Cherbourg. Fondatrice de La Chaudrée, Thérèse Pignol est décédée

Thérèse Pignol, fondatrice de l’association La Chaudrée, à Cherbourg (Manche), qui sert des repas chauds aux plus démunis, est décédée jeudi 11 avril 2024, à l’âge de 91 ans.

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Thérèse Pignol
Après avoir fondé et présidé La Chaudrée pendant 21 ans, Thérèse Pignol en était devenue la présidente d'honneur. ©Archives La Presse de la Manche
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Un sourire illumine la scène de l’auditorium de La Cité de la Mer, à Cherbourg (Manche), en cette soirée du 18 février 2011. L’assistance est debout, applaudissant durant de longues minutes celle qui a été élue « Personnalité de l’année 2010 » par les lecteurs et la rédaction de La Presse de la Manche.

Thérèse Pignol n’est pas tout à fait l’aise avec les honneurs, et son rictus trahit sa grande humilité. « Elle dont le charme et la bonté n’ont d’égale que la générosité et l’élégance, raconte à l’époque notre journaliste Annie Jeanne. Elle qui œuvre dans son coin a vu vendredi soir son travail et celui de tous les bénévoles de La Chaudrée reconnu comme il le doit. Voilà plus de 15 ans que Thérèse Pignol a cristallisé les idées généreuses en des actes concrets. Voilà plus de 15 ans que, tous les jours ou presque, elle prépare, avec ses comparses, un repas aux plus démunis. »

L’aventure avait commencé en 1996, sur les marches du théâtre

À l’annonce de son élection, sa première réaction est la suivante : « Oh la la, vous n’allez quand même pas écrire un article sur moi ? » Avant de se raviser non pas pour se placer sous les feux des projecteurs, mais pour mettre en avant son collectif formé par des dizaines de bénévoles aussi généreux qu’elle.

L’aventure avait commencé en 1996, à moins d’une dizaine, avec la distribution des premiers repas devant le théâtre à l’Italienne : une soupe, une orange et un café. Au départ, ils étaient sept bénéficiaires. Avec le bouche-à-oreille, ils ont rapidement atteint la trentaine. Après plusieurs déménagements, l’ancienne bibliothèque de l’Amont-Quentin, à Octeville, est devenue leur repaire. Et les bénévoles sont venus par dizaines, se relayant aux fourneaux dans la convivialité.

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« Il faut être à l’écoute »

« C’est toujours très bon ! Moi, je n’aime pas faire la cuisine, avouait Thérèse Pignol. Je m’occupe du service, je regarde si le travail des bénévoles se passe bien, je discute avec les bénéficiaires… Il faut être à l’écoute ! »

En effet, au-delà des repas, c’est un peu de chaleur humaine qui est distribuée depuis près de 30 ans. « Vous redonnez, Madame, une dignité certaine aux sans-grade et aux sans noms. À La Chaudrée, l’intolérance n’a pas droit d’entrée. À la Chaudrée, on ne juge pas. On donne ! », témoignait encore Annie Jeanne. Pendant deux heures, avec un repas chaud – parfois le seul de la journée – les bénéficiaires ne pensent plus à leurs soucis.

Née à Cherbourg, cette grande dame a toujours vécu dans le Cotentin. « J’aime beaucoup cette ville, en bord de mer, j’y ai mes racines et toute ma famille », soulignait-elle. Son parcours professionnel démarre dès l’âge de 14 ans, quand elle entre à l’usine. Puis elle se marie à 20 ans et élève ses quatre enfants. Avant de travailler comme secrétaire, jusqu’à la retraite à 55 ans.

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À la soixantaine, elle décide de profiter de son temps libre « pour être utile, pour aider et apporter quelque chose aux personnes qui sont dans le besoin ». À la lecture d’un article de presse, elle franchit le pas et intègre les Restos du Cœur. « À l’époque, c’était au Maupas, je suis restée deux saisons. Ça m’a plu de rencontrer du monde, de nouer des contacts avec les bénévoles comme avec les bénéficiaires. » Après « une petite pause », elle devient un temps trésorière du Secours populaire.

« Ensuite, j’ai voulu créer quelque chose moi-même. J’avais découvert que beaucoup de personnes démunies ne pouvaient pas cuisiner, ce qui m’a donné l’idée de créer une association qui leur fasse à manger et qui leur serve les repas. Pour fonder La Chaudrée, j’ai été bien aidée par des amis, et après un appel dans La Presse de la Manche, on était neuf bénévoles… »

La suite, vous la connaissez, jusqu’à mettre le clignotant en avril 2017 après 21 ans de bons et loyaux services : « Si cela va me manquer ? Je ne sais pas. À vrai dire, je ne me suis même pas posé la question. La Chaudrée ne m’appartient pas, la jeunesse prend la relève, tout va bien… »

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L’hommage de la Ville à la « femme de cœur »

Thérèse Pignol nous a quittés jeudi 11 avril 2024, à l’âge de 91 ans. La municipalité de Cherbourg-en-Cotentin a tenu à lui rendre hommage. « Femme de cœur, d’une grande générosité, solidaire et combative, elle a consacré une grande partie de sa vie au service des plus démunis. Son engagement, à bien des égards, fut exemplaire. C’est le monde associatif, mais aussi toutes celles et tous ceux qu’elle a aidés qui la pleurent aujourd’hui, souligne le maire, Benoît Arrivé. Elle laisse derrière elle une association, composée d’une quarantaine de bénévoles, qui permet chaque année de distribuer des milliers de repas aux plus démunis six jours sur sept, onze mois sur douze. »

La Presse de la Manche adresse ses sincères condoléances à sa famille et à tous ses amis, ainsi qu’à sa deuxième famille de La Chaudrée.

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