Les Jeux de l'amour : quand les Olympiades font palpiter le cœur des athlètes
Personne ne maîtrise mieux qu’eux l’art de se jeter à l’eau. Les plongeurs olympiques He Zi et Qin Kai ne sont pas les seuls à avoir transformé leurs performances cardio en histoire de cœur. Coup de foudre ou romance au long cours, il n’y a pas que la course aux médailles qui fait vibrer aux JO.
Dans une autre vie, elle a été sirène. Ou presque. Charlène Wittstock a appris à nager avant même de savoir marcher puis, dès l’adolescence, a remporté ses premières compétitions, au point d’être considérée comme l’une des nageuses les plus prometteuses de sa génération. En 2000, elle a représenté son pays, l’Afrique du Sud, aux Jeux olympiques de Sydney. La même année, elle a surtout gagné le plus précieux des trophées : le cœur d’un prince. À l’occasion d’une compétition à Monaco, elle croise le fils aîné de Rainier III, Albert.
Leur passion du sport les rapproche. Albert pratique le tennis, le foot, le judo et surtout le bobsleigh. Pas seulement un violon d’Ingres puisqu’il a participé à cinq éditions des Jeux olympiques d’hiver. Quand, en 2006, après avoir caché leur idylle de longs mois, Albert et Charlène décident d’officialiser, ce n’est pas n’importe où : ils s’affichent main dans la main à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Turin. Quoi de plus symbolique ?
On pourrait les surnommer les amoureux des JO si, dans la galaxie des têtes couronnées, le titre n’était pas revendiqué par d’autres. Sydney, en septembre 2000. En sa qualité d’héritier du trône, le prince Frederik de Danemark assiste à la cérémonie d’ouverture pour encourager la délégation nationale. Plus tard dans la soirée, il retrouve son frère, Joachim, et quelques amis du gotha – dont Märtha Louise de Norvège et Nikolaos de Grèce, qui sont également du voyage – dans un bar de la ville, le Slip Inn. L’ambiance est festive, la bière coule à flots… Au fil de la soirée, la petite troupe princière se mêle à la foule.
Frederik croise le regard d’une certaine Mary Donaldson, consultante en marketing que son colocataire a convaincue de sortir s’amuser. Après quelques verres, ils échangent leurs numéros de téléphone. Mary ignore qui est Frederik, c’est le début du conte de fées. Un mariage et quatre enfants plus tard, la Tasmanienne est reine consort de Danemark.
Les sportifs aussi tombent amoureux
Il n’y a pas que les altesses royales qui connaissent de belles histoires. Aux JO, les dieux du stade aussi s’amourachent. Nonobstant les différences de culture ou la géopolitique. Ainsi, Olga Fikotova et Hal Connolly. Elle, tchèque, lui, américain. Elle, lanceuse de disque, lui, de marteau… Rien ne les prédestine à se rencontrer. Aux Jeux de Melbourne en 1956, ils tombent raides dingues l’un de l’autre au premier regard : « Je venais de faire un bon entraînement et j’allais ranger les disques. Il fallait descendre quelques marches, il faisait sombre, j’étais dans une telle humeur merveilleuse qu’au lieu de les descendre, je les ai sautées et je suis tombée dans les bras d’Harold. J’ai vu le sigle “USA” sur sa veste. Avec mes quelques mots d’anglais, j’ai commencé à m’excuser fiévreusement », racontera Olga.
À l’époque, hommes et femmes s’entraînent, séparés par un grillage. Ce qui n’empêchera pas Hal et Olga de se retrouver. Un an plus tard, ils se disent oui à Prague : un mariage symbolique sur fond de guerre froide. « La plus belle victoire olympique », s’enthousiasmeront alors les reporters de Paris Match sur place pour l’événement.
Des mariages entre athlètes, il y en eut beaucoup d’autres. Parfois même célébrés dans les villages olympiques. En octobre 1964, à Tokyo, Nikola Prodanov et Diana Yorgova, lui, gymnaste, elle, spécialiste du saut en longueur, tous deux bulgares, troquent le short contre la jaquette et la robe blanche. Une noce improvisée, à la veille de la cérémonie de clôture, comme l’a suggéré l’ambassadeur bulgare au Japon, parce qu’il y voyait une formidable publicité.
