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Le combat de Jennifer Hinck contre la grossophobie : "aujourd'hui, je n'ai plus envie de me cacher"

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La stigmatisation sur l'apparence physique fait souffrir les personnes au surpoids, adultes comme enfants. Jennifer Hinck mène ce combat contre les préjugés, en participant à des concours de "beauté ronde".

L'apparence physique fait partie des 25 discriminations interdites par la loi.
L'apparence physique fait partie des 25 discriminations interdites par la loi. © Getty - Bo Zaunders

"On est des êtres humains comme tout le monde." Vinciane s'étrangle presque d'émotion en prononçant cette phrase. Elle en a entendu dès le plus jeune âge des mots blessants : "Big Mama, la grosse vache". Des remarques qui ont fait des dégâts. "Ces insultes de jeunes, on a du mal à les encaisser, elles nous donnent des complexes, alors que je suis comme tout le monde, j'ai deux jambes, deux bras, je respire." L'image de soi en prend un sérieux coup. Comment aller ensuite à un entretien d'embauche, tisser des liens sociaux, avoir une vie sentimentale ? "Des fois, j'ai du mal à m'accepter, à me dire que je suis belle. J'ai fait un gros travail sur moi depuis mon adolescence parce qu'il faut enlever tous ces trucs négatifs. C'est un travail à faire sur nous et c'est compliqué." Son message est tout simple : "laisser vivre les gens comme ils ont envie et arrêter de pointer du doigt toutes les différences." La cour de récré est un endroit qui peut être violent pour les enfants. Anne-Marie, pas concerné par le surpoids, y voit surtout de la méchanceté.

"Aimer notre corps tel qu'il est"

Cette lutte contre la grossophobie, c'est le combat de Jennifer Hinck. Elle aussi a subi des remarques et réflexions blessantes dès l'école. Les personnes en surpoids ne sont pourtant pas minoritaires dans la société. Le surpoids touche 54% des hommes et 44% des femmes. "Je pense que ça passe un petit peu plus au-dessus de la tête des hommes que les femmes." C'est pour lutter contre ces préjugés qu'elle a décidé de participer à des concours, élue, première Dauphine de Miss Curvy en 2022, elle a choisi de participer à Miss Diamantissime, "un concours de beauté pour les femmes rondes qui luttent contre le harcèlement et la grossophobie" et de profiter de l'accompagnement du concours, avec "un shooting photo par mois sur des thèmes différents pour continuer à aimer notre corps tel qu'il est", pour cheminer vers plus d'acceptation de soi et donner de la visibilité à ce combat.

Les hommes souffrent aussi de cette discrimination sur le physique, mais de façon différente. "Je pense que cela détruit aussi les hommes, mais ils ne le montrent pas. Certains peuvent être très blessés et le garder pour eux. Ils intériorisent, ce n'est pas forcément mieux, mais il y a un moment où ça s'extériorise."

"Je choisissais mes vêtements en fonction des gens"

"Ne pas avoir confiance en soi, c'est quand même partir avec un handicap énorme." Jennifer Hinck a fait beaucoup de compromis pour se rendre invisible : "Je choisissais mes vêtements en fonction des gens, pas en fonction de ce que j'aimais. Je me cachais sous des vêtements noirs amples, en pensant qu'on me verrait moins. Et au final, les gens regardent quand même."
L'arrivée de sa première fille a été un moment important. "J'avais encore plus de complexes à l'époque et je me suis dit : il faut sortir de tout ça pour lui véhiculer une image beaucoup plus positive d'elle."Avoir un enfant a été un autre combat. Son surpoids a été un frein pour la PMA. Finalement, cela s'est fait pour ses deux filles "naturellement, par le plus grand des miracles. Finalement, la nature a fini par bien faire les choses". Son premier concours sur "la beauté courbe" a été un déclic : " je me suis tellement cachée, aujourd'hui, je n'ai plus envie de me cacher ".

Une des 25 discriminations interdites par la loi

Le corps médical véhicule beaucoup de grossophobie, considérant que le patient est responsable de ses problèmes de santé. Il y a chez certains médecins une obsession pour le poids et une forme de culpabilité pour les patients en surpoids. Certaines personnes vont jusqu'à renoncer à consulter par peur du jugement. "Il suffit que vous ayez mal au dos et on vous dit que tant que vous ne perdrez pas de poids, vous aurez toujours mal aux articulations, au dos. Pour les médicaments, c'est pareil. Il y a des médicaments que l'on n'a pas le droit de prendre ou alors, il faut doubler la dose, parce qu'on n'a pas la même corpulence."
Le monde professionnel est presque aussi cruel que la cour de la récréation. La discrimination se fait dès l'embauche, elle se poursuit avec une progression salariale moindre, des regards, des remarques. L'apparence physique est pourtant une des 25 discriminations interdites par la loi. 
Les personnes en sur-poids ont beaucoup de mal à trouver des vêtements à leur taille. Jennifer Hinck regrette d'être parfois obligée de faire ses courses sur Internet "ou alors, il faut trouver le magasin qui fait votre taille et à prix abordable parce que bien souvent les prix sont exubérants et tout le monde ne peut pas se le permettre". Nadia tient une boutique à Loudun qui propose des grandes tailles, et voir bien quand ses clientes se sentent à l'aise dans des vêtements à leur taille. "Quand les femmes ressortent du magasin, elles sont belles et elles ont le sourire jusqu'aux oreilles."

"C'est important de faire du travail sur soi-même pour arriver à s'accepter comme on est"

Caroline est passée de la maigreur au surpoids. Elle a entendu les remarques les plus blessantes dès le plus jeune âge. Dans sa famille, on disait d'elle : "elle passerait derrière des affiches, elle ne les décollerait pas." Maigre ou gros, cela ne colle jamais avec le standard. "Quand j'étais maigre, cela ne leur plaisait pas, je suis grosse, cela ne leur plait pas parce que je suis grosse." Jennifer Hinck reconnait que s'accepter est un véritable combat, il faut trouver la force de monter sur le ring. "C'est important de faire du travail sur soi-même pour arriver à s'accepter comme on est. Je ne dis pas que c'est chose facile, puisque l'on n'est jamais totalement guéri de toute cette souffrance, mais il faut vivre pour soi et pas pour les autres." Tout se joue très tôt. "Je pense que si les parents éduquent leurs enfants à ne pas critiquer, ne pas juger, à être ouverts, il y aurait beaucoup moins de harcèlement*"* conclut Jennifer Hinck.

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