La France épinglée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans une affaire d’antisémitisme

La CEDH a donné raison à une femme, victime d’injures et de menaces de mort, qui demandait à la justice française de retenir le caractère antisémite des propos menaçants dont elle avait été victime.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamnée jeudi la France pour le refus de ses juridictions de retenir le caractère antisémite de propos menaçants adressées à une femme.  (Illustration). AFP/Frederick FLORIN.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamnée jeudi la France pour le refus de ses juridictions de retenir le caractère antisémite de propos menaçants adressées à une femme. (Illustration). AFP/Frederick FLORIN.

    La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné jeudi la France pour le refus de ses juridictions de retenir le caractère antisémite de propos menaçants envers une femme, Myriam A. En l’espace de quelques jours en 2014, cette femme alors âgée de 36 ans, avait reçu pas moins de 26 courriels d’un homme qui se présentait sous le nom de B., dont elle avait refusé les avances.

    Ces messages contenaient des injures ainsi que des menaces de violences, de viol et de mort, accompagnées pour certaines de propos antisémites. « Vive les camps ! vive la Shoah ! Vive l’Allemagne nazie ! », « Si je te croise dans la rue, je te casse ton nez de salle juive ! », lui avait-il écrit. « Je vais venir sur ton lieu de travail et te flinguer ! » avait-il poursuivi. Une photo d’Adolf Hitler était jointe à son dernier mail.

    La victime travaillait à l’époque dans une association œuvrant pour la mémoire des victimes de la Shoah. Elle avait déposé plainte pour menaces de mort et insultes à caractère antisémite. Le 6 juin 2014, B. avait été déféré dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate et cité devant le tribunal correctionnel pour l’avoir menacée de façon répétée.

    15 000 euros au titre du préjudice moral

    Devant le tribunal correctionnel, Myriam A. avait demandé une requalification des faits, soulignant qu’elle avait été victime non seulement de menaces de mort mais aussi de menaces de viol et que les menaces avaient été proférées notamment en raison « de l’appartenance de la victime à la religion et à la communauté juive », une circonstance aggravante.

    Elle avait également fait valoir les « lourdes conséquences » sur sa vie de ces menaces, à la suite desquelles elle avait déménagé, changé de lieu de travail et souffert de dépression. Le tribunal correctionnel de Paris avait déclaré B. coupable de menaces de mort réitérées mais ne s’était pas prononcé sur la requalification.

    Cette « négation judiciaire du caractère antisémite a accru la souffrance et le traumatisme de la victime », a souligné le juriste Nicolas Hervieu, spécialiste du droit européen, sur le réseau social X, après la décision de la CEDH.

    Les parties au procès avaient fait appel du jugement et Myriam A. avait renouvelé sa demande de requalification des faits. Par un arrêt de 2016, la cour d’appel de Paris avait confirmé le jugement, mais sans accéder à sa demande. Elle s’était ensuite pourvue en cassation. Le pourvoi avait été jugé irrecevable.



    La CEDH, chargée de veiller au respect de la convention des droits de l’Homme, a conclu que les autorités « ont méconnu leurs obligations positives découlant des articles 8 et 14 de la Convention consistant à fournir une protection pénale effective et appropriée contre les propos discriminatoires - particulièrement destructeurs des droits fondamentaux - de l’agresseur de la requérante ». Aussi la France doit verser à la Myriam A. 15 000 euros au titre du préjudice moral et 3 840 euros pour les frais de justice.