"Quand il pleut, nous déplaçons les meubles": sinistré de la tempête Alex, il a été relogé dans un HLM insalubre

Après la tempête Alex, un sinistré, dont la demeure fait l’objet d’une mise en péril à Saint-Dalmas de Tende, a été relogé dans un HLM insalubre avec sa famille. Désireux de rentrer chez lui, il témoigne.

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Lisa Ricordi Publié le 12/04/2024 à 09:15, mis à jour le 12/04/2024 à 09:15
La maison de la famille Caproni, achevée seulement trois ans avant la tempête Alex, le lendemain des intempéries. La demeure, faisant l’objet d’une mise en péril, est depuis inhabitable. DR

chaque fois, la date de début des travaux est retardée, à la fin, j’ai l’impression que l’on se paie ma tête!".

À Saint-Dalmas de Tende, la famille Caproni s’impatiente. Relogée à la suite de la tempête Alex, survenue en octobre 2020, cette famille, habitant la zone industrielle de Saint-Dalmas, occupe à présent un HLM, quelques mètres en contre-haut de leur propriété.

Leur habitation, dont les travaux ont été achevés seulement trois ans avant la catastrophe, fait l’objet d’une mise en péril. Depuis, Eddy, le père de famille, se bat pour que la construction d’un mur – par la communauté de la Riviera française – permettant de sécuriser le terrain et la levée de la mise en péril soit achevée.

En se rendant à Saint-Dalmas de Tende, impossible de passer à côté des portraits de ceux qui ont aidé à rebâtir la Vallée après le chaos, rappelant tout le chemin parcouru depuis cet épisode. Sous une pluie battante, les souvenirs de la catastrophe se mêlent à l’impact du temps qui passe et qui répare, à l’optimisme, au triomphe et à la résilience. En arrivant face à un petit portail menant à la zone industrielle du village, le cœur serré mais d’un calme implacable sur le palier de sa demeure, Eddy Caproni nous accueille. En franchissant le seuil, l’impression que l’âme de la bâtisse a levé le camp le même soir que la tempête, le 2 octobre 2020.

"Je suis bloqué"

Dans ses yeux, dénué de ressentiment, seulement une impatience teintée de désillusion. "Maintenant, on a l’habitude", souffle-t-il, songeant à l’idée que ce lieu de vie, construit de ses propres mains, ne peut plus être habité pour le moment. Plus de repas de famille autour de la grande table du séjour, plus de café le matin en admirant le paysage depuis la grande terrasse, plus de cocon dans lequel se sentir chez soi.

Une maison neuve, spacieuse, décorée avec goût. Une maison dans laquelle le temps s’est arrêté. Ici, plus d’horloge. L’image s’est figée et se dresse en allégorie de ce que la tempête Alex a entraîné dans son torrent déchaîné. Dans la grande pièce à vivre, où les meubles principaux n’ont pas bougé d’un millimètre, quelques cartons, des sommiers sans matelas... L’humidité commence à suinter de la bâtisse, pourtant chaleureuse.

"Ça fait mal au cœur de voir sa maison s’abîmer peu à peu, sans pouvoir l’entretenir."

Au départ, le foyer, faisant face à la Roya, devait être démoli. Mais une lueur d’espoir a fait pencher la balance. "J’aurais très bien pu prendre l’indemnisation du fonds Barnier, partir, et reconstruire une maison. J’avais déjà déménagé tous mes outils et mon matériel de mon local professionnel qui se trouve sur place. Mais comme on m’a parlé de ce mur et de la possibilité que je retourne vivre ici, je n’ai plus hésité. Si j’avais su que ça prendrait autant de temps, je serais allé de l’avant. Là, je suis bloqué. J’avoue que l’attente devient insoutenable. J’aimerais seulement que la Carf, qui a pour projet la construction d’un mur pour sécuriser la berge, me fournisse une date arrêtée de commencement des travaux pour enfin voir le bout du tunnel! J’ai de la chance car ma maison se trouve sur un terrain où se trouvent des bâtiments de sécurité publique, d’où ce projet de mur. Mais quand sera-t-il réalisé?", se questionne le sinistré.

