"La nostalgie des années 70" par Eric Fottorino

Photo prise le 1er juillet 1967 de la grande affluence des automobiles sur l'autoroute du sud à la sortie de Paris au premier jour des vacances d'été. ©AFP - Archives
Photo prise le 1er juillet 1967 de la grande affluence des automobiles sur l'autoroute du sud à la sortie de Paris au premier jour des vacances d'été. ©AFP - Archives
Photo prise le 1er juillet 1967 de la grande affluence des automobiles sur l'autoroute du sud à la sortie de Paris au premier jour des vacances d'été. ©AFP - Archives
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C'est la France, le rendez-vous du 13-14, est comme tous les mercredis, avec le regard d'Eric Fottorino du 1 Hebdo pour parler de cette France qui change sans qu'on s'en rende compte.

Avec

Une chronique en partenariat avec le 1 Hebdo .

Aujourd’hui une France qui voudrait ne pas avoir changé et cultive la nostalgie des années 70...

Ce n’est pas moi qui le dis, cher Jérôme, mais les différents auteurs et parfois témoins que nous avons interrogés cette semaine dans le 1 Hebdo. La journaliste et ancienne présidente de Radio France Michèle Cotta voit en Pompidou l’homme des contradictions heureuses. L’économiste Elie Cohen lui attribue l’âge d’or de la politique industrielle française, y associant le Général dans ce qu’il appelle le Gaullo-Pompidolisme. Et le dirigeant d’Ipsos et politologue Brice Teinturier parle de cette période d'une parenthèse enchantée du pompidolisme. Ajoutant que la France d’aujourd’hui, angoissée, repliée, fracturée, fatiguée, est le miroir inversé de cette France pompidolienne regrettée.

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Les Français en général de sont d’ailleurs pas le seuls à vibrer de nostalgie pour cette époque, y compris d’ailleurs les jeunes trentenaires ou quadra qui ne l’ont pas connue. Les ¾ d’entre eux adhèrent à cette mémoire des Trente Glorieuses. Nombre de dirigeants politiques cultivent aussi ce regret pompidolien comme une référence. Je ne parle pas de Nicolas Sarkozy, de François Hollande ou d’Emmanuel Macron qui ont vu en Pompidou soit l’inventeur de la présidence normale après le Général, soit un réformateur infatigable. Dans le vivier politique de la droite, ils sont nombreux, de Laurent Wauquier à Edouard Philippe, en passant par Xavier Bertrand, ou le maire LR de Cannes David Lisnard, ou encore le député LR du Lot Aurélien Pradié, à vanter les grandeurs et richesses du Pompidolisme.

Lequel Aurélien Pradié est né 12 ans après la mort de Georges Pompidou…mais passons…que regrettent au fond les Français de cette époque ?

Au-delà de la croissance et du plein emploi, de l’idée que la France était véritablement un pays souverain – c’était avant les élargissements de l’Europe et la mondialisation – disons qu’ils regrettent une certaine douceur de vivre, en ville comme à la campagne. Et une consommation décomplexée, sans culpabilité due à notre empreinte carbone. Prenons l’exemple de la bagnole, que Pompidou disait aimer bien avant Macron. Il roulait dans une Porsche d’occasion, la Porsche tranquille, si vous voulez. Les modèles en vogue sortaient de chez Citroën, la fameuse DS présidentielle ou la populaire deudeuche, ou de chez Renault, avec la R16 et son hayon, ou la R5, apparue en 1972, qui plaisait aux jeunes et aux femmes. Conduire était encore un signe de liberté individuelle, avant les chocs pétroliers qui ont conduit à moins d’insouciance vu la flambée des prix à la pompe. Et la bagnole fait bien moins rêver : on enregistre une baisse de 20% des ventes de voitures neuves depuis l’épidémie de Covid.

Alors cette nostalgie n’est-elle qu’un heureux souvenir ou nous donne-t-elle des pistes pour demain ?

D’un point de vue économique, elle n’est en effet qu’un souvenir, car l’heure n’est plus à construire de grands champions ou monopoles nationaux comme le furent en leur temps Péchiney, la Cie Générale d’Électricité ou Rhône Poulenc. Les règles de la concurrence font qu’on ne pense qu’à l’échelon européen, ce qui condamne la notion de grandeur nationale.

Ce sont en revanche les écrits de Pompidou, en particulier son livre visionnaire le Nœud Gordien, qui nous alertent. L’ancien président fait un éloge de l’humanisme attendu d’un président, en pourfendant ce qu’il appelle « l’absentéisme du cœur ». Et il craint qu’un jour ce nœud gordien, les blocages de la société française, ne soient tranchés par un homme fort et casqué. Le fascisme, écrit-il alors, est plus près de nous que le totalitarisme communiste. A méditer.

Et c’est donc  à la UNE du 1 Hebdo ce mercredi.

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