Au Luxembourg, Thales Alenia Space aide à prédire les inondations par IA et jumeaux numériques

Au Luxembourg, Thales Alenia Space aide à prédire les inondations par IA et jumeaux numériques Pour mieux surveiller et anticiper les phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes, le Luxembourg a fait appel au fabricant spatial qui vient de terminer le POC de la solution.

L'épisode de pluies diluviennes et d'inondations survenues en juillet 2021 au Luxembourg a été le point de départ de ce projet : un jumeau numérique de prédiction d'inondation. Initié par l'institut de recherche public Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), ce jumeau numérique modélisé par le fabricant spatial Thales Alenia Space doit permettre de prédire ces événements climatiques, de visualiser leurs impacts et de suivre les effets du réchauffement climatique pour prédire le climat dans une trentaine d'années.

Le projet a débuté il y a un an, début 2023. Les chercheurs du LIST, après avoir conçu un logiciel (nommé Hasard) permettant de générer des cartes d'inondations en temps réel pour suivre les crues, ont développé et entraîné un algorithme d'intelligence artificielle sur leurs données. Forts de leurs compétences transverses en hydrologie, hydrogéologie et télédétection, ils ont enrichi leur modèle de données météo, de modèles de propagation d'inondation, de capteurs IoT sur le terrain et d'images satellites. Le LIST a été soutenu par l'Agence spatiale luxembourgeoise (LSA) et de Thales Alenia Space, qui s'est chargé de concevoir l'infrastructure système et data, dont la plateforme d'hyperviseur 3D.

Les inondations de janvier 2024 prédites

Un premier test a été mené en novembre 2023 à partir de données portant sur des inondations survenues en Angleterre pour tester la plateforme. Cette étape ayant été concluante, les équipes ont réalisé un POC sur 30 jours en mars 2024 avec des données issues des inondations de juillet 2021 et de janvier 2024. Une étude d'impact a également été exécutée. "L'objectif est de déterminer, selon tel scénario, quels bâtiments seraient être inondés, quelles routes coupées, quelles infrastructures électriques touchées, etc.", explique Etienne Barritault, directeur général de Thales Alenia Space au Luxembourg, satisfait que les simulations effectuées sur janvier 2024 se soient révélées proches de la réalité.

Le POC touchant à sa fin, un MVP va désormais être réalisé pour obtenir un produit pré-opérationnel avec une cible commerciale. Thales Alenia Space envisage d'appliquer par la suite le modèle au suivi des dévastations des traits de côtes et à la surveillance de la végétation, notamment des feux de forêt. Par sa composante spatiale, Thales Alenia Space dispose en effet des moyens d'élargir ses champs d'action. "A partir du moment où l'infrastructure est prête, le coût de développement d'un autre jumeau numérique est faible", justifie Etienne Barritault, qui ne communique pas sur le montant investi par le gouvernement dans ce projet mais affirme qu'il reste accessible pour une collectivité.

Vers des projets européens

L'enjeu technique pour Thales Alenia Space est de rendre l'architecture du jumeau numérique interopérable avec d'autres. "Depuis le début du projet, on s'est inscrit dans la dynamique européenne autour de la création d'un jumeau numérique de la Terre, Destination Earth (DestinE), pour pouvoir rallier cette infrastructure et en devenir un des composants. Si nous avons cette opportunité, cela pourra être immédiat", confie Etienne Barritault. En France, l'IGN milite également pour des jumeaux numériques interopérables et travaille au développement de standards européens. "Il faut outiller les territoires face à la transition écologique. En cas d'inondation, il ne sert à rien de reconstruire au même endroit, sans simuler les scénarios et analyser si ce ne serait pas mieux d'aménager le territoire ailleurs", affirme Bénédicte Bucher, chef du service Recherche au sein de l'IGN.  

Ce projet luxembourgeois pourrait inspirer de nombreuses initiatives en France. La métropole de Montpellier notamment mène un projet couplant IoT et IA pour la surveillance et l'anticipation des crues sur son territoire. "La demande pour la prédiction de catastrophes naturelles est récente mais de plus en plus importante, le Berry par exemple travaille sur la détection d'inondations", constate Armel Le Blanc, directeur associé du cabinet de conseil et bureau d'études français en numérique territorial Risôm.

De son côté, Pierre Dubuisson, market intelligence business manager chez Kurrant, cabinet de conseil spécialisé dans la digitalisation des villes et des utilities, se réjouit de voir émerger des démarches proactives avec un hyperviseur prévisionnel. "La difficulté, c'est que face aux inondations, il ne peut pas y avoir une seule solution packagée : les territoires ont chacun leurs spécificités et nécessitent des jumeaux numériques locaux. D'autant que les inondations peuvent provenir de sources variées, des crues au débordement d'avaloirs", souligne-t-il. L'intérêt des collectivités va sans aucun doute aller croissant : le risque d'inondation côtière devrait être multiplié par cinq au cours de ce siècle, d'après l'ONU. D'après l'Organisation météorologique mondiale, les inondations représentent 44% des catastrophes naturelles, le premier risque devant les tempêtes et les glissements de terrain.