Quel symbole incarnait Marielle Franco dans ce pays immense (180 millions d’habitants) qui passe pour être l’un des plus inégalitaires au monde ? Aujourd’hui 65 % de population est très pauvre, et, en majorité noire. Entretien avec Alexandra Loras, l’épouse de l’ex-consul de France au Brésil, qui est devenue une influente activiste de l'émancipation féminine et de la représentativité de la femme noire au Brésil.

Marielle Franco, originaire d’une des favelas les plus dangereuses (Maré) à Rio de Janeiro a toujours fait preuve de courage et de détermination.

Lorsqu’elle décroche une bourse pour étudier la sociologie à l’université pontificale de Rio, elles ne sont que deux femmes noires sur les bancs de la faculté. Son combat contre le racisme, et en particulier les violences policières qui bénéficient d’une certaine impunité dans le pays, s’intensifie avec son engagement aux côtés du député Marcelo Freixo comme assistante parlementaire. Féministe et lesbienne, elle milite également contre les violences faite aux femmes et pour la cause LGTB.

A 37 ans, elle est élue conseillère municipale et présente un projet de loi pour que la ville recense les statistiques de violences contre les femmes qui ne feraient qu’augmenter.
C’est au retour d’un rassemblement pour la promotion des femmes noires, que la voiture qui transportait Marielle Franco a été prise en chasse par un véhicule. Les assaillants ont ouvert le feu et la conseillère a été atteinte par plusieurs balles à la tête.

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Elle meurt à 38 ans, son chauffeur aussi. Depuis, la consternation et la colère ont soulevé le pays avec de nombreuses mobilisations dans tout le Brésil.

Marielle Franco incarnait le courage pour les Brésiliens car elle dénonçait ce que j’appelle le "génocide de notre population noire". 

Explique Alexandra Loras qui milite activement pour une prise de conscience. Celle du racisme qui gangrène le pays, pourtant réputé pour son métissage. Un paradoxe mais une réalité pour Alexandra Loras, qui ajoute :

"On a l’impression que les USA est l’un des pays les plus racistes mais en fait c’est le Brésil. » avec chiffres à l’appui de l’Unicef *

Chaque jour soixante-trois noirs sont tués par la police ici, dont trente-trois sont des enfants entre 12 et 18 ans. 

Un racisme très présent dans la société brésilienne, qui n’est que le reflet d’une inégalité sociale encore plus prégnante dans un pays où la population blanche représente moins de la moitié des Brésiliens mais détient tous les leviers politiques, économiques et culturels du pays.

« 54 % des brésiliens sont noirs donc majoritaires mais ils sont moins d’un 1% au Sénat, au gouvernement, et à l’Assemblée nationale… »

Alexandra Loras dénonce même « une planification pour blanchir le Brésil » avec « Des lois qui jusqu’en 1980, interdisaient aux noirs d’immigrer au Brésil, ce qui explique qu’il n’y a jamais eu de militants afro-américains venus y créer un mouvement de droits civiques. Le Brésil leur interdisait l’accès alors qu’il était ouvert aux Européens, Libanais, et Japonais… »

« Il faut ouvrir le dialogue, éduquer la société brésilienne sur ces crimes, leur montrer que le racisme est ancré dans le réel. Il faut former les policiers mais aussi les magistrats, car l’injustice commence dès lors qu’un noir est condamné à une peine trois plus lourde qu’un blanc pour le même crime. »

Un dialogue bilatéral auquel s’attèle Alexandra Loras, curatrice du “TEDXSãoPaulo Mulheres que Inspiram” qui a réuni en 2016 des personnalités féminines -notamment noires- aux parcours inspirants. Elle n’entend rien lâcher, même si elle avoue parfois « avoir petit peu peur pour sa vie ». Elle espère un sursaut de lucidité chez les Brésiliens avec la mort de Marielle Franco, dont la dernière allocation, dix minutes avant d’être assassinée, fût :

Je ne suis pas libre si une autre femme est prisonnière même si ses chaînes sont différentes des miennes. 

Capture écran Marielle Franco rassemblement femmes noires 
Marielle Franco capture d'écran de la vidéo de son allocution

Selon les dernières informations officielles, les munitions utilisées par le ou les auteurs du crime proviendraient d'un stock de la police.

En savoir plus sur le site d’ Alexandra Loras 

* Les chiffres de l’Unicef