L’art de la sellerie : un savoir-faire intergénérationnel

  • Par Doria Belkacemi
  • Publié le 03 avril 2024
De gauche à droite : l'adjudant Jerome, tenant un shako dans les mains. La gendarme Maeva et la gendarme Alice dans leur atelier.
© Elane Maraldo - GR

Dans l'atelier de sellerie et de confection des shakos de la Garde Républicaine, toutes les générations se retrouvent. Huit artisans au total, parmi lesquels l’adjudant Jérôme, officiant à l’atelier depuis 1996, mais aussi les jeunes recrues, les gardes Maeva et Alice, à qui il passe les rênes. Un savoir-faire à découvrir lors des portes ouvertes organisées par la Garde Républicaine, à la Caserne Vérines (Paris X), les 4 et 5 avril 2024, à l’occasion des Journées européennes des métiers d'art (JEMA).

Jérôme : la sagesse de l’expérience

L’adjudant Jérôme évoque son parcours, commencé en 1994 après son service militaire. Après avoir exploré divers domaines, comme l'aéronautique, il a trouvé son véritable amour avec la sellerie. À la suite de la réussite de son concours en gendarmerie, il est rapidement revenu à son métier de cœur : « Je me suis pris au jeu. J'ai préparé le concours, que j'ai réussi, et je suis entré en gendarmerie, bien sûr pas en tant que gendarme sur la route, mais, dans le but de revenir à la sellerie. Je ne voulais pas quitter mon métier de cœur et d’origine. »

Faisant plus particulièrement partie de l’atelier shako, coiffe typique et traditionnelle utilisée par les fantassins (militaires de la garde républicaine à pied) pour tous les services d’honneur, il a contribué à son renouvellement, marquant un tournant dans sa carrière.
Selon lui, la formation de jeunes recrues reste essentielle et indispensable : « Si on ne forme pas de nouveaux selliers, on risque de perdre notre savoir-faire français. Nous sommes les seuls à fabriquer le shako, et c'est un héritage à préserver. »

Jérôme insiste sur les atouts phares du métier : « Il faut choisir les nouvelles recrues pour le bon goût et le goût du travail bien fait. La persévérance est importante dans ce métier, ainsi que la modestie. Il faut prendre le temps de bien faire les choses. »

Fier de son métier, il affirme continuer à en apprendre tous les jours et ne pas avoir le temps de s’ennuyer. « Même après 30 ans de pratique du métier, l’action de transmettre c’est apprendre à nouveau. En fonction de la personne, on adapte le discours pour la même tâche, car la pensée, la compréhension et le ressenti ne sont pas les mêmes en fonction des personnes. Il faut donc s’adapter pour que l’apprenti ne soit pas en échec, et ça, c’est un super challenge ! »

Conscient qu’il suffit d’un rien pour que tout bascule, il assure se battre chaque jour pour le futur de l’atelier. Passion, transmission, exigence, sa vision est claire : transmettre et préserver le métier, car chaque pièce créée est une part du patrimoine mondial.

Plusieurs shakos posés sur une table de l'atelier.
© Elane Maraldo - GR

Maeva : la passionnée du sur-mesure

La garde Maeva, jeune recrue âgée de 30 ans, apporte une touche de modernité à la tradition de la sellerie. Après des études en mercatique, une brève incursion dans le monde de l'art à Amiens, puis un souhait passager d’être architecte d’intérieur, elle se retrouve finalement dans une école de garde à cheval. « Je suis partie pendant huit mois dans une école privée de garde à cheval dans l’Aisne, qui avait un style un peu militaire. Grâce à ce stage, j'ai rencontré des gendarmes adjoints et des gardes républicains qui nous ont poussés à passer le concours de gendarme adjoint volontaire. »
Après avoir effectué trois mois à l’école de Fontainebleau, puis avoir passé son concours de sous-officier, et être restée un peu moins de neuf mois à l’infanterie en compagnie, elle intègre finalement l’atelier de la sellerie il y a cinq ans.

Spécialisée dans les objets de prestige, elle excelle dans la finesse et la création sur-mesure.
« C'est sûr que ça fait un peu métier moyenâgeux, dit-elle en riant, mais ce serait dommage de perdre ce savoir-faire, c'est un peu la tradition de la Garde. Dans ce métier, j’ai la chance de cumuler mes deux passions : le cheval et un savoir-faire manuel qui allie beauté et minutie. »

Fière de son travail, Maeva confie avoir réalisé de beaux cadeaux de prestige, tels qu’un bel étrier pour la reine d'Angleterre avant qu'elle ne décède ou encore des étriers aux couleurs du drapeau de l'Espagne pour un ministre.

Entre réparations de harnachements, de selles et créations sur-mesure, elle met ainsi en lumière la diversité de son métier.

Alice : l’avide de découvertes

Du haut de ses 33 ans au mois de mars, la garde Alice est la petite dernière de l’atelier. Passionnée de sport en général, mais surtout de moto et de parachutisme, son choix s’est finalement porté sur l’équitation. Membre de l’atelier sellerie depuis un an, elle incarne à son tour la nouvelle génération.

Originaire de Normandie, elle a grandi dans un environnement équestre : « Mes parents sont arrivés en Normandie parce qu’ils en avaient marre de la vie parisienne. Ils se sont fait des amis sur place qui avaient des chevaux et qui leur ont proposé de nous mettre au centre équestre. J’ai finalement attrapé le virus et je suis restée dans cette discipline. J’ai commencé le cheval à 7 ans, aujourd’hui j’en ai presque 33. »

Détentrice d’un baccalauréat général scientifique, option sciences et vie de la Terre, elle a commencé un cursus en langues étrangères appliquées en allemand, anglais et italien à la fac, avant de s’inscrire au concours de Gendarme adjoint volontaire (GAV).

Après deux ans en brigade en Bretagne en qualité de GAV, elle passe le concours de sous-officier et rejoint la Garde Républicaine à l’issue de sa scolarité. Après un an en régiment d’infanterie, l’ancienne cavalière est affectée au premier escadron de marche du régiment de cavalerie où elle passera neuf ans, avant d’intégrer le peloton des artisans, en tant que sellier harnacheur, le 1er avril 2023.

« On pourrait se dire que la gendarmerie n’est qu’un métier, mais finalement, c’est une multitude de métiers », note-t-elle, avant de poursuivre : « Pour la partie sellerie, on s'occupe en majorité des réparations du matériel du cavalier et du cheval. On va aussi créer les selles d'armes, les brides d’armes et divers matériels. Ma mission au sein de l’atelier, c'est d'assurer les commandes de licols, qui servent à tenir le cheval quand il est accroché au mur
ou pour marcher avec lui. »

Le choix du cuir est important dans ce domaine. Les manières de faire peuvent changer en fonction. Le cuir d’arme est principalement celui qui est utilisé pour la bride, le licol et la selle d'arme, et ce, depuis des années.

À travers des initiatives innovantes, comme la conception de portes lacrymogènes pour les patrouilleurs à cheval, Alice témoigne de sa créativité et de sa volonté d'améliorer le quotidien des cavaliers. De nature très curieuse, elle avoue être avide de découvertes : « Lorsque je suis en avance sur mon travail, je fais en sorte d’aller voir les autres pour qu’ils m’apprennent à faire de nouvelles choses. Parfois, je vais voir Maeva, qui m'apprend beaucoup sur les belles finitions. