Si vous allez faire un tour sur le compte Instagram de Madison Bizal, vous verrez une seule publication sur le cancer qu’elle a vaincu. La photo, publiée en novembre 2023, la montre avec ses parents au moment où elle a sonné la cloche marquant officiellement la fin de ses traitements.

Avant cette publication, très peu de gens, hormis sa famille et ses anciennes coéquipières des Buckeyes de l’Université d’État d’Ohio, étaient informés de ce qu’elle avait traversé. De nature discrète, la défenseuse de l’équipe montréalaise de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) a commencé à parler publiquement de cette épreuve, qui s’est étendue sur trois ans, une fois que tout était terminé.

CAPTURE D’ÉCRAN

« Je ne voulais pas que les gens me regardent différemment parce que j’étais malade. Je ne voulais pas qu’ils me pensent incapable de jouer au hockey non plus », nous raconte-t-elle dans les gradins de l’Auditorium de Verdun, vendredi matin, après un entraînement.

Mais maintenant que c’est terminé, je pense que je dois partager mon histoire pour, peut-être, inspirer des gens qui traversent quelque chose de similaire.

Madison Bizal

Bizal a raconté son histoire au New York Times, ces dernières semaines. La native du Minnesota, choix de huitième tour de l’équipe de Montréal lors du repêchage de septembre, a accepté d’en faire le récit à La Presse.

Cette histoire, elle commence en 2019, quand Bizal découvre une bosse dans son cou, sous l’oreille gauche. À sa deuxième saison en division 1 de la NCAA, elle fait des prises de sang et tests, avant qu’on ne décide, en novembre 2020, de lui retirer la masse, qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Une biopsie permet aux médecins de constater que le tissu est cancéreux.

Bien sûr, Bizal fait des recherches en ligne. Elle a « une petite crainte » qu’il s’agisse d’un cancer. Mais qui veut s’imaginer le pire dans une telle situation ? « C’était en arrière-pensée, mais je ne pensais pas que ça pouvait vraiment être ça », se souvient-elle.

Quand le médecin l’appelle pour lui annoncer la mauvaise nouvelle, la hockeyeuse éclate en sanglots. « C’était un énorme choc », lâche-t-elle.

Dès le lendemain, la défenseuse réunit ses coéquipières des Buckeyes. « C’était important pour moi de leur dire immédiatement parce que c’était ma famille. Je traversais quelque chose de vraiment difficile. Je voulais qu’elles soient informées sur ce qui se passait. À ce moment, nous ne savions pas quelle serait la suite, si je devais rentrer à la maison [au Minnesota] et tout ça. »

Le hockey

Le diagnostic officiel : lymphome hodgkinien nodulaire à prédominance lymphocytaire. Il n’y avait aucun risque pour sa vie, lui ont dit les médecins. La jeune femme n’a pas eu de chimiothérapie, mais des perfusions intraveineuses. Tous les mardis, elle se rendait à l’hôpital pour ses traitements.

« Les choses se sont assez bien alignées, continue-t-elle. Mes traitements étaient le mardi. J’allais à l’école les lundi, mercredi et vendredi. »

On disait tantôt que Bizal est de nature discrète. La jeune femme d’alors 20 ans n’a parlé de son diagnostic à personne d’autre que son équipe et ses amis proches. Pas même à ses professeurs. « Je n’ai rien dit, sauf dans les situations où il y avait un conflit avec l’école. »

« C’était une médication différente. Je n’en ressentais pratiquement aucun effet. On me donnait beaucoup de Benadryl et de Tylenol pour que je n’aie pas de réaction pendant mes traitements. C’est dans ces moments-là que j’étais fatiguée. Je faisais une sieste en revenant de l’hôpital. »

Pendant trois ans, Bizal a partagé son temps entre les traitements, le hockey et les études. Elle n’a raté aucun match de son équipe.

Pas. Un. Seul.

« C’était très difficile de traverser ça. Mentalement, c’était beaucoup. Mais j’avais un système de soutien extraordinaire autour de moi qui m’a aidée à traverser ça. »

Au quotidien, elle ne parlait presque jamais de ses problèmes de santé. Le sujet n’était abordé que lorsqu’une coéquipière allait la conduire à son traitement. « Je les tenais au courant quand j’avais de bonnes nouvelles », précise-t-elle.

En juillet 2023, Madison Bizal a subi son tout dernier traitement. Elle a sonné la cloche. Enfin, tout ça était terminé.

« C’était une journée vraiment spéciale. Mes parents étaient là. Ils n’étaient jamais venus à mes traitements avant ça parce qu’ils étaient au Minnesota. C’était spécial de le faire avec eux. C’était un grand soulagement. »

Le rêve

À peine quelques semaines plus tard, Bizal a vécu un rêve. Elle était seule avec son chien à la maison, le 18 septembre, pour regarder le premier repêchage de l’histoire de la LPHF. La séance de sélection était ouverte depuis plus de trois heures quand l’entraîneuse-chef de l’équipe de Montréal, Kori Cheverie, s’est présentée sur la scène pour nommer le choix numéro 43 : Madison Bizal.

« C’était un rêve devenu réalité d’entendre mon nom », se remémore la principale intéressée. « J’étais très heureuse que ce soit Montréal. Je n’étais jamais allée à Montréal, mais tout le monde me disait de bonnes choses sur la ville. »

PHOTO FRANK FRANKLIN II, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Madison Bizal (6) célèbre avec Marie-Philip Poulin, Laura Stacey (7) et Kati Tabin (9).

Quelque sept mois plus tard, Bizal fait partie de la brigade défensive d’une équipe qui, avec cinq matchs à disputer à la saison, se trouve en bonne posture pour participer aux premières séries éliminatoires de la LPHF. Et le 20 avril prochain, elle jouera devant un Centre Bell plein à craquer.

Aujourd’hui, le cancer est derrière elle, « dans le rétroviseur », dit-elle.

Je ferme ce chapitre, je le mets de côté et je regarde devant, vers ce qui s’en vient.

Madison Bizal

Bien sûr, la défenseuse demeure « fière et reconnaissante » d’avoir fait preuve d’une telle force et d’être là où elle est aujourd’hui.

Et quand on lui demande de raconter son histoire, elle accepte.

« Le cancer [est partout]. Ê’être en mesure d’être ce modèle ou cette inspiration pour les gens, c’est important pour moi. »