“Influence(s)”, la série sur les dessous et la face cachée des influenceurs : “On peut aller parfois jusqu’à 100 000 € le post”
Bienvenue dans les coulisses de We are Influence, l’agence d’influenceurs au potentiel international créée par Diego El Glaoui, le compagnon de Miss Univers Iris Mittenaere. Avec un réalisateur belge à la barre de cette série-réalité diffusée sur Tipik : “Je n’ai pas fait un “Complément d’enquête” à charge, mais un documentaire de divertissement sur l’envers du décor “. Interview.
- Publié le 09-04-2024 à 15h53
- Mis à jour le 09-04-2024 à 16h08
“Quand je travaillais chez Franco Dragone, j’avais lancé, avec l’équipe, le festival de documentaires 5 sur 5, nous confie Gilles Morin, coréalisateur de la série documentaire Influence(s), avec David Amouzegh, dont les trois derniers épisodes sur l’envers du décor du milieu sont diffusés ce mardi soir sur Tipik (et la totalité toujours visible sur Auvio). Et on avait invité cinq réalisateurs des cinq continents à venir tourner un film ayant pour décor la ville de La Louvière. Je pense que mon envie de réaliser a un peu démarré là, même si j’ai toujours été un fan de documentaires.”
Créateur du Kings of Comedy de Bruxelles et ancien Vice-président de la société québécoise “Juste pour rire”, le producteur belge (The Old Kidz) est récemment passé derrière la caméra. Avec notamment un documentaire sur le golf pour Canal + (Au-delà du green), sa coécriture d’un biopic sur Eddy Merckx, les coulisses de l’équipe numéro un mondial de cyclisme en suivant Tadej Pogačar ou encore ce projet Influence(s) pour Amazon Prime Video racheté par la RTBF. “J’ai vraiment envie d’essayer de raconter des choses avec des codes différents, alliant codes de la fiction et codes esthétiques. C’est assez génial de participer aux débuts d’un format.” Et il se défend des critiques sur sa série-réalité qui dépeint un puissant canal de communication. “Je n’ai pas fait un Complément d’enquête à charge mais un documentaire de divertissement, avec plusieurs niveaux de lecteurs, sur l’envers du décor”.
Justement, qu’avez-vous voulu raconter avec Influence(s) ?
“C’est un projet qu’on a porté avec mon associé chez Old Kidz, Arnaud Chautard. On avait une possibilité de faire quelque chose sur l’agence 'We are influence', avec un accès total, car on connaissait bien Kenza Sadoun El Glaoui, la sœur de Diego (cofonfateur de l'agence avec son amie Virginie Godin Berthet, Ndlr.), une des premières blogueuse française et pionnière de l'influence. On a soumis le projet à Amazon et il y avait un vrai intérêt de leur part, avec un cahier des charges. Au départ, ils voulaient faire du pur documentaire. Et puis, petit à petit, ils ont un peu changé leurs perspectives car il y avait une histoire humaine à raconter. De jolis personnages. On est donc allé dans un format un peu hybride, qui ne ressemble pas à de la téléréalité, mais bien plus 'premium', qui ressemble à ce qu’on appelle dans le jargon du 'unscripted'. C’était ça un peu le gros enjeu. On était dans un cadre assez restrictif, avec l’envie de m’adresser au plus grand nombre pour expliciter ce phénomène et business qu’est le nouveau métier d’influenceur et même d’agent influenceur. Pas une seule seconde on se dit que c’est un métier ou une véritable industrie.”
Surtout après les scandales des influvoleurs -arnaques de promotions de produits sur les réseaux sociaux- dénoncés par Booba, etc.
“Une vraie polémique. Il y a tout simplement une sorte de darwinisme naturel qui est en train de s’enclencher. Pendant quelques années, c’était une espèce de chasse au trésor et, certainement, il y avait beaucoup d’argent à prendre. Il y a donc des escrocs qui se sont mis sur le truc et qui auront pris sans doute une grosse partie du chiffre d’affaires. Résultat ? Ils ont donné une image désastreuse à ce métier qui était en train de se structurer. Je crois que le tri est en train de se faire. C’est une industrie comme une autre, qui est en train de se structurer petit à petit, avec de nouvelles règles et de nouvelles lois. Le monde politique, via le dropshipping (un système tripartite, où le vendeur accepte la commande du client sans avoir le moindre stock du produit vendu, NdlR.) a commencé seulement à s’y intéresser il y a quelques mois. Le monde politique a pris conscience que ce n’était pas juste des zozos qui étaient en train de faire les zozos sur Instagram mais de vrais métiers qui brassent énormément de chiffre d’affaires. Quand tu apprends que de grandes maisons de mode mettaient 5 % de leur budget marketing dans le digital il y a 5 ans et, qu’aujourd’hui, on passe à 30, 40, voire 50 % de leurs budgets totaux consacrés autour des influenceurs… Ça donne une idée d’un monde qui change.”