Pour les Jeux de Paris, le Comité d’organisation prévoit de mettre à disposition des athlètes plus de 200 000 préservatifs
En Olympie, la flamme s’embrase aussi aux feux de l’amour. Un chiffre vaut mille mots doux : pour les Jeux de Paris, le Comité d’organisation – le Cojo comme l’appellent les initiés – prévoit de mettre à disposition des athlètes plus de 200 000 préservatifs. Plus qu’à Tokyo en 2021 – où, en pleine pandémie de coronavirus, quelque 160 000 avaient tout de même été distribués –, mais bien loin du record de Rio en 2016 : c’était alors 450 000, soit une moyenne de 42 par participant. Qui dit mieux ?
Depuis Séoul, en 1988, l’activité sexuelle des sportifs en période de compétition n’est plus un tabou. « Même si, dans l’imaginaire collectif, on pense qu’un athlète qui a un rapport sexuel la veille d’une épreuve ne sera pas bon ou aura perdu son énergie. Alors que c’est complètement faux ! explique Gaëlle Étienne, sexologue du sport. Au contraire, beaucoup de sportives disent que ça les aide à se détendre. Quant aux hommes, l’orgasme provoque une poussée de testostérone bénéfique pour les muscles. »
Après l’effort, le réconfort. En fin de journée, le village olympique prend des airs de Galaswinda (le camp de vacances du film « Les bronzés ») : la drague devient le sport numéro un. À Pyeongchang, en 2018, aux JO d’hiver, l’application de rencontres Tinder avait vu sa fréquentation augmenter de 348 % en quelques jours seulement. Aux Jeux de Londres, en 2012, Grindr – destiné à la communauté gay – avait été surchargé. Swipe à gauche, swipe à droite : au moins, ce mouvement-là ne nécessite pas d’entraînement. « Avec l’ambiance du village, les athlètes oublient la fatigue. Comme quand on fait la fête jusqu’à tard. Surtout en cas de victoire », ajoute Gaëlle Étienne.
Même dans la défaite, l’amour est consolateur. Matthew Emmons peut en témoigner. En 2004, à Athènes, ce tireur à la carabine américain, auquel on prédisait toutes les médailles, commet une erreur monumentale en finale… en se trompant de cible. Ses chances de victoire envolées, il s’arrête dans un bar pour noyer sa déception. Il y croise la tireuse tchèque Katerina Kurkova – qui s’émeut de sa mésaventure – et lui offre un porte-clef en forme de trèfle… puis un baiser. En 2007, ils se marient.
Les amourettes d'été se transforment parfois en relations de longue durée
« Les Jeux olympiques sont un événement que les athlètes ne vivront peut-être qu’une fois dans leur vie : l’attrait de la nouveauté pousse aussi à la curiosité de l’autre. » Les sens en éveil, le tennisman français Benoît Paire avait été exclu des Jeux de Rio pour avoir trop souvent quitté le village olympique : il rejoignait en catimini sa compagne d’alors, la chanteuse Shy’m. Difficile de résister.
Comme dans une réminiscence de l’adolescence, les amourettes d’été se transforment parfois en relations de longue durée. Prenez Megan Rapinoe – footballeuse superstar aux États-Unis –, qui, sous le soleil de Rio en 2016, est tombée sous le charme de sa compatriote basketteuse, Sue Bird. Leur romance a immédiatement passionné les médias, qui les ont hissées sur le podium des icônes LGBT : en 2018, elles posent nues en couverture du prestigieux magazine « ESPN ». Aux Jeux de Tokyo, leur tendre baiser échangé sur un terrain de basket fait le tour du monde. Fiancées, Megan Rapinoe et Sue Bird devraient bientôt se marier.
16 juin 2016, toujours à Rio. L’athlète Will Claye vient de conquérir l’argent en triple saut. Encore en sueur, le drapeau américain à la main, il bondit en tribune où l’applaudit sa compagne, Queen Harrison, elle aussi championne à la course de haies. Un genou à terre, il la demande en mariage devant les caméras du monde entier : « La bague était dans mon sac à dos. Je l’avais depuis un petit moment. Gagnant, perdant ou à égalité j’ai senti que ça devait arriver aujourd’hui », confiera-t-il.
Les JO de Paris connaîtront-ils des fins aussi heureuses ? Le Comité d’organisation ne compte pas en tout cas jouer les cupidons. Comme à Tokyo en 2021, les lits – 90 centimètres de large – seront… en carton. « Mais ils peuvent supporter plusieurs personnes », a rassuré Motokuni Takaoka, P-DG d’Airweave, l’entreprise à l’origine de cette innovation, qui semble tout de même peu appropriée pour la bagatelle. S’envoyer en l’air sera alors vraiment sportif.