La Corée du Sud, leader du recyclage de batteries, regarde vers l’Europe

Un petit coup de pouce. C’est ce qu’a promis en février la Banque européenne d’investissement (BEI) au recycleur de batteries belge Umicore avec un prêt de 350 millions d’euros. De quoi aider l’industriel à s’étendre. Mais le secteur reste encore à ses balbutiements en Europe, alors que les rivaux sud-coréens s’installent d’ores et déjà sur le marché du Vieux continent.

La Corée du Sud est déjà l’un des principaux fabricants de batteries au monde avec LG Energy ou encore Samsung SDI. Si elle les produit, elle est également championne de leur recyclage. Depuis plus d’une décennie, le gouvernement et les entrepreneurs locaux travaillent de concert pour conserver leur avance sur leurs concurrents. Un système bien huilé et parfaitement gardé qui a fait ses preuves dans le pays.

A Siheung, dans la banlieue industrielle de la capitale Séoul, Ryu Chang-Lyul dirige une société publique de collecte de batteries usagées. Le gouvernement sud-coréen participe directement à cette nouvelle industrie où il a investi, en 2023, 25 milliards de dollars pour développer la recherche. «Nous avons six sites comme celui-ci à travers le pays, explique le responsable. Nous recueillons les batteries en fin de vie et nous évaluons si elles peuvent être recyclées ou remployées dans d’autres produits.»

Depuis sa création en 2022, le site de Siheung a reçu plus d’un millier de batteries. Si celles-ci ont une capacité de charge de plus de 60%, elles sont réutilisées dans d’autres produits comme des vélos électriques. «Dans le cas contraire, nous les présentons aux enchères et les entreprises privées de recyclage viennent les récupérer», poursuit Ryu Chang-Lyul. Les deux tiers des batteries testées ici sont ainsi envoyés au recyclage.

Au-delà de sa participation dans le secteur, le gouvernement sud-coréen a développé le système Allbaro qui permet chaque année le suivi de 128 millions de tonnes de déchets. Pour les batteries, ce système se décline spécifiquement avec la mise en place prochaine d’un «passeport» pour mieux suivre les mouvements des batteries au cours de leur vie.

Industrie stratégique

Après l’achat d’une batterie auprès d’une société publique, ou bien de sa collecte par le secteur privé, vient le recyclage. Au sud du pays, dans la zone industrielle de Gunsan, s’est établi depuis 2008 l’un des leaders mondiaux de la récupération de batterie, Sungeel Hitech. Park Hyosun a ouvert exclusivement les portes de l’usine dont il est responsable et dont les secrets technologiques sont bien gardés.

Chaque année, son entreprise récupère 75000 tonnes de batteries usagées. «Elles sont vidées de leur électricité dans un bain d’eau salée, puis démontées et enfin broyées pour en faire une poudre noire», explique-t-il. Cette poudre noire, la fameuse black mass, est composée de tous les minéraux précieux qui font une batterie comme le cobalt, le nickel ou le lithium. Chaque minerai est ensuite liquéfié et séparé par un procédé chimique confidentiel. Le recyclage des batteries est en effet une industrie stratégique pour la Corée du Sud.

La méthode utilisée par Sungeel Hitech a d’ailleurs été conçue en coopération avec le gouvernement, via l’Institut de géoscience du pays. L’entreprise parvient à récupérer 95% des minerais d’une batterie pour les réutiliser. «Pour l’heure, atteindre les 100% est physiquement impossible, mais nous travaillons à nous en rapprocher du mieux qu’on peut», avance Park Hyosun.

Compétition internationale

Chaque année, l’industrie recycle suffisamment de minerai pour produire l’équivalent de 400000 véhicules électriques. Un véritable avantage pour les entrepreneurs coréens dans la compétition internationale. Le gouvernement l’a bien compris et a d’ores et déjà créé une certification de qualité pour répondre aux exigences européennes en la matière. En 2030, les matériaux des batteries utilisées en Europe devront en effet être recyclés à 16% pour le cobalt, 85% pour le plomb, 6% pour le lithium et 6% pour le nickel.

«Le gouvernement nous aide à conquérir le marché européen et c’est une bonne chose» applaudit Lim Ji-Woo, PDG de POSCO-HY. Dans ce marché en expansion, les sud-coréens ne comptent pas s’arrêter à leurs frontières. Sungeel Hitech compte d’ores et déjà deux sites en Hongrie, un en Pologne et regarde désormais vers l’Espagne et l’Allemagne.

«Le marché européen semble prometteur même s’il y a moins de véhicules, mais nous souhaitons travailler directement avec les constructeurs locaux», avance Park Hyosun. D’autres entreprises sud-coréennes ont emboîté le pas avec la ferme intention de s’imposer face aux jeunes industries européennes.