Relogés dans un HLM à quelques mètres de leur domicile par l’association AGIS06, les Caproni sont confrontés à des inondations fréquentes. DR.

"Ça devait être temporaire"

Après la tempête, la famille Caproni a d’abord été hébergée par un ami dans l’urgence, puis a élu domicile dans un HLM, un peu plus haut que leur domicile, via l’association d’aide au relogement des sinistrés de la tempête Alex, AGIS06. Mais le "dépannage" s’est transformé en long terme. "Nous sommes vraiment reconnaissants, mais quand nous avons emménagé, c’était insalubre. Ça devait être temporaire donc nous nous sommes adaptés, mais ça fait trois ans que ça dure!", livre Eddy, démuni, d’un sang froid sûrement causé par le découragement. "Je ne suis plus à quelques mois près, tout ce que je veux c’est une réponse. Quand pourrais-je retourner dans ma maison avec ma compagne et mes deux filles? Le temps est long."

Malgré une coquette superficie de 80m2, dans son logement provisoire, des flaques d’eau au sol, des murs décrépis, une moquette trouée de toute part par des mégots de cigarette, des infiltrations dans les murs. "Heureusement que je suis peintre! J’ai tout restauré à mes frais pour faire propre, mais je n’ai plus la force de patienter encore indéfiniment, et pire, sans savoir où je vais." Épuisé, Eddy fait défiler les clichés sur son smartphone. "Quand il pleut, nous déplaçons les meubles. J’avais acheté un matelas neuf... Regardez, une énorme tâche! Ce n’est plus viable", lance-t-il. "J’ai eu plusieurs entrevues avec la Carf. Ils me répètent qu’ils s’occupent en urgence de mon cas, que ce n’est plus qu’une question de temps".

Le propriétaire a signé une convention concernant les travaux du mur qui doit être dressé, entre la berge et son terrain. Un avenant est en cours pour revoir les modalités de construction, et "trois bureaux d’études sont venus sur place le 15 mars pour définir un plan d’action". Mais pour le moment, pas de réponse claire. "Apparemment, il y a des retards avec les services de l’État, et pour entamer les travaux, il faut que tous les partis signent la convention permettant le démarrage du chantier. Mais bon, bientôt trois ans...", achève Eddy.

De son côté, la Carf assure, "Nous avons bien pris en compte l’urgence de la situation, mais c’est le cas qui est techniquement très complexe. Nous avons dû attendre la signature de tous les propriétaires concernés, et l’obtention de ces autorisations administratives est longue. D’autant que nous ne pouvons pas entreprendre de chantiers sur les berges de novembre à avril, et nous n’avons pas eu les documents dans les délais. Des sondages géotechniques vont être opérés sur le terrain, ils permettront d’obtenir une date fixe", explique Jean-Christophe Martin, responsable du service GEMAPI de la Carf.

Définitivement tirer un trait

Même si les habitants des vallées ont tourné la page, certaines blessures restent intactes. "La maison de ma mère a été démolie. Elle a été préservée, mais malheureusement le terrain autour n’était plus viable. C’était bien trop dangereux. On lui avait dit qu’elle pouvait continuer à y vivre, mais elle savait que tôt ou tard elle devrait partir... Maintenant elle vit à Nice, elle a gardé un petit pied-à-terre ici, mais ça lui fait toujours un peu mal quand elle vient.".

Certains riverains ont décidé de définitivement plier bagage pour ne plus regarder en arrière. D’autres ont rebâti leur lieu de vie sur place. Dans tous les cas, une volonté ardente "de rebondir et de reprendre le cours de leur vie". Mais les délais de décisions entourant certains cas empêchent une partie des habitants de définitivement tirer un trait sur ce qu’ils ont vécu.

Nice MatinNice MatinNice Matin.

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Var-Matin

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