POINT DE VUE

VIH et IST : les temps forts de la CROI 2024

Pr Gilles Pialoux

Auteurs et déclarations

9 avril 2024

France – Bonjour. Gilles Pialoux, professeur de maladies infectieuses à l’hôpital Tenon et à Sorbonne Université et vice-président de la société française de lutte contre le sida. Je suis ravi de vous retrouver pour un petit point sur le VIH dans le sillage du Sidaction et plus encore de la CROI – conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes.

Vous allez voir que le focus VIH de la CROI a évolué vers celui de la prise en charge des IST.

Cette année, la 31e conférence de la CROI se passait à Denver, deuxième ville du Colorado, comme vous le savez, avec 700 000 habitants, 10 000 homeless [personnes sans-abri, NDLR] et 180 décès par overdose, dont plus de la moitié liée à la crise des opioïdes.

Voilà pour le paysage si particulier dans cette crise américaine. Paradoxalement, la ville de Denver est aussi un souvenir de l’histoire du sida, puisqu’on y a « fêté » les 40 ans du VIH. C’est l’avènement du principe de Denver, une déclaration associative qui a fait trace et qui a fait naître la démocratie sanitaire avec cette manifestation des associations en 1983 – « Rien pour nous sans nous » était le leitmotiv du principe de Denver.

L’effet spectaculaire du sémaglutide

Alors, le scoop – il y en a eu quelques-uns – concerne le sémaglutide. Ce médicament s’invite dans les conférences sur le VIH avec l’effet sur la stéatose hépatique dans une étude qui s’appelle SLIM LIVER Study[1,2].

Mais, ont d’abord été présentées les données des CDC concernant la prévalence de la stéatose et une étude cas-contrôles entre des personnes atteintes de VIH sous antirétroviraux et des personnes sans VIH, toutes atteintes de NAFLD (MAFLD), c’est-à-dire les hépatites non-alcooliques, liées à ce mécanisme de stéatose[3]. Étude tout à fait intéressante, puisqu’elle comportait une centaine de ponctions de biopsie hépatique qui montrent que chez les patients VIH avec MAFLD, il y a moins de stéatose, moins d’inflammation portale mais beaucoup plus de fibrose. Une vraie problématique thérapeutique.

Puis, a été présentée l’étude ACTG A5371 (SLIM LIVER Study), une étude menée, avec le sémaglutide à dose croissante – 0,25 mg, 0,5 mg et 1 mg – et une efficacité assez spectaculaire, à la fois, bien sûr, sur le poids, moins 7,8 kg de moyenne par rapport au groupe contrôle (circonférence abdominale, glucose, triglycérides en baisse). Un nouveau marqueur utilisé dans cette étude et qui est tout à fait intéressant, c’est une imagerie par IRM avec quantification des triglycérides intrahépatiques. Une baisse relative de –31,3 % de la graisse hépatique est observée dans cette étude présentée par une certaine Dre Jordan E. Lake.

Les médias en ont rajouté et, comme vous le savez, le sémaglutide est dans une poussée d’indications, autorisé aux États-Unis par la FDA depuis 2011 dans l’indication de l’obésité et on a désormais une nouvelle indication pour ce produit.

SLIM LIVER Study en bref
Après 24 semaines d’autoinjections hebdomadaires de l’agoniste de GLP1 semaglutide, dans cette étude de phase IIb à un bras, les participants infectés par le VIH et ayant une MASLD, sous antirétroviraux, ont connu une réduction moyenne de 31 % de la graisse hépatique, 29 % d'entre eux ayant connu une résolution complète de la MASLD. Ils ont également perdu du poids, réduit leurs glycémie et TGs à jeun, ce qui correspond aux effets observés dans les études sur le semaglutide chez les personnes non infectées par le VIH. Des données supplémentaires sur l’inflammation et la réponse immune seront nécessaires.

IST bactériennes et DoxyPEP

L’autre information, qui n’est pas un scoop, mais une confirmation, c’est le « triomphe », entre guillemets, parce qu’il reste encore des interrogations sur la PEP, la prophylaxie post-exposition par la doxycycline pour les IST bactériennes – syphilis, gonocoques et chlamydia.

