C'est l'insulte de trop. Il y a deux semaines, la photo d'un jeune rugbyman gallois de âgé de 12 ans, Alfie Pugsley, postée sur Facebook, entraînait une série de commentaires malveillants sur l'embonpoint du garçon, « trop gros pour jouer ». Révolté, son père se fendait d'un tweet soulignant la souffrance d'Alfie : « Si seulement les gens savaient combien il travaille dur pour être en forme, et à quel point sa confiance est faible... »
Un cri du coeur qui a suscité un vaste élan de solidarité de nombreuses figures du jeu. Des internationaux comme les gallois Jonathan Davies ou Josh Adams, l'ex-All Black Jerome Kaino, le champion du monde sud-africain Siya Kolisi, le puma argentin Augustin Creevy, l'ouvreur français Matthieu Jalibert, et les fédérations anglaise, irlandaise, la Premiership (qui l'a invité à sa finale 2022 à Twickenham, en juin) ou World Rugby ont notamment posté des messages ou des vidéos de soutien.
« Continue à aimer le rugby, Alfie, ce sport spécial et unique, où il y a une place pour tout le monde »
L'affaire met en lumière un phénomène inquiétant : dans le monde du rugby gallois et anglais, pro ou semi-pro, les attaques, insultes, phénomènes de dénigrement systématique, sont devenus monnaie courante. À l'issue du dernier tournoi des Six Nations, les Anglais (5es avec 3 défaites) ont été violemment pris à partie en ligne. Ellis Genge, pilier du quinze de la Rose, a reçu directement des menaces de mort. Le deuxième-ligne Maro Itoje a été la cible d'injures racistes. Tout comme son cousin et pilier de Bath, Beno Obano.
Chez les féminines, Florence Williams, internationale galloise des Wasps Ladies et consultante en marketing, est harcelée sur les réseaux depuis qu'elle a publié une étude sur les disparités hommes-femmes dans le rugby.
La presse est aussi touchée. Sonja McLaughlan, journaliste rugby à la BBC, a été violemment prise à partie par de nombreux internautes après ses interviews suivant la défaite des Anglais au pays de Galles (40-24) le 27 février 2021. Police et justice commencent à réagir. Un homme de 77 ans a été arrêté l'an passé, pour avoir proféré des insultes racistes contre Ashton Hewitt, joueur des Dragons gallois. Racisme, misogynie, homophobie, grossophobie, bêtise...
Emmitouflé dans ses traditions, le rugby britannique est déstabilisé par ces pratiques. L'affaire Alfie, qui touche un enfant, a-t-elle été la goutte d'eau de trop ? Nigel Owens, star galloise de l'arbitrage, a écrit une chronique émue sur le site Wales Online, demandant au jeune garçon de continuer à « aimer le rugby », ce « sport spécial et unique, où il y a une place pour tout le monde (...), petit, massif, fin, grand, rapide ou lent... » Mais, pour l'heure, Alfie n'est pas retourné à l'entraînement.