Faut-il forcément cultiver la bonne humeur ?

Comment cultiver sa bonne humeur, c’est la gageure en ces années 2020. Une époque marquée par une crise sanitaire qui a causé dépression et anxiété, la guerre en Ukraine, les risques de conflits avec la Russie, le dérèglement climatique qui s’accélère, la fièvre inflationniste, le repli identitaire…

Bref, les raisons d’être de bonne humeur se font rare… Mais qu’est-ce qu’être de bonne humeur ? Est-ce un trait de caractère ou un filtre rose sur une réalité entre gris clair et gris foncé ? Etre de bonne humeur, est-ce la même chose que d’être gai ou joyeux ? Rire est-il l’un des piliers de la bonne humeur ?

Nous verrons également ce qu’est l’humeur, forcément variable comme la météo, au cours d’une même journée. Et puis nous nous demanderons s’il faut forcément se forcer à cultiver la bonne humeur.

Une émission en partenariat avec Philosophie Magazine.

Avec

Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef de Philosophie magazine, agrégé et docteur en philosophie. Philosophie Magazine, n°178, Avril 2024 : « Comment cultiver la bonne humeur ? ».

Pr. Michel Lejoyeux : médecin psychiatre à l’hôpital Bichat à Paris, professeur de psychiatrie, d’addictologie et de psychologie à l’université Paris Cité. Auteur de En bonne santé avec Montaigne (Le livre de Poche, 2023) ; Les 4 saisons de la bonne humeur (Le Livre de Poche, 2018)

Olivia Gazalé, philosophe, essayiste, maîtresse de conférences et co-fondatrice des « Mardis de la philo », auteure de Le paradoxe du rire (Seghers, 2024)

Frédéric Schiffter, philosophe et écrivain. Auteur de Rétrecissement (Le Cherche Midi, 2023).

Plutôt que le bonheur, cultiver la bonne humeur pour préserver sa santé

La bonne humeur, le sourire, le rire permettent de voir la vie en rose, et nos quatre intervenants sont formels : elle va de pair avec la médecine.

D'ailleurs, il faudrait préférer l'état de bonne humeur à la recherche du bonheur absolu, qui lui est impossible à atteindre. En réalité, ce n'est pas le bonheur qui nous rend en bonne santé, mais bien la bonne humeur, explique le médecin psychiatre Michel Lejoyeux. Cultiver la bonne humeur pour contrer le plus possible la mauvaise humeur, néfaste pour notre santé : "quand vous êtes de mauvaise humeur, votre cœur s'accélère, vous respirez plus fort, vous augmentez votre risque de maladies cardiovasculaires et auto-immunes. La mauvaise humeur conduit l'organisme à produire davantage d'hormones, comme le cortisol, comme l'adrénaline, qui sont délétères pour notre santé à moyen et à long terme et qui créent du stress chronique."

Si pourtant la bonne humeur semble beaucoup moins grandiose dans notre imaginaire que le bonheur ou la joie, si les philosophes se sont beaucoup plus concentrés sur le bonheur en essayant de donner des définitions, pour que ça dure plus longtemps, la bonne humeur est essentielle selon le journaliste Michel Eltchaninoff : "Alors que la bonne humeur nous semble plus vaporeuse et impressionniste, dans notre quotidien elle est essentielle. Cultiver la bonne humeur en ces temps de crises permet de préserver notre santé physique et psychique. C'est une manière de transformer le tragique en quelque chose d'un peu plus léger et de le rendre un peu plus supportable les passions tristes. La bonne humeur est une légèreté lumineuse à cultiver sur le long terme sans ne jamais laisser s'installer la mauvaise humeur".

Pas de bonne humeur sans rire !

Sans blagues ! Assènent les quatre intervenants, tant le rire et la bonne humeur permettent ensemble de cultiver une légèreté de l'âme très salutaire pour notre vitalité et notre état de santé en général. Le rire permet de déconstruire le désespoir. Cultiver la bonne humeur permettrait ainsi de détourner les effets néfastes de la mauvaise humeur et de ne pas sombrer dans la dépression.

La philosophe Olivia Gazalé, consacre un passage de son livre "Le paradoxe du rire" au corps riant, à cette onde de plaisir qui révolutionne notre être (et notre santé !). Elle se demande comment expliquer qu'un stimulus anodin puisse avoir un tel retentissement organique sur notre bonne humeur, sur notre santé, et nous apprend que les liens entre le rire et les soubresauts du corps offrent une magnifique vertu : "Freud explique bien cette transformation de l'émotion négative métabolisée dans les secousses jouissives de l'hilarité. Laquelle a des vertus thérapeutiques exceptionnelles. Le rire est bon pour tout, pour la santé, pour la circulation sanguine, pour le cœur, pour les poumons, pour le cerveau, pour les muscles, pour la digestion, pour la pression artérielle, le sommeil et la longévité. Le rire favorise la libération dans le cerveau des hormones du plaisir. Le rire permet ensuite de créer des liens de sympathie et d'être heureux socialement."

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