Cela dans un contexte de chiffres européens qui sont sortis concomitamment avec une augmentation très importante de ces trois IST : la chlamydia en tête – qui est passée de 164 000 à 216 000 cas européens – les gonococcies aussi ainsi que la syphilis, et pas seulement chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH). Pour ne citer qu’un seul chiffre, les HSH ne représentent que 74 % de l’augmentation des syphilis.

On attendait beaucoup les résultats consolidés de l’essai français ANRS DOXYVAC[4] qui testait deux préventions post-exposition des IST bactériennes : celle par le vaccin anti-méningo B, avec sa proximité antigénique avec le gonocoque et celle par la doxycycline qui a déjà été prouvée dans d’autres études. On voit une efficacité très importante de la doxycycline avec des hazard ratio montrant une diminution entre 75 % et 83 % des différentes infections, sauf pour le gonocoque, compte tenu du niveau de résistance où la diminution est beaucoup moins importante (33 %). On observe un « échec » de la vaccination contre le méningo B (4CMenB) pour la prévention du gonocoque.

Quid de la résistance ?

On a également eu une session très intéressante, menée par Béatrice Berçot[5], du centre de référence de l’hôpital Saint-Louis concernant la doxycycline en PEP sur la comparaison et les implications, notamment sur le microbiote, sur la résistance, avec, effectivement, un certain nombre de questions qui se posent en termes de pression de sélection et d’augmentation de la résistance à la doxycycline du gonocoque et, éventuellement, un passage aux résistances aux céphalosporines de troisième génération.

En ce qui concerne l’impact sur les colonisations ou sur les bactéries multirésistantes, à la fois l’essai DOXYVAC français et à la fois l’essai DoxyPEP ne montrent pas d’augmentation de la prévalence, notamment des BLSE, dont beaucoup de HSH, en l’occurrence autour de 35 % dans ces deux essais, sont colonisés.

Evidemment, sur le gonocoque, comme l’a dit la Dre Berçot, « les dommages sont faits et on a réellement besoin d’un vaccin ».

Des associations entre antirétroviraux pour lutter contre les infections

Côté thérapeutique anti-VIH, il y avait beaucoup de monde avec, notamment, un nouvel inhibiteur de la translocation de Merck, qui suit le développement de l’islatravir, le MK-8527, qui a probablement un intérêt pour une utilisation en long-acting[6] .

On a également pu assister à un festival de développement de long-acting qui vont des comprimés hebdomadaires à des injections semestrielles pour différentes molécules avec cette armada de nouveaux antirétroviraux : le GS-1720, un nouvel inhibiteur d’intégrase de Gilead qui, lui aussi, est extrêmement prometteur avec des décroissances virales en monothérapie qui sont autour de 2,34 logs, ce qui en fait une molécule tout à fait intéressante[7].

Parmi les autres données, les associations entre ces nouveaux antirétroviraux, je pense notamment au lénacapavir, avec des anticorps monoclonaux ou des anticorps à large spectre avec plusieurs études qui montrent des résultats tout à fait intéressants, même si cela doit être confirmé par des essais de phase 3[8].

Une étude qui a fait couler beaucoup « de salive » lors de la conférence de la CROI, est l’étude CARES[9] sur le traitement cabotégravir/rilpivirine en Afrique, en injectable tous les mois ou tous les 2 mois.

Ce qui était particulier dans cet essai, c’est que beaucoup de patients inclus avaient des critères d’exclusion de cette bithérapie antivirale injectable intramusculaire, notamment un IMC supérieur à 30, un génotype viral de type A1, voire des mutations de résistance à la rilpivirine, et malgré cela, on a entre 96 % et 97 % de contrôle de la charge virale, ce qui est extrêmement intéressant.

On a eu, aussi, un certain nombre de données sur le monkey pox, sur les nouveaux traitements antituberculeux, avec des réductions de temps de traitement – un essai, par exemple, avec une association antituberculeuse de quabodépistat, délamanide et bédaquiline dans la tuberculose sensible, avec un raccourcissement des traitements donc des éléments extrêmement intéressants et novateurs sur l’aspect de la tuberculose, alors que, comme je l’ai dit tout à l’heure, on était plutôt dans une conférence sur le VIH. Merci !

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