L’avenir prometteur des grandes pompes à chaleur en Europe

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Le marché mondial des grandes pompes à chaleur pourrait croître de 15 % par an pour atteindre 40 milliards de dollars d'ici à 2030, selon Andrea Magalini, directeur général de la division chaleur de Turboden. [Nikolaus J. Kurmayer]

Alors que l’UE a axé une grande partie de ses initiatives pour réduire ses émissions industrielles de CO2 sur la production et le recours à l’hydrogène, dans une usine à l’ouest de Milan, en Italie, une révolution silencieuse est en cours : l’électrification de la production de chaleur à basse température.

D’après une étude réalisée par Agora Energiewende, un groupe de réflexion allemand, la demande de chaleur pour la production industrielle figure parmi les principales sources de consommation d’énergie en Allemagne. Une part importante de cette demande concerne les températures inférieures à 200 °C, qui constituent 37 % de la demande industrielle dans le pays.

Et les grandes pompes à chaleur peuvent jouer un rôle central dans la décarbonation de cette demande de chaleur. Similaires aux pompes à chaleur domestiques, ces machines puisent leur énergie dans leur environnement immédiat (air, sol ou eau) et utilisent l’électricité pour multiplier la chaleur qui s’y trouve. Bien que plus onéreuses, elles sont toutefois nettement plus puissantes et peuvent produire des températures allant jusqu’à 200 °C à moindre coût.

La chaleur industrielle inférieure à 200 °C est généralement utilisée pour produire de la vapeur, comme dans l’industrie chimique, ou pour le processus de séchage dans la fabrication du papier par exemple.

Le fournisseur italien Turboden installe actuellement une pompe à chaleur de 12 MW pour un producteur de pâte et de papier en Finlande. Cet équipement devra permettre d’élever la température de la chaleur récupérée issue des gaz d’échappement de l’usine, qui est à 100 °C, jusqu’à 170 °C.

Le potentiel et les défis des pompes à chaleur

Jusqu’à présent, Bruxelles a concentré une grande partie de ses initiatives de décarbonation industrielle sur la production et l’utilisation de l’hydrogène, un gaz décarboné. Cette technologie est beaucoup mieux adaptée à la production de températures plus élevées, qui représentent les 63 % restants de la demande de chaleur industrielle.

Malheureusement, les grandes pompes à chaleur industrielles et domestiques ne reçoivent pas la même attention, et un plan d’action annoncé précédemment par l’exécutif de l’UE a été retiré de l’agenda de la Commission en décembre dernier.

« Les pompes à chaleur industrielles rencontrent encore des difficultés économiques », explique Jan Rosenow, expert en la matière et directeur du groupe de réflexion sur les énergies propres Regulatory Assistance Project (RAP) en Europe. Selon lui, ce manque de succès est principalement dû aux « faibles prix du gaz et les coûts d’investissement élevés » que nécessitent les pompes à chaleur.

Si la génération de chaleur au moyen de grandes pompes à chaleur peut s’avérer moins coûteuse que la production à partir de combustibles fossiles, les coûts d’investissement initiaux dans cette technologie ont tendance à être plus élevés.

Andrea Magalini, directeur général de la division chaleur de Turboden, reste toutefois optimiste.

Lors d’une conférence de presse au siège de l’entreprise à Brescia, en Italie, M. Magalini a exprimé son anticipation d’une « une évolution positive du marché des pompes à chaleur au cours des 10 prochaines années ».

Le marché mondial des pompes à chaleur industrielles pourrait croître de 15 % par an pour atteindre 40 milliards de dollars d’ici à 2030, a-t-il ajouté.

Les experts soulignent que la crise énergétique européenne et la pression croissante en faveur de la décarbonation sont à l’origine de l’augmentation soudaine de la demande de grandes pompes à chaleur. Le client finlandais de Turboden espère par exemple que cet investissement lui permettra de réduire sa dépendance au gaz russe.

