Santé mentale

Grossophobie: «Il y a une méconnaissance et une incompréhension de l'obésité dans le milieu médical»

De nombreux patients renoncent à consulter un médecin, de peur d'être jugés sur leur poids.

© Igor Alecsander / Istock

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Par RTBF TENDANCE avec AFP


 

Une patiente consulte pour une douleur au genou. Elle a une tumeur osseuse mais le médecin qui la reçoit va mettre sa douleur sur le compte de son poids. "Vous avez mal au dos? Peut-être devriez-vous commencer un régime", s'entend dire un autre patient. D'autres encore se voient reprocher la difficulté à réaliser un examen médical, comme une prise de tension ou une échographie, sous prétexte qu'ils sont "trop gros". Ces attitudes discriminatoires à l'encontre des personnes obèses portent un nom: la grossophobie. Et dans ce cas précis, la grossophie en milieu médical

En France, la grossophobie a été dénoncée par des militantes telles que Daria Marx, co-fondatrice du collectif Gras Politique ou de Gabrielle Deydier, qui a inspiré l'histoire du téléfilm "Moi Grosse" de Murielle Magellan.

Ce phénomène s'illustre au-delà des frontières de l'Hexagone: une étude publiée en 2015 dans le British Journal of Obesity, a montré que les médecins voient leurs patients obèses comme "moins responsables" et "plus agaçants" que les autres patients.
 

"ll y a un certain dégoût envers les gens gros. L'obésité est le parent pauvre de la médecine. Elle est souvent perçue comme un problème de volonté et non comme une maladie", déplore Sylvie Benkemoun, psychologue clinicienne et présidente de l'association Gros.

Sur les réseaux sociaux, les témoignages de victimes de grossophobie médicale se multiplient.

Les conséquences de la grossophobie médicale, c'est par exemple: avoir très mal, savoir qu'il faut absolument voir un médecin, que ça ne passera pas seul, que ça risque d'empirer, et être absolument tétanisé à l'idée d'appeler pour prendre rendez-vous et le voir.

 

"Un patient sur deux pleure lors de la consultation"

"Tous les médecins ne sont pas grossophobes. Mais c'est vrai qu'il y a une méconnaissance et une incompréhension de l'obésité dans le milieu médical, qui engendrent des préjugés et des stéréotypes selon lesquels une personne obèse mange trop et/ou mal et ne fait pas d'activité physique. Or l'obésité est une pathologie très complexe, que l'on ne peut pas résumer à l'assiette", explique le Dr Gauthier, membre du collège scientifique de la Fondation Ramsay Générale de Santé et médecin nutritionniste à l'Hôpital privé Dijon-Bourgogne.

Ces consultations sont souvent vécues comme des expériences traumatisantes, à tel point que certains renoncent à se rendre chez d'autres médecins, de peur d'être à nouveau jugés.

"Derrière l'obésité, se cache une souffrance terrible, à la fois physique et mentale. Un patient sur deux pleure dans mon cabinet lors de la première consultation", observe le Dr Gauthier. Lutter contre ce phénomène s'avère d'autant plus difficile que la prise en charge psychologique de ces patients reste très peu abordée dans les facultés de médecine.

 

Pour Sylvie Benkemoun, briser le tabou contribue tout de même à faire bouger les lignes: "Avant que l'on dénonce la grossophobie médicale, il y avait une sorte d'impunité, un sentiment de toute-puissance des médecins. Maintenant, on commence à dire ce qui se passe dans les cabinets, ce qui aide à la prise de conscience. Il y a toutefois un inconfort de la part des praticiens, qui n'osent plus appeler les choses par leur nom et aborder l'obésité. Je pense qu'il faut aider les professionnels dans ce domaine, sans pour autant éclipser le phénomène de grossophobie", estime la psychologue. 

Le Dr Gauthier reste quant à lui optimiste: "Il y a encore beaucoup de jugement mais je vois, lors de mes échanges avec mes confrères, que l'on progresse peu à peu. Je pense que les mentalités évoluent dans le bon sens, même si cela prendra probablement du temps".

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