Cinquante ans après sa mort, l'empreinte de Marcel Pagnol est encore bien présente en Vaucluse

“De mourir, ça ne me fait rien. Mais ça me fait de la peine de quitter la vie”, écrivait-il. Il y a 50 ans jour pour jour, Marcel Pagnol n'était plus. L'auteur provençal de classiques tels que La gloire de mon père, Le château de ma mère, ou encore L'eau des collines, est mort le 18 avril 1974. En Vaucluse, son nom résonne évidemment toujours.

De nombreux films adaptés de ses romans ont été tournés dans le département. C'est le cas notamment de Grambois ou Mirabeau dans le Luberon. Et même un demi-siècle après sa mort, Marcel Pagnol a laissé une trace qui semble indélébile dans ces villages, et dans l'esprit de leurs habitants.

"La gloire de mon père" tourné à Grambois en 1990

Grambois a par exemple servi de décor pour La gloire de mon père d'Yves Robert en 1990. Un tournage qui a marqué les habitants, nombre d'entre eux ont même été figurants à l'époque.

Louis, ou Loul' comme tout le monde l'appelait dans le village, n'est plus là pour nous raconter sa courte expérience d'acteur. Mais Jany, sa femme qui a aujourd'hui 90 ans, s'en rappelle très bien. À la base, Loul' n'était pas prévu au casting, mais on a eu besoin de lui pour la scène de la mythique partie de pétanque, parce que pendant le tournage, personne n'arrivait à faire le carreau parfait.

"On est venu le chercher parce qu'il était président des boules, pour tirer ce fameux tir de boules, se remémore Jany. Il attrapait à chaque fois, mais la boule ne partait pas où il fallait qu'elle aille !" Il a donc fallu refaire la scène des dizaines de fois jusqu'à obtenir le coup parfait.

Une expérience que Loul' n'a pas vraiment aimé sur le moment. "Ça a été trop long. Il devait partir travailler, il ne s'était pas reposé, se souvient Jany. Bref, ça n'allait plus !" D'autant que dans le film, on ne voit jamais son visage. "On ne le voit pas, on voit sa main qui tire la boule, mais c'était un monsieur qui faisait partie du film qui devait tirer la boule, explique Jany. Je ne sais même pas la somme qu'on a dû lui donner pour ça, j'en sais rien. Je sais pas si on l'a payé !" Avec le recul, Loul', comme tous les autres habitants de Grambois, était fier d'avoir apporté sa contribution à ce film devenu incontournable dans le cinéma français.

"Le temps des secrets", quelques années plus tard

D'autres adaptations de Pagnol ont aussi été tournées dans le village dans les années qui ont suivi. Notamment en 2020 avec le film Le temps des secrets de Christophe Barratier. Là aussi, les riverains ont été mis à contribution. C'est le cas de William Tondut. "Il y a énormément d'habitants qui ont joué le jeu et qui ont participé au casting, et on a été, je crois, pas loin de 100 habitants du village à participer, détaille-t-il. J'ai été figurant, mon épouse a été figurante et deux de nos quatre enfants ont été figurants aussi, donc on les voit apparaître dans le film."

William se souvient très bien de ces heures à attendre, à faire et refaire les mêmes gestes face à la caméra. Une expérience qu'il n'oubliera pas. "C'était quand même assez intense, mais c'était hyper intéressant, se rappelle-t-il. Et c'était d'autant plus intéressant, que ça a été tourné chez nous, qu'on connaissait la plupart des figurants. Il y avait ce côté quand même sympa et historique aussi parce qu'on n'accueille pas de tournages tous les jours."

"Manon des sources", à Mirabeau

À quelques kilomètres, le village de Mirabeau a aussi connu la joie d'accueillir l'œuvre de Pagnol. En 1985, la commune a vu débarquer les équipes de tournage des films Manon des sources et de Jean de Florette. Mais alors aujourd'hui, en 2024, cinquante ans après la mort de l'écrivain, que reste-t-il de Pagnol dans le village ? Réponse du maire, Robert Tchobdrenovitch : "Ce qui reste de cette histoire-là, c'est la fontaine avec la statue de Manon que nous avait fait ériger  Jacques Mancardi, décrit l'élu. Pagnol, on pense à lui sans arrêt : notre fontaine ne coule plus, donc c'est la faute à Manon ! On n'en sait rien, mais toujours est-il qu'on a plus d'eau à notre fontaine !"

Ce qui reste de Pagnol à Mirabeau, c'est aussi l'ensemble des souvenirs que ses administrés gardent. "Ils arborent leurs albums dès qu'on a l'occasion d'en discuter", raconte le maire. À l'image d'Annie, l'ancienne gérante du café de la Fontaine. Elle nous sort ses photos souvenirs comme elle le faisait auprès des touristes avant sa retraite. Elle raconte Pagnol pour ne pas qu'on oublie la place que l'écrivain a dans le cœur des habitants de Mirabeau. Depuis sa retraite, elle craint que cette mémoire ne finisse par s'effacer. Mais ce jour n'est visiblement pas prêt d'arriver. "De mourir, ça ne me fait rien. Mais ça me fait de la peine de quitter la vie."