Turboden cherche à s’emparer d’une petite part de ce marché. Selon son PDG Paolo Bertuzzi, l’objectif de l’entreprise est d’augmenter son chiffre d’affaires annuel de 120 millions d’euros à 200 millions d’euros d’ici 2026, essentiellement en accroissant ses ventes de pompes à chaleur, un produit que l’entreprise a commencé à proposer à partir de 2019 seulement.

L’entreprise se trouve de plus en plus dépassée par la demande du marché. « Nos clients nous demandent des solutions, mais nous n’avons pas encore eu l’occasion de faire des essais », explique-t-il.

Toutefois, M. Magalini se montre plus optimiste que son patron, mettant en avant le potentiel immense du marché. Il prévoit déjà la vente de dix grandes pompes à chaleur par an, chacune d’une capacité minimale de 5 MW — la plupart d’entre elles étant parfaitement adaptées aux spécifications du client.

D’autres entreprises européennes saisissent également leur chance sur ce marché en pleine croissance. Les géants allemands Siemens Energy et Maschinenfabrik Augsburg-Nürnberg (MAN) dominent le marché. Siemens a récemment signé un contrat avec Heineken pour équiper ses brasseries de 15 grandes pompes à chaleur d’ici à 2025.

La Commission européenne reporte son plan d’action « pompes à chaleur »

La Commission européenne a reporté à plus tard l’élaboration d’un plan d’action visant à stimuler le marché des pompes à chaleur, une décision qui risque de déclarer considérablement la présentation d’une initiative, peut-être au-delà des élections européennes de juin 2024.

Trois secteurs à l’origine de la demande

Outre les processus industriels, deux autres secteurs clés suscitent l’intérêt pour la génération de chaleur décarbonée, explique M. Bertuzzi.

Tout d’abord, le chauffage centralisé pour les quartiers résidentiels. MAN construit actuellement un énorme projet de 50 MW destiné à chauffer 25 000 foyers dans la ville danoise d’Esbjerg. Le projet utilisera l’eau de mer comme source de chaleur locale, avant d’augmenter les températures de l’eau à envoyer dans les maisons.

Deuxièmement, la technologie du captage du carbone nécessite l’utilisation de chaleur décarbonée. Bien que les projets de captage du carbone ne sont pas encore déployés à grande échelle, les pompes à chaleur joueront un rôle clé en fournissant la vapeur nécessaire à l’amorçage des réactions chimiques cruciales dans ces processus.

Un secteur ambitieux

« Je ne sais pas si le coup d’envoi du marché des grandes pompes à chaleur sera donné en 2024, mais les appels d’offres existent bel et bien », a affirmé le PDG de Turboden, ajoutant que les services publics constituent actuellement la principale clientèle puisqu’ils ont la capacité d’investir les fonds provenant du plan de relance économique européen.

Les pompes à chaleur sont en voie de devenir un élément courant dans nos usines et nos maisons. Preuve en est que les salons professionnels du secteur, tels que le symposium de Copenhague sur les pompes à chaleur à haute température, ont vu leur fréquentation augmenter de 400 % au cours des dernières années.

De plus en plus d’opportunités se présentent également aux fabricants de pompes à chaleur à mesure que les gouvernements nationaux avancent des fonds pour verdir leurs industries. En Allemagne par exemple, une nouvelle vente aux enchères de contrats d’écart compensatoire lancée par le gouvernement au début du mois permettra d’attribuer 4 milliards d’euros à des entreprises qui souhaitent opérer leur décarbonation, puis 19 milliards d’euros lors d’une deuxième série de ventes à l’automne.

Les entreprises papetières et l’industrie chimique pourraient tirer leur épingle du jeu lors de ces enchères, car elles représentent une grande partie de la demande allemande en chaleur industrielle à basse température.

Même si des défis persistent, l’avenir semble prometteur pour les grandes pompes à chaleur.

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[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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