Monsieur Mâlâ, et ses cinq garçons

• Monsieur Mâlâ à la Une. Robin Antunes, invité de Alex Dutilh
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« My name is Monsieur Mâlâ
I’m not a human, I’m a machine. »
Les paroles de Storyteller, qui introduisent le premier album de Monsieur Mâlâ, font office de présentation : le quintet est une machine dont la conception serait empirique et la production organique, capable de nous raconter des histoires au moyen de musiques instrumentales. Ses rouages ont pour noms Nicholas Vella (piano, Fender Rhodes, claviers), Swaéli Mbappé (basse, guitares), Yoann Danier (batterie), Robin Antunes (violon, mandoline) et Balthazar Naturel (saxophone, cor anglais, clarinettes, flûtes). Ces fortes personnalités, dont les complicités sont anciennes, sont tous des leaders ou des sidemen reconnus dans la sphère du jazz et de ses satellites. Leurs bagages techniques, leurs influences cosmopolites et leurs âmes voyageuses touillent une décoction de funk et de rock, de musiques africaines et caribéennes, tout en ingérant les nouvelles tendances urbaines et électroniques. Ni fusion ni métissage : Monsieur Mâlâ n’est que l’expression naturelle et assumée de cinq multi-instrumentistes composites.

L’histoire s’est écrite entre deux pôles, l’académisme des formations en conservatoire et la liberté des jams en club. Nicholas Vella, sicilien installé en France depuis une douzaine d’années, entré en 2012 au conservatoire à rayonnement régional de Paris, a accompagné Mayra Andrade, Paco Séry et Ibeyi. Mais sa première scène parisienne fut celle du Baiser Salé, rue des Lombards, déjà avec Swaéli Mbappé, un habitué des lieux puisqu’il y débuta à 15 ans. Enfant de la balle, passé par le saxophone et la batterie avant d’adopter l’instrument de son père, l’illustre bassiste Étienne Mbappé, Swaéli est devenu professionnel avec Blick Bassy avant d’accompagner Mamani Keita, Cheick Tidiane Seck et des artistes de variétés (Tal, Shy’m, Zaz).

C’est aussi durant les bœufs du Baiser Salé que la connexion s’est établie avec Yoann Danier. Bercé par les musiques antillaises en Guadeloupe, il s’est formé tardivement au jazz à l’école de batterie Dante Agostini de Toulouse et il a assuré, avec Swaéli, la rythmique de Mayra Andrade. Robin Antunes est un camarade de conservatoire. Grandi en banlieue parisienne, talent précoce pour qui une carrière de violoniste classique était toute tracée, il a choisi l’audace du jazz et l’école des jams nocturnes, jusqu’à signer des arrangements de cordes pour Jane Birkin ou Grand Corps Malade. Quant à Balthazar Naturel, après avoir tâté du hautbois classique et de la biologie en fac, il a assimilé les codes du bop lors d’un séjour new-yorkais, rejoint son père saxophoniste dans le big band du salsero Tito Puentes, et écumé les clubs de la capitale jusqu’à animer aujourd’hui son propre trio de free jazz.

Aussi étoffés soient-ils, les CV ne sont pas constitutifs d’un groupe. Mais l’amitié, la connivence, la complémentarité et une vision collective, oui. Dans le cas de Monsieur Mâlâ, la genèse plonge dans des discussions fomentées au conservatoire, entre Swaéli Mbappé et Nicholas Vella, sur un possible projet commun. Mais on en revient toujours au Baiser Salé. Ce soir-là, Étienne Mbappé se produit avec son septet The Prophets mais il doit composer avec plusieurs forfaits. Son fils Swaéli est présent et les remplaçants ont pour noms Nicholas Vella, Robin Antunes et Balthazar Naturel. Au sortir du concert, ces quatre-là sont convaincus du potentiel de leur réunion. Ne reste plus qu’à recruter un batteur, Mathieu Edward, auquel succédera plus tard Yoann Danier. L’acte de naissance date de 2018. Depuis, le quintet s’est constitué un répertoire original au moyen de compositions individuelles et d’arrangements communs, où s’entend sa volonté de communier avec le public qui a immédiatement adhéré au projet et rempli les salles avec un enthousiasme jamais démenti.