Votre ressenti après avoir suivi ce milieu de l’intérieur ?
”J’ai appris que c’était un vrai métier. Que quand les gens font preuve de sérieux, il y a un vrai savoir-faire. C’est ce que dit Pia Wurtzbach, influenceuse aux plus de 14 millions d’abonnés : 'la demande de contenus qu’on a, il faut presque faire semblant que c’est Hollywood, alors que c’est fait avec notre téléphone'. Et je pense que c’est un vrai savoir-faire qui est en train de se développer. Après, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, je ne peux pas avoir un jugement moral à partir du moment où tu as des gamins qui sont sur leur téléphone H 24. Notre génération achetait un truc en fonction d’une pub que l’on voyait à la télé. Les jeunes d’aujourd’hui font confiance à des gens vivants et qui, d’une certaine façon, partagent un petit peu leurs valeurs. Du coup, quand ces gens parlent d’un produit ou qu’ils le mettent en situation, ils vont être un peu plus à l’écoute. Quand tu entends ça, il n’y a rien de plus logique. La pub d’aujourd’hui, c’est l’influence. Aujourd’hui, l’investissement qui est fait sur la pub, c’est au travers de gens qui donnent l’impression d’être des gens normaux, mais qui ont une vie pas comme les autres.”
Influenceur signifie responsabilité aussi, avec tous les jeunes qui veulent devenir influenceurs…
“Alors ça, oui, ça fait un peu peur, honnêtement. Je crains que cela donne un peu l’image qu’une fois qu’on a des followers, on capitalise sur ce nombre d’abonnés et je vais alors faire de l’argent facile. Tout va trop vite. Et cela donne l’image que l’on vit dans une société où pour gagner 20 000 balles par mois, c’est tout simple. Il suffit juste d’avoir une petite communauté, de faire le zozo sur sa page et voilà. Je pense que ce métier va continuer à exister mais que, petit à petit, il va y avoir un écrémage. Et le métier va se professionnaliser aussi.”
À un moment, Diego lance au second degré aux Maldives qu’il est “un shark parmi les sharks”. Avez-vous l’impression que l’influence est un milieu de requins ?
“Oui, quand même. On parle d’un métier qui brasse plus que ce que je ne pensais, en termes de chiffre d’affaires. Et on parle d’un marché qui est potentiellement immense. À partir du moment où il y a de la compétition, je ne vais pas dire que tous les coups sont permis, mais c’est un milieu dur, comme l’était le monde de la publicité il y a 20 ans.”
Quand Nabilla est sous-payée pour ses quatre posts à 39 000 euros
"Je n’en veux pas aux gens de penser que les influenceurs ne font rien, parce que jusqu’à preuve du contraire, personne ne leur a montré l’envers du décor, balance ainsi face caméra Diego El Glaoui. Mais pour créer une communauté, il faut se lever tôt !" La mission de We are Influence depuis 2016 ? “On reste leur agent : notre métier c’est de les vendre, de bien les vendre”, peut-on entendre de Diego El Glaoui, fondateur de l’agence d’influenceurs qui a désormais ses bureaux du côté de Dubaï, dans la série Influence(s). “On estime qu’un influenceur qui a un million de followers doit gagner un million d’euros par an.” Le ton est donné dans cette série docu où l’on apprend que l’influenceuse Nabilla est sous-payée pour ses quatre posts à 39 000 euros. “Et ça, c’est pour une petite marque, nous assure le réalisateur Gilles Morin. Sur de grosses marques, cela peut aller parfois jusqu’à 100 000 € le post ! C’est malade.”
Avant de détailler la stratégie derrière ce genre de manœuvre financière. “À 100 000 euros le post, c’est avec un vrai brief. Il y a une vraie stratégie qui est mise en place entre la marque et les influenceurs, explique celui qui a eu accès à ces briefings de marques comme Starbucks. “Ce sont des gens qui ont des plans marketing sérieux. Ce n’est pas : 'fais-moi la promo d’une plancha pour le week-end'… c’est du sérieux ! Et c’est là où ce métier se professionnalise. Ces gars deviennent presque eux-mêmes une petite agence marketing.” Et de conclure. “C’est ce qui m’a un peu fasciné chez les influenceurs et leurs agents. Cette capacité à lire un brief, à le traduire dans un contenu et à activer sa propre communauté pour que ce contenu soit lu, apprécié, etc. En fait, c’est le boulot d’une agence de pub. Et ils font ça parfois tout seuls, avec juste un téléphone. Assez bluffant dans l’absolu !”