La France condamnée par la CEDH pour sa gestion des camps de harkis dans les années 1960 et 1970

Des harkis et des enfants de harkis, photographiés ici en juin 1975, lors d’une manifestation devant le camp de Saint-Maurice l’Ardoise, dans le Gard, pour attirer l’attention sur leurs conditions de vie.
- / AFP Des harkis et des enfants de harkis, photographiés ici en juin 1975, lors d’une manifestation devant le camp de Saint-Maurice l’Ardoise, dans le Gard, pour attirer l’attention sur leurs conditions de vie.

INTERNATIONAL - Des conditions « pas compatibles avec le respect de la dignité humaine » estime la Cour européenne des droits de l’homme. Pour sa mauvaise gestion de l’accueil des harkis, la France a été condamnée ce jeudi 4 avril par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Le projet de loi de réparation pour les harkis adopté au Parlement

Cette Cour, chargée de chargée de faire respecter la Convention européenne des droits de l’homme a constaté que les conditions de vie des harkis en France, après leur arrivée d’Algérie dans les années 1960 et 1970 s’accompagnaient « d’atteintes aux libertés individuelles », en plus du non-respect de la dignité humaine.

Une décision qui porte essentiellement sur les conditions de vie de ces auxiliaires d’origine algérienne ayant combattu avec l’armée française durant la guerre d’Algérie et qui avaient trouvé refuge dans des camps d’accueils comme celui de Bias, dans le Lot-et-Garonne.

Les requérants sont des ressortissants français nés entre 1957 et 1969. Enfants de harkis, ils ont donc vécu de l’intérieur cette vie pour laquelle ils demandent aujourd’hui réparations. Quatre d’entre eux, de la famille Tamazount, sont arrivés en France au moment de l’indépendance de l’Algérie en 1962 ou sont nés en France dans les années suivantes. Tous ont vécu dans le camp de Bias, jusqu’en 1975.

Dans cette action en justice, ils pointent leur enfermement, l’ouverture de leur courrier par l’administration du camp, la réaffectation de leurs prestations sociales aux dépenses du camp et leur scolarisation dans une école interne à la structure, en dehors du système éducatif traditionnel.

Des réparations insuffisantes

Dans sa décision, la CEDH estime que la responsabilité pour faute de l’État était engagée. La France a donc été contrainte de verser aux requérants 15 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral.

Toutefois, la juridiction européenne installée à Strasbourg « considère que les montants accordés par les juridictions internes en l’espèce ne constituent pas une réparation adéquate et suffisante pour redresser les violations constatées ». Elle ajoute être bien « consciente de la difficulté de chiffrer les préjudices subis par les requérants ».

Mais s’agissant de traitements inhumains et dégradants, « les sommes allouées aux requérants sont modiques par comparaison avec ce que la Cour octroie généralement » dans ce genre d’affaires. La CEDH en déduit donc « que ces sommes n’ont pas couvert les préjudices liés aux autres violations de la Convention ».

Tout en notant l’important travail de mémoire réalisé par la France sur le sort des harkis, les autorités françaises n’ont pas « suffisamment tenu compte de la spécificité de leurs conditions de vie dans le camp de Bias pour remédier aux violations de la Convention constatées ». Raison pour laquelle la Cour a condamné la France a versé plus de 19 500 euros aux quatre membres de la famille Tamazount précédemment évoqués. Une somme qui correspond au prorata de leur temps passé dans ce camp du Lot-et-Garonne.

Seule victoire pour l’État français : la CEDH a considéré dans cette affaire que les juridictions françaises n’avaient pas violé le droit d’accès à un tribunal. Une référence à la demande d’un cinquième requérant qui avait rejoint la France en 1980, mais dont le père avait été exécuté en 1957 par le Front de libération national algérien.

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