Édouard Philippe soupçonné de conflits d'intérêts : ce qui est reproché au maire du Havre

L'ancien Premier ministre et candidat putatif à l'élection présidentielle de 2027 est visé par une enquête pour des soupçons de conflits d'intérêts autour d'un marché public.

Ces derniers jours, Édouard Philippe semblait accélérer en vue de la course à la présidentielle de 2027. Mais le patron d'Horizons, qui a dit récemment se "préparer" à l'échéance élyséenne, est exposé pour une tout autre raison depuis ce mercredi 3 avril. Des perquisitions ont eu lieu à la mairie et au siège de la communauté urbaine du Havre, deux collectivités qu'il dirige.

En cause: une enquête préliminaire ouverte par le parquet national financier en décembre 2023, après le dépôt d'une plainte, en septembre, de l'ancienne directrice générale adjointe de la communauté urbaine du Havre.

Cette enquête porte sur des soupçons de "prise illégale d'intérêts, favoritisme, détournement de fonds publics et harcèlement moral", ont indiqué à l'AFP une source judiciaire et une source proche du dossier, confirmant une information du Monde.

Un conflit d'intérêts ?

Mis à part Édouard Philippe, son adjointe chargée de l'innovation et du numérique, Stéphanie de Bazelaire et la directrice générale des services de la communauté urbaine, Claire-Sophie Tasias, sont concernées par l'enquête. Au cœur des soupçons: un possible conflit d'intérêts autour d'un marché public.

L'histoire remonte à juillet 2020. Édouard Philippe n'est plus Premier ministre depuis le début du mois. Dans ses fonctions de président de la communauté urbaine du Havre, il signe avec Stéphanie de Bazelaire, en tant cette fois que présidence bénévole de l'association LH French Tech, une convention d'objectifs pluriannuelle pour l'exploitation et l'animation de la Cité numérique du Havre. Elle engage, sur 4 ans, le versement de 2,154 millions d'euros de compensation de service public pour mener à bien les projets.

Des alertes des juristes de la communauté urbaine

Problème: Stéphanie de Bazelaire, en plus d'être adjointe au maire, est également conseillère communautaire. Autrement dit, elle fait à la fois partie de l'organisme qui alloue les moyens et de celui qui les reçoit. Des juristes de la communauté urbaine ont émis des recommandations et alertes sur la situation de conflit d'intérêts dans laquelle se trouvait l'élue, selon Le Monde.

Le journal précise que LH French Tech est active depuis le 15 juillet 2020, soit le jour de l'élection d'Édouard Philippe comme président de la métropole. L'association a été désignée pour la mission avec la Cité numérique après un appel à manifestation d'intérêt lancé par la communauté urbaine en mars 2020 et dans le cadre d'un service d'intérêt économique général (SIEG). LH French Tech était la seule à avoir déposé un projet.

Un an et demi après la signature de la convention, donc bien avant les quatre ans engagés, la communauté urbaine du Havre y met un terme, alors que la situation budgétaire est "intenable", selon les informations du Monde. Entre-temps, Stéphanie de Bazelaire, a quitté la présidence de l'association à l'été 2021.

Signalements "très nombreux" de la plaignante

La plaignante, elle, a été recrutée comme directrice générale adjointe de la collectivité en septembre 2020. Son avocate, Christelle Mazza, a précisé sur BFMTV que les "signalements ont été très nombreux" face au cumul de fonctions de Stéphane de Bazelaire.

Avant d'insister sur "le nombre d'interlocuteurs et toutes les lignes hiérarchiques qui ont pu être sollicités, voire alertés et les représailles qu'il y a pu avoir par la suite". D'où pour ce dernier point, l'infraction de "harcèlement moral" également notifiée dans la plainte.

"C'est malheureusement quasi-systématique quand il y a des alertes en interne, qu'elles ne sont pas traitées délibérément ou non, qu'il n'y a aucun moyen de communication, ni de réel traitement interne", a regretté Christelle Mazza. "En dernier ressort, on se tourne vers la justice, voire vers une médiatisation: rendre publique l'alerte quand personne n'y a prêté attention."

"Nous sommes à la disposition des magistrats"

"Pour qu'il y ait aujourd'hui l'information sur l'ouverture d'une enquête judiciaire d'une telle ampleur avec des perquisitions, c'est qu'il n'y a pas rien dans le dossier", a-t-elle encore souligné.

En 2023, selon Le Monde le contrat à durée déterminée de la plaignante n'avait pas été renouvelé par le président de la collectivité, Edouard Philippe, en avril 2023, au motif d'un défaut d'expertise et d'implication.

Sur BFMTV, ce dernier a déclaré: "Nous sommes à la disposition des magistrats et nous allons répondre à toutes les questions qu’ils posent pour démontrer très sereinement et de toute bonne foi que nous avons respecté les règles."

Au-delà de l'aspect judiciaire, cette affaire pourrait avoir des conséquences politiques et affaiblir celui qui ne fait que très peu de mystères de son ambition présidentielle. Ce vendredi, à Besançon, il réunit quelques cadres d'Horizons. Tête de liste de la majorité présidentielle pour les élections européennes, Valérie Hayer est également annoncée.

Article original publié sur BFMTV.com