Filmer le réel, raconter la guerre

. - © Piero Usberti / Andolfi
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En 2018, entre deux guerres, celle de 2014, et celle de 2024, Piero Usberti, réalisateur, était à Gaza. Le but de son voyage : rencontrer la diversité d'une société.

Avec
  • Piero Usberti réalisateur de "Voyage à Gaza"

Des rêves, des images, des vies, des visages de celles et ceux dont on parle tant en ce moment et que pourtant l'on connaît si peu. Ces existants, ce sont celles des Gazaouis qu'un film documentaire intitulé Voyage à Gaza raconte avec sensibilité et proximité.

Des vies enfermées, contraintes, parfois joyeuses, diverses surtout. Ce film diffusé aujourd'hui au Centre Pompidou est en compétition dans le cadre de la 46e édition du Cinéma du Réel, un festival de documentaires.

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Entrer dans Gaza, filmer Gaza

Le film s'ouvre sur une scène, plus qu'une scène, une histoire édifiante. Le moment où le premier Gazaoui acquiert un aéronef. Pourquoi c'est si important ? "Comme c'est raconté un peu dans le film, c'est l'histoire de Yasser Mourtaja, un photographe qui travaillait pour Al Jazeera. Un très jeune photographe qui était très connu à Gaza parce que c'est la première personne qui a acheté un drone pour prendre des photos. Cet acte lui a permis de conquérir cet espace aérien et cette perspective d'en haut qui était jusqu'à présent la perspective privilégiée des drones de contrôle de l'armée israélienne. Et donc, symboliquement, c'était quelque chose qui me semblait intéressant à montrer comme acte de résistance non armée."

Comment entrait-on dans Gaza ? "C'était difficile, et il fallait des contacts, pour trouver les autorisations nécessaires. Le passage obligé, c'était une coordination de permission entre l'armée israélienne, le Hamas et l'autorité nationale palestinienne."

4 min

La marche du retour

Usberti explique son projet : "L'envie principale qui m'a poussé au départ vers ce pays. C'était de découvrir cette jeunesse, donc de rencontrer des gens de mon âge. Moi, j'avais 25 ans à l'époque. Des rencontres m'ont permis de nouer des amitiés assez rapidement avec ces personnes qu'on voit dans le film et qui m'ont ensuite amené dans leur quotidien qui s'est rapidement teinté d'une portée très politique parce que 15 jours après mon arrivée à Gaza, c'était le début inattendu la "grande marche du retour", en 2018..."

"Le 30 mars 2018, tout commence, un mouvement contestataire pacifique du côté palestinien qui a été lancé par Abu Artema un monsieur, qu'on appelait le Gandhi palestinien à l'époque, qui a fait un post Facebook qui a enflammé la jeunesse de Gaza. Et c'était un post très pacifique qui disait justement, tout simplement, allons à la frontière et sans armes, sans rien, pour manifester au monde entier notre droit au retour à notre terre originaire. Et cela s'est fait à une date précise, lors de la commémoration de la Nakba, la "catastrophe", le jour où les Palestiniens ont dû quitter leurs terres en 1948."

Oasis et "buffer zone"

On voit bien des choses dans ce documentaire. Une vie telle qu'on ne l'imagine pas toujours. Un bâti, un espace. Particulier. Il y a ainsi une séquence du film consacré à la "buffer zone".

"Zone tampon, on pourrait dire en français. Donc c'est une zone, une bande qui parcourt toute la frontière entre Gaza et l'État d'Israël. C'est une bande d'environ, enfin en moyenne, disons, quelques centaines de mètres qui a été établie de manière unilatérale par l'armée israélienne. C'est une zone pour éviter que les Gazaouis s'approchent de cette frontière qui, pareil, a été établie de manière unilatérale. L'armée israélienne a le droit de tirer, enfin, se donne le droit de tirer dans cette zone, et toutes les plantations, les cultures, sont dans cette partie-là. Des paysans se font tirer dessus, juste en allant travailler. On y cultive des oignons, des patates… En fait, c'est une terre très fertile. Gaza, à l'origine, c'était une oasis dans le désert. Et il y avait aussi beaucoup d'eau très bonne, qui actuellement est polluée."

45 min

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