Deux EP très remarqués et une mention « Révélation » de Jazz Magazine ont accompagné l’ascension de Monsieur Mâlâ qui atteint aujourd’hui son orbite avec la sortie de son premier album, enregistré au RailRoad Studio (Boursay, Loir-et-Cher) puis mixé et masterisé par l’ingénieur du son Valentin Couineau, sixième des cinq membres du groupe.

Le quintet aime décrire son processus créatif comme une fabrique où rien n’est figé mais tout circule. Ce sentiment de fluidité prévaut sur un album comme aucun autre, qui ne pouvait qu’être titré Monsieur Mâlâ, un nom qui fait référence au chapelet utilisé pour la récitation des mantras. Pour accéder à cette transcendance, Monsieur Mâlâ enfourche des expériences de vie ou des bouleversements intimes, et les onze titres sont autant de mises à nu. C’est le sens en ouverture de Storyteller, le conteur d’histoires, une composition de Nicholas Vella dont le texte a été écrit par Lisa-Kaindé Díaz, la moitié du duo Ibeyi. Elle y introduit les cinq musiciens qui ne font qu’un seul Monsieur Mâlâ : « I am one body with many voices, and what I serve is the music we create as one. I am a Storyteller. »

Le globe-trotter Robin Antunes a ramené du Liban l’inspiration d’Al Fayhaa où la distorsion de son violon électrique raconte la nostalgie moyen-orientale pour les années 1950, Fairouz et Oum Kalthoum. Robin a également composé Ai de mim (Pauvre de moi), une chanson adressée à sa grand-mère portugaise, une poésie de Tota délicatement récitée par Eu.Clides et orchestrée avec mandoline, violon, cor anglais, guitare, claviers, batterie, etc. Premier single extrait de l’album, Fly Fly est un hommage irrésistible de Balthazar Naturel au samba-funk de Gilberto Gil, bien que son rythme tienne plutôt de l’afrobeat - Monsieur Mâlâ fuit les chemins balisés. Tricotée lors d’une improvisation collective sur un rythme de makossa camerounais, Little Ones est une ballade dont la douceur raconte que plusieurs des musiciens étaient alors de jeunes papas. La paternité est aussi à l’origine de Senza Paura (Sans peur) que Nicholas Vella composa avant la naissance de sa fille, comme une berceuse de bienvenue.

Autre fruit d’une improvisation collective, All My Life pose une ambiance soul-rap menaçante et striée de guitares, tandis qu’Anna Kova interprète son propre texte exprimant sa révolte face aux épreuves de la vie. Ramené du Brésil par Robin Antunes, Carnaval appartient depuis longtemps au répertoire de Monsieur Mâlâ et sa violente syncope invoque les souffrances de l’esclavage. Yoann Danier a baptisé Jose du nom de sa grand-mère pour laquelle il a composé cette mélodie poignante alors qu’elle était gravement malade. Quant à Swaéli Mbappé, il signe les deux derniers titres de l’album : Nguinya Mulema (La force du cœur), dont le thème afro-pop-rock en appelle au courage de chacun, et Ma Nyoue, surnom de sa mère, pour finir sur une note de tendresse.

Écriture et improvisation, charisme et interaction, chahut et quiétude, mais aussi groove, liesse, élévation, plénitude… Dans leur fabrique des sentiments, les cinq rouages façonnent la musique de leurs joies ou de leurs peines, sublimées par le collectif. Tantôt émouvant ou dansant, souvent les deux à la fois, Monsieur Mâlâ turbine comme une machine à histoires, dont les composants sont tout sauf des robots. Human after all.
(extrait du communiqué de presse)

Où écouter Monsieur Mâlâ

📍 A Paris (75) jeudi 25 avril à 20h30 au  New Morning
📍 A Londres (UK) vendredi 10 mai à 21h15 au  Ronnie Scott's
📍 A Ajaccio jeudi 23 mai au Théâtre de Verdure du Casone dans le cadre de Jazz in Aiacciu
📍 A Peillon (06) mercredi 29 juin dans le cadre du Peillon Jazz Festival

Balthazar Naturel (cor anglais, saxophone)
Robin Antunes (mandoline, violon)
Nicholas Vella (claviers)
Swaéli Mbappé (basse)
Yoann Danier (batterie)