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Ces 10 albums de rupture vous donneront presque envie d’en vivre une

De Rumours à Stranger in the Alps, en passant par Lemonade ou Take Care, il y a un album pour chaque étape du processus de deuil d’une relation.
Ces 10 albums de rupture vous donneront presque envie den vivre une

L’ombre du regret qui plane sur Stranger in the Alps de Phoebe Bridgers, la nostalgie auto-tunée du Take Care de Drake… Les meilleurs albums de rupture pourraient presque vous donner envie d’en vivre une, pour le seul plaisir d’entrer en résonance avec les émotions déchirantes et grandioses qui les traversent. L’album de rupture est vraiment une forme d’art qui ne vieillira jamais.

Les musiciens aiment eux aussi l’exercice, puisque c’est un moyen parfait de connecter avec les auditeurs : on a tous connu une rupture un jour et eu l’impression, en entendant une chanson, qu’elle avait été écrite spécialement pour nous et décrivait au détail près notre histoire, notre amertume et nos amours manquées. Voici donc, pour tous les cœurs brisés, un classement des meilleurs albums de rupture de tous les temps. Préparez les mouchoirs.

10.Take Care de Drake (2011)

Avant de devenir une baby girl de 37 ans avec chignons sur les côtés, l’homme de Toronto a sorti l’un des meilleurs disques de rap des années 2010. Certes Take Care n’est pas un album de rupture classique : plutôt que se concentrer sur une personne, il crée une véritable fresque de la rupture, une mosaïque de vignettes qui disent tout des connexions superficielles, de ces coups de fils passés sous l’emprise de l’alcool qu’on regrettera le lendemain, de ces petites piques mesquines post-séparation, et de la recherche de l’oubli dans l’ivresse. “You love me, and I love you, and your heart hurts, mine does too”, rappe Drake d’un ton monocorde sur des notes de piano éparses et effondrées dans le monument de mélancolie qu’est “Look What You’ve Done”, un morceau qui saisit la moindre nuance du sentiment de perte. Même le titre de l’album évoque ces mots d’adieu vides de sens que l’on dit à un·e ex quand il ne reste plus rien à dire.

9. Stranger in the Alps de Phoebe Bridgers (2017)

A-t’on déjà entendu réplique plus acerbe que ce “Hey, why do you sing with an English accent ? I guess it's too late to change it now ?” Sur “Motion Sickness”– tiré du premier LP de Phoebe Bridgers, Stranger in the Alps, toujours l’album préféré des sad girls –, la Californienne se livre à l’autopsie au scalpel d’une relation passée, quand l’autre par cœur n’a plus pour vous le moindre secret, jusque dans ses plus gênantes faiblesses. Du lent déploiement acoustique de “Smoke Signals” à la rêverie mélodique de “Scott Street”, l’album décrit ce que l’on ressent après la rupture d’une relation dont on ne voulait même pas, mais qui nous manque quand même, et comment ces sentiments peuvent exister simultanément en nous (“I hate you for what you did, and I miss you like a little kid”).

8. Valentine de Snail Mail (2021)

Le deuxième album de Snail Mail, Valentine, documente toutes les étapes de l’amour – les tumultueux premiers mois (“Light Blue”), l’euphorie du sentiment amoureux à son apogée (“Glory”), puis la chute vertigineuse quand tout s’effondre. Sur “Forever (Sailing)”, enivrant joyau psychédélique, la voix brisée de Lindsey Jordan, accompagnée d’une entêtante guitare tout en retenue, s’adresse directement à son ex, se torture à l’imaginer avec une autre, et confesse qu’elle sera toujours là, quoi qu’il arrive : “Whatever you decide, I’ll chase you from the city to the sky / And I lose myself for you, a thousand times.”

7. Melodrama de Lorde (2017)

David Bowie called Ella Yelich-O’Connor “the future of music”, and quite rightly. Lorde's second album sees the singer at the centre of the action and sounding freer for it. At times it’s euphoric, like the opener, "Green Light", a lush and joyous ode to moving on.

Les années 2010 ont été une décennie en or pour les albums de rupture, comme le prouve à nouveau le Melodrama de Lorde, bouillonnant récit d’une histoire d’amour qui ne durera que le temps d’un été. Lorde n’a que 18 ans lorsqu’elle a écrit l’album, et ça s’entend – pour le meilleur. L’album transpire l’euphorie des premiers baisers sous le soleil, de la fête jusqu’au bout de la nuit, puis la découverte que, peut-être, votre crush n’était pas celui ou celle que vous imaginiez, et les souvenirs qui poissent comme de la crème solaire. Musicalement, c’est une réussite indiscutable. Du souffle grisant de “The Louvre” aux pulsations synthétiques de “Sober” en passant par les entêtants motifs électroniques de “Supercut”, c’est le son – co-produit par Jack Antonoff – d’une histoire dévorante et de l’inévitable gueule de bois qui la suit.

6. Jagged Little Pill d'Alanis Morissette (1995)

L’histoire : la jeune Alanis Morissette, 18 ans, sort pendant deux ans avec Dave Coulier, comédien de 33 ans (beurk), alors qu’elle écrit son premier album, Jagged Little Pill. Puis, patatra, c’est la séparation, qui va lui inspirer “You Oughta Know”, l’une des chansons de rupture les plus cinglantes de tous les temps, dans laquelle Alanis lance cette phrase immortelle : “And every time I scratch my nails down someone else's back, I hope you feel it ? Can you feel it ?” Elle racontait quelques années plus tard à Billboard que les mots s’étaient imposés à elle, comme dans une transe : “Je n’étais pas consciente de ce qui sortait de moi. Quand j’entrais dans la cabine, l’encre n’était même pas sèche, je chantais tout de suite. J’écoutais le lendemain et je ne me souvenais de rien.” Elle a depuis réfuté l’idée que la chanson parle de Coulier – pourquoi devrait-il en avoir le mérite après tout ? Quoi qu’il en soit, Jagged Little Pill est l’un des grands albums de rock alternatif des années 90 : brut, angoissé, parfois tendre, et cette voix qui traverse tout le spectre des émotions.

