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Image 33 - Mohamed Amin filming the Ethiopian famine in Korem in 1984. His images changed the world as the people of Africa and the world responded with one of the greatest acts of philanthropy in human history
THE MOHAMED AMIN COLLECTION

La grande famine éthiopienne : quarante ans après

Par  (Nairobi, correspondance)
Publié le 04 avril 2024 à 17h00

Temps de Lecture 5 min. Read in English

« Il n’existe plus de famines naturelles dans le monde ; il ne reste que des famines politiques. Si des gens meurent de faim au Soudan, en Syrie ou en Somalie, c’est que certains hommes politiques l’ont voulu », écrit l’universitaire et historien Yuval Noah Harari dans son ouvrage Homo Deus. Son affirmation trouve aujourd’hui un écho particulier dans les situations humanitaires de Gaza sous blocus, où la famine est « imminente » selon les Nations unies, du Soudan, où la guerre civile a plongé 18 millions de personnes dans une crise de la faim sans précédent, et dans le nord de l’Ethiopie, où le spectre de la famine refait surface après les dévastations du conflit du Tigré (2020-2022).

Une mère allaitant son enfant, à l’hôpital de la Croix-Rouge, à Korem, en Ethiopie, en 1985.

Quarante années plus tôt, c’est depuis ces mêmes provinces éthiopiennes du Tigré et du Wollo qu’ont émergé des images apocalyptiques montrant une famine dévastatrice, qui fera plus de 300 000 morts. Les photographies crues de femmes et d’hommes au bord de succomber à la faim devant l’objectif des journalistes ont fait le tour du monde, choqué l’Occident et fait naître un élan de solidarité sans précédent dont les manifestations les plus visibles seront l’enregistrement de disques avec tout le gotha musical aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en France.

La famine de 1984 a atteint des « proportions bibliques », selon les mots du reporter de la BBC, Michael Buerk, au moment de commenter son reportage dans une vallée aride et froide du Wollo, transformée en un immense camp à ciel ouvert où des centaines de déplacés, fuyant la guerre civile et la faim, mouraient chaque nuit et dont les corps étaient ramassés par camions entiers au petit matin. Il était accompagné par le photographe kényan Mohamed Amin dont nous publions ici les archives photographiques.

Arme redoutable

Ces images collent aujourd’hui encore à celle de l’Ethiopie. Les hauts plateaux du nord du pays connaissent des sécheresses plus ou moins prononcées environ toutes les décennies. Dix ans plus tôt, en 1973, le manque de pluie avait tué environ 50 000 paysans dans la zone, sous le regard indifférent de l’empereur Haïlé Sélassié Ier, qui s’était même empressé de les dissimuler, au risque que cela ternisse sa réputation. La colère populaire, portée par une révolution étudiante marxiste, utilisant la famine du Wollo pour illustrer l’égoïsme et la cruauté du monarque, précipitera sa chute l’année suivante, en 1974.

A son paroxysme, la famine éthiopienne a fait chaque jour des centaines de victimes, dont beaucoup sont mortes seules, comme ce jeune garçon sous la couverture. A Korem, en Ethiopie, en 1984.

Comme le suggère Yuval Noah Harari, la faim peut servir d’arme redoutable en temps de guerre et l’Ethiopie ne fait pas exception. Si les terres du nord du pays sont vulnérables aux sécheresses, les crises alimentaires qui s’y sont déroulées ont toujours été aggravées par des révoltes et leur répression. L’actualité le rappelle douloureusement. Lors de la guerre du Tigré (2020-2022), un blocus mis en place par le gouvernement du premier ministre Abiy Ahmed – prix Nobel de la paix 2019 – a empêché l’aide humanitaire d’arriver et a plongé 90 % du Tigré au bord de la famine. Aujourd’hui, un an et demi après l’accord de paix qui a mis un terme au conflit, la faim tue encore : lors des six derniers mois, 1 390 Tigréens en sont morts, d’après les autorités régionales.

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