Qui n’a franchement jamais repoussé une tâche au lendemain, content d’être soulagé sur l’instant ? Commun à toutes les strates de nos sociétés, le comportement procrastinateur nous touche tous à un moment de la vie. « Il n’y a pas véritablement de différences de culture là-dessus » énonce Christian Martin, auteur de 60 minutes pour arrêter de procrastiner. Il reprend : "Des chercheurs expliquent que 20 % de la population mondiale est touchée. Le plus impressionnant, ce sont les étudiants. Une étude suédoise démontre que 50 % des élèves attestent souffrir de procrastination." En France, les chiffres montent à 79 % pour les étudiants français selon une étude Yougov, de 2019.

Interrogé quant à la définition même de ce mal, l’auteur nous répond : « Il existe beaucoup de définitions, mais je vais vous donner la plus pertinente selon moi. Elle vient de Steel Piers, un chercheur américain. Selon lui, la procrastination se définit par "retarder volontairement une action prévue, même si l’on s’attend à être plus mal en point à cause du retard." Par cette phrase, la procrastination se décrit comme un délai volontaire imputé à soi-même qui aggrave inexorablement les choses sur le long terme.

Pourquoi procrastine-t-on ?

Procrastiner puise son origine dans le mental. Pour l’expliquer, le modèle du Rubicon, par Heinz Heckhausen et Peter M. Gollwitzer, parle de la notion de « gap » entre les différentes étapes de l’action, divisées en quatre phases formelles. La première est l’étape de souhaiter (décider de) faire quelque chose, et la dernière est de se détacher. Entre les deux, il faut réaliser la tâche, après être passé par la pulsion de vouloir l’exécuter (commencer).

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Ces multiples décisions donne le temps à l’esprit de divaguer, de passer entre des moments de volonté et de motivation. « Ces pulsions ne sont pas identiques, elles n’activent pas les mêmes circuits cérébraux » avance Christian Martin. Nos pensées divaguent, on devient alors défaitiste sur nos capacités de travail. On pense que c’est trop dur, que nous ne sommes pas capables. Il y a la peur de l’échec, tout semble infranchissable. Il y a aussi, évidemment et simplement, les tâches qu’on déteste.

Pour expliquer mathématiquement la motivation face à la procrastination, le chercheur Steel Piers a une formule pour calculer la motivation : l’espérance (l’attente de réussite) est multipliée par la valeur (le résultat). Ensuite, on divise par le dénominateur, l’impulsivité (tendance à vouloir le résultat de suite).

Vous pouvez également tester l’impulsivité de votre enfant au travers du marshmallow challenge selon l’auteur. Épreuve de patience, vous placez une guimauve devant votre enfant et partez en interdisant de manger. Vous revenez, et voyez si les enfants ont craqué pour le bonbon, ou non.

Un enfant procrastinateur, est-ce si grave ?

Si ça a le don de vous irriter quand vous lui demandez quelque chose et qu'il attend toujours le dernier moment pour le faire, au fond, tant que c'est fait, est-ce vraiment grave de procrastiner ? L’auteur calcule : « Si je procrastine 50 % du temps, il va y avoir un déficit de performance évident sur les tâches que j’ai à faire. » 

Il existe ainsi des exemples de situations dans lesquelles la procrastination prend une part trop importante. Lorsque la moitié du temps alloué aux tâches est consacrée à la procrastination et qu’au moins la moitié des projets que votre enfant devait boucler dans les six derniers mois l’ont été dans un délai très court, c’est qu'il a un problème d'organisation, de motivation ou autre. Dans certains cas critiques, on peut observer de graves impacts sur la santé des enfants procrastinateurs, comme l’apparition d'une dépression.

Comment pousser mon enfant à arrêter de procrastiner ?

« La réponse la plus rapide, dès que vous pensez à l’idée de procrastiner, c’est de se lever les fesses et de s’y mettre ! » lance Christian Martin. Plus facile à dire qu'à faire, surtout pour un enfant. Ce dernier fera sûrement la sourde oreille face à cette phrase, alors vous pouvez lui expliquer que ce qui importe, c'est de ne pas rester passif, quitte à ce que ce soit minime. L'auteur poursuit : « Le premier truc à faire, c’est un signal. On se dit qu’on s’y met. Même si ça prend du temps, même si on fait juste l’ébauche, même si c’est 5 minutes, ça facilitera le travail et la reprise. »

Les techniques de gestions du temps, il y en a une multitude que vous pouvez inculquer à votre enfant. Par exemple, toujours commencer la journée par ce que vous aimez le moins faire. Ce qui est important, urgent, passe en premier. Une méthode, du nom de Pomodoro, est mise en avant dans le livre. Développée par Francesco Cirillo à la fin des années 80, elle met en avant l’usage de minuterie pour diviser le travail en intervalles de 25 minutes, nommés pomodori, séparés par 5 minutes de pause, et qui peut notamment être appliqué à la gestion des devoirs.

L’auteur enchaîne : « Il est également très important de se récompenser. » Quand vous venez à bout d’une tâche difficile, il faut mettre en place une gratification quand on fait quelque chose qui nous embête, mais il faut le mériter.

Parmi les techniques proposées par le livre, on en retient cinq :

  • Diviser en plusieurs étapes votre objectif.
  • Découpez vos tâches finement, pour pouvoir les réaliser sans être interrompu.
  • Mettez la barre très basse au départ, puis montez graduellement.
  • Organisez son environnement de travail pour qu'il puisse se concentrer sans perturbation.
  • Soyez au courant de votre méthode d’apprentissage et de personnalité.

La procrastination, ça a du bon

Ne soyez pas trop dur avec votre enfant. L'auteur explique avoir découvert en écrivant son livre que parfois, la procrastination volontaire a du bon. « On n'est pas tous procrastinateur, toujours », conclut Christian Martin. Si travailler sous pression ça marche pour vous et n’affecte pas vos capacités intellectuelles, tant mieux ! Sinon, il y a des solutions avant de consulter. Le trouble n’est pas toujours assez profond pour avoir recours à un thérapeute.

Et vous, êtes-vous un procrastinateur ?