavor Camp », le nom de sa villa de New York. Dans les années 1990, Usher n’a que 13 ans quand il est invité à « découvrir ce milieu ». Il n’en dira pas plus, reconnaissant simplement qu’aujourd’hui, il n’enverrait jamais son fils dans un tel endroit. Des années plus tôt, il avait évoqué ces fameuses fêtes. Dans une interview accordée à « Rolling Stone » en 2004, il raconte en effet : « Il y avait des filles partout. Tu ouvrais une porte et il y avait quelqu’un en plein rapport, ou des gens en train de participer à une orgie. Tu ne savais jamais ce qui allait arriver. »

Usher and Sean
En 2002 avec le chanteur Usher, qui a vécu chez P. Diddy quand il avait 13 ans. © WireImage

Pour assouvir ses envies délirantes, P. Diddy a pu, selon Rodney Jones, compter sur le soutien de ses proches collaborateurs : sa cheffe du personnel, Kristina Khorram ; Sir Lucian Grainge, P.-DG d’Universal Music Group et l’ancienne PDG de Motown Records, Ethiopia Habtemariam. « Ils aidaient à l’organisation de ce trafic sexuel et ont offert à M. Combs une légitimité afin d’accéder aux célébrités, des athlètes aux figures politiques, des artistes aux musiciens en passant par des dignitaires internationaux », dit-il. Il cite notamment le prince Harry parmi ceux à avoir un jour croisé la route du producteur. C’était en 2007, lorsque William et lui organisaient un concert caritatif en hommage à leur défunte mère, Diana. En réponse à ces accusations qu’ils qualifient de « totalement fausses et sans la moindre base factuelle ou juridique », les avocats de Lucian Grainge ont annoncé envisager une action en justice contre l’avocat de Rodney Jones.

LONDON - JULY 1:  HRH Prince Harry meet rappers Kanye West (2nd from L) and P Diddy (R) at the Concert for Diana After Party at Wembley Stadium on July 1, 2007 in London, England.  (Photos by Anwar Hussein Collection/Wireimage)
Avec le rappeur Kanye West et le prince Harry, lors d’un concert à la mémoire de Lady Di au stade de Wembley, à Londres, le 1er juillet 2007. © WireImage

« Je savais juste qu’il fallait l’éviter à tout prix »

Mais comme souvent dans ces affaires, difficile d’imaginer que personne ne savait. D’autant qu’aujourd’hui, les langues se délient. Le rappeur 50 Cent, qui ne cache pas son aversion pour son collègue, déclare sur scène en 2023 qu’il a toujours refusé d’aller à ses soirées qui le mettent « mal à l’aise ». « Le mec te serre dans ses bras par devant et par derrière en même temps ? Chacun ses goûts mais ce n’est pas mon truc », lâche-t-il face à son public. Tanika Ray, une ancienne danseuse de P. Diddy devenue animatrice télé, évoque une « expérience horrible à ses côtés ». « Je savais juste qu’il fallait l’éviter à tout prix », commente-t-elle sur les réseaux sociaux. Quant au journaliste Touré, il raconte avoir été un temps proche du rappeur, au point de lui demander s’il pouvait prendre un membre de sa famille en stage. Diddy accepte mais la ­collaboration se termine après quatre mois. Touré apprendra plus tard que son cousin aurait été renvoyé pour des raisons troubles.

Jusqu’à présent, rien n’était toutefois parvenu à entacher la réputation de l’artiste. ­Considéré comme un ­producteur visionnaire, il a signé ­Notorious B.I.G., Mary J. Blige ou encore Mariah Carey. Il se ­diversifie ensuite à coups d’investissements variés, de la télévision à la vodka, pour devenir, en 2022, le ­troisième rappeur milliardaire de l’histoire du hip-hop. Et ni son lien ­supposé, mais jamais prouvé, avec le meurtre de Tupac ni le scandale retentissant d’une agression par arme à feu dans un bar de New York en 1999, à laquelle sa petite amie d’alors, Jennifer Lopez, est mêlée malgré elle, ne mettent son image en péril. En septembre 2023, il reçoit même les clefs de la ville de New York des mains du maire qui se réjouit d’honorer le « mauvais garçon du divertissement ». Le bad boy n’a jamais aussi bien porté son nom.

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