5. Body Talk de Robyn (2010)

Avec Body Talk, Robyn réussissait là où tant d’autres se sont cassés les dents, en parvenant à créer un album qui donne envie de danser toute la nuit malgré la douleur. Des papillonnantes paillettes de “Dancing on my Own” (en gros, le “Mr Brightside” queer) au néon électronique d’“Indestructible” en passant par la claque dance-pop lumineuse de “Call Your Girlfriend”, c’est un album d’alchimiste qui change la souffrance en plaisir, qui chante sa peine à tue-tête. Une peine de cœur ? “Fuck it, I’m going out” (Rien à foutre, je sors). Quand un morceau de Body Talk passe en club, les gens vrillent encore aujourd’hui. Désormais la Gen Z le découvre à son tour : checkez le mix Ethel Cain x Robyn sur TikTok.

4. Lemonade de Beyoncé (2016)

Lorsque Beyoncé a prétendument découvert que son mari Jay-Z l’avait trompée avec une certaine “Becky with the good hair”, elle ne s’est pas contentée d’en faire un album, mais carrément un film de 65 minutes. Le résultat ? Un tableau vivant et cinématographique de l’amour et de l’amertume, de l’infidélité et de la réconciliation, de la haine et de la tendresse. Sur “Don’t Hurt Yourself ft. Jack White”, où Bey est au comble de la fureur, elle crache “Who the fuck do you think I am / I smell that fragrance on your Louis knit, boy” sur des snares qui claquent et des basses sismiques. Plus loin, sur la tendre ballade au piano “Sandcastles”, elle tente de reconstruire (“And your heart is broken ’cause I walked away / Show me your scars and I won’t walk away”). Avec Lemonade, Beyoncé traverse les genres, les sentiments, les étapes de la perte et du retour à la vie, sur fond d’histoire de la communauté noire et politique raciale.

3. Blond de Frank Ocean (2016)

La même année que Lemonade débarquait un album de rupture d’un genre très différent : Blond, deuxième opus de Frank Ocean, disque expérimental et sensible, dans lequel le musicien R&B traite les histoires d’amour passées comme autant de beaux objets à chérir, à tenir soigneusement au creux de sa main. Blond est rempli de silences méditatifs, d’instrumentaux voilés et rêveurs et de vers poétiques comme le fameux “I thought that I was dreaming when you said you loved me” (sur “Ivy”) ou “Wish we grown up on the same advice, and our time was right” (sur “Self Control”). Comme tous les grands albums, Blond gagne en profondeur à chaque nouvelle écoute, jusqu’à ce que chaque mot, chaque son de guitare doux et vaporeux, chaque invention vocale improbable nous deviennent profondément intimes, gravés dans nos cœur et nos cerveaux.

2. Blue de Joni Mitchell (1971)

Vous ne pensiez quand même pas qu’on allait dresser une liste des meilleurs albums de rupture sans inclure le classique de Joni Mitchell, si ? Sur le bien nommé Blue, la chanteuse préférée de vos parents hippies prouve qu’on a pas besoin de grand-chose pour créer une œuvre bouleversante, unique, sublime : une voix, une écriture précise, des rythmes discrets, quelques notes de piano. Mieux, Joni Mitchell a sorti Blue à une époque où rares étaient les femmes qui écrivaient et produisaient leurs propres chansons. Elle y inaugurait aussi une pop sur le mode confessionnel, à laquelle beaucoup de ceux qui trustent les hit-parades aujourd’hui doivent énormément.

Écouter l’album est un peu comme feuilleter un journal intime, la voix dérive à travers les mélodies, les moments et les souvenirs. “Oh, I hate you some, I hate you some, I love you some, I love you when I forget about me”, chante-t-elle sur “All I want”. Ailleurs, sur “River”, elle pleure avec résignation un amour perdu, accompagnée d’un piano aux reflets profonds et chatoyants. Graham Nash – c’est de lui dont parle “River” – a déclaré un jour au Guardian : “‘River’ m’a rendu triste, puisqu’elle y parle de la fin de notre relation, mais aussi très heureux, car la chanson est très belle, et qu’elle a eu le courage d’y mettre son âme à nu.”

1. Rumours de Fleetwood Mac (1977)

“If you don’t love me now, you will never love me again / I can still hear you saying, you would never break the chain”, chantent à l’unisson les anciens amants Stevie Nicks et Lindsey Buckingham sur “The Chain”, septième chanson de leur septième album, Rumours, peut-être le morceau le plus amer, le plus accusateur et le plus déchirant jamais enregistré.

Rumours est tout ce qu’un album de rupture devrait être : bordélique, revanchard, vulnérable, débordant de haine et d’amour, et souvent tout ça à la fois. Peut-être car ils l’ont écrit, précisément, après leur rupture. De la douceur désarmante de “Dreams” à la descente de coke de “Go Your Own Way”, Rumours a souvent des airs de SMS trop sentimental (ou plutôt ici, de lettre) qu’on regrette immédiatement d’avoir envoyé à son ex. Imaginez que vous deviez l’entendre chanter nonchalamment “Loving you wasn’t the right thing to do” tous les soirs sur scène à vos côtés pendant, quoi, quatre ou cinq décennies ?

Initialement publié sur British GQ