Abbeville : une disparition en Afrique encore mystérieuse 50 ans après
Il y a 50 ans tout juste, la brousse africaine s’est refermée à jamais sur eux, laissant leur disparition inexpliquée. Le docteur Raymond Jules (47 ans), radiologue et Bernard Peutte (39 ans), négociant en machines agricoles, voyageaient alors en safari depuis une semaine dans la région d’Arly en Haute-Volta (le Burkina-Faso actuel), quand le 19 avril 1974, vers 4 heures du matin, les deux Abbevillois ainsi que leur accompagnateur, un pisteur local, sont partis à la chasse en Land Rover. Eric Mouton, le beau-fils de Raymond Jules, les accompagnait jusqu’ici, mais le jeune homme de 20 ans venait de repartir pour la France.
Montre et appareil photo laissés à bord du Land-Rover
Vers 13 heures, ne voyant pas revenir l’équipée, la gérante de leur campement avait alors envoyé un autre véhicule aux nouvelles, retrouvant le chauffeur des Abbevillois en attente lui-même du retour des trois hommes. Partis en laissant montre et appareil photo à bord de leur tout-terrain, tout portait à croire qu’ils n’avaient pas eu l’intention de s’éloigner. Ils ne reviendront jamais.
20 000 tracts dispersés par avion
Des recherches ont été lancées, coordonnées par Michèle Jules, l’épouse de Raymond, et par Eric Mouton. Un mois durant, leurs efforts furent vains. Le concours des militaires burkinabés ne fut visiblement pas décisif. « Ils se perdaient dans la brousse. Ils refusaient de pénétrer dans ce qu’ils appelaient la réserve maudite », là où des traces de pas auraient pourtant été repérées, nous racontait déjà en 2019 Eric Mouton, aujourd’hui maire de Buigny-Saint-Maclou.
L’intervention un mois après de militaires français basés au Tchad, « trop tard sans doute », ne changea pas la donne. Pas plus que des récompenses proposées et la dispersion par avion de 20 000 tracts portant la photo de Raymond Jules à 300 km à la ronde. Une idée alors de Me Gérard Firmin, une figure du barreau d’Abbeville, requis par la famille pour aider.
« Une plainte pour homicide volontaire »
Six mois après, « il paraît invraisemblable à ceux qui connaissent la région que trois hommes aient pu disparaître de cette façon », s’interrogeait le journal Le Monde dans un article publié le 19 octobre 1974. Une semaine après, en pleine conjecture, le même quotidien indiquait que la justice du Burkina-Faso avait enregistré une plainte pour « homicide volontaire » déposée par Michèle Jules.
« Le procureur général de la cour d’appel de Ouagadougou s’est refusé à émettre la moindre hypothèse. Le commandant de la gendarmerie de Fada N’Gourma a précisé que la zone de chasse dans la laquelle les trois hommes ont disparu, est infestée de bêtes fauves. Cependant, certaines rumeurs font état de la possibilité d’une disparition volontaire des deux hommes ».
« Ma mère est restée dans ce secteur de l’Afrique pendant 10 ans »
Vingt ans plus tard, Me Firmin a bien tenté un nouveau recours devant une haute juridiction burkinabée, mais le dossier n’a jamais évolué. Aucune enquête n’a été relancée. Ni aucun lieu de recueillement constitué. Depuis lors, rien d’étayé n’a jamais pu expliquer ce qui demeure pour Eric Mouton aujourd’hui encore « un mystère » complet.
« Ma mère est restée vivre dans ce secteur de l’Afrique pendant 10 ans ensuite, notamment pour monter des lodges en Côte d’Ivoire et ce qui était encore le Dahomey (NDLR : devenu le Bénin). Elle a toujours eu du mal à faire son deuil », confie Eric Mouton à propos de sa maman, décédée à son tour en 2008, sans avoir eu de réponse à toutes ses questions.