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Tempête Alex: la métropole de Nice "conteste fermement" un rapport qui met en cause sa gestion de la reconstruction

Le rapport de l'expert judiciaire désigné par le tribunal dédouane les entreprises qui ont réalisé les travaux de reconstruction après la tempête Alex, dont certains ont été inachevés et de nouveaux touchés par la tempête Aline à l'automne dernier.

"Une guerre de rapports d'expertise." Un rapport judiciaire publié le 8 février dernier met en cause la gestion de la métropole Nice Côte d'Azur concernant les travaux de reconstruction de la Vésubie après le passage de la tempête Alex, alors même que la métropole accusait de son côté les entreprises en charge des ouvrages, dont beaucoup ont été de nouveau touchés par la tempête Aline en octobre dernier.

Selon le document consulté par nos confrères de Nice-Matin, l'expert judiciaire désigné en juillet 2023 dédouane en grande partie le groupement d'entreprises SLBTP, chargé notamment de la reconstruction de la route de la Madone de Fenestre, à Saint-Martin-Vésubie.

Un chantier de 20 millions d'euros qui illustre bien l'affaire dans laquelle la métropole et les entreprises se rejettent la faute concernant les chantiers de reconstruction non achevés après la tempête Alex, puis de nouveau touchés par Aline.

Une "gestion non rigoureuse"

Le rapport souligne notamment que certains éléments -notamment la question du ratio entre les matériaux facturés et ceux réellement utilisés sur le chantier- ne peuvent plus être vérifiés en raison du passage de la tempête Aline. Mais l'expert dédouane l'entreprise chargée des travaux puisqu'il souligne que le chantier a d'abord été repoussé, puis arrêté, et que l'ordre de reprise n'a jamais été donné.

Le rapport prend également l'exemple d'une route définitive dont la partie gérée par l'entreprise a été complétée, mais note l'absence d'enrochements dont les travaux devaient être supervisés par le Syndicat mixte pour les inondations, l'aménagement et la gestion de l'eau (SMIAGE).

Pire encore, il estime même que la métropole doit de l'argent -plus d'un demi-million d'euros- au groupement d'entreprises pour des travaux commandés mais non réalisés, ainsi que des matériaux.

Le rapport conclut ainsi à une "gestion non rigoureuse" de la métropole des travaux dans la Vésubie, avec des "commandes de prestation sans bons de commande", des "facturations d'avance en fin d'année" alors que les travaux n'étaient pas terminés, ou encore des "bons de commande avant ou après travaux", rapporte Nice-Matin.

La métropole contre-attaque

Contactée par BFM Nice Côte d'Azur, la métropole fait savoir à travers son avocat, maître Olivier Baratelli, qu'elle "conteste fermement" ce rapport, soulignant même que l'expert judiciaire a été missionné par le tribunal "pour un simple constat, et non une expertise", et qu'il a lui-même précise que sa mission "n'a pas pour objet de vérifier la résistance des ouvrages réalisés".

"Il lui appartenait donc de réaliser des constats visuels des ouvrages réalisés, dans leur partie visible, sans pouvoir vérifier, par des investigations ou des analyses, leur conformité aux règles de l’art ou aux normes techniques", précise l'avocat de la métropole.

Selon elle, soutenir "que les ouvrages ont été correctement réalisés est un mensonge". Elle apporte pour preuve les résultats d'expertises indépendantes de trois bureaux d'ingénierie missionnés aux mois de juillet, septembre et novembre.

"Toutes les trois concluent à de graves erreurs de conception (à la charge des entreprises de travaux) et de graves erreurs de construction, les empêchant de garantir la pérennité des ouvrages et préconisant la reconstruction des plus importants, voire de tous les ouvrages", rapporte maître Baratelli.

Un rapport "contradictoire" d'un autre expert

La métropole rappelle ainsi qu'elle avait elle-même formulé la demande d'expertise judiciaire afin de déterminer si les montants versés par la collectivité correspondaient aux travaux réalisés dans la Vésubie, et estime que "si les entreprises mises en cause avaient de bonnes raisons d’être sereines concernant la conformité de leurs travaux, elles ne s’opposeraient pas à l’expertise judiciaire".

Par son avocat, la métropole précise également être en possession d'un rapport "contradictoire" à l'expertise judiciaire, réalisé par un expert extérieur au département des Alpes-Maritimes.

Pour rappel, 21 personnes avaient été placées en garde à vue le 12 mars dernier dans le cadre de l'enquête ouverte sur les travaux de reconstruction réalisés après la tempête Alex, avant d'être remises en liberté. Parmi ces 21 personnes se trouvaient aussi bien des entrepreneurs que des cadres et techniciens de la métropole Nice Côte d'Azur.

En février 2023, Christian Estrosi avait fait un signalement pour des "manquements graves au respect des règles de la comptabilité publique" concernant ces travaux. Un mois plus tard, Xavier Bonhomme, alors procureur de la République, avait ouvert une enquête préliminaire confiée au détachement de Fréjus de la section de recherches de la gendarmerie nationale de Marseille.

Laurène Rocheteau avec Marie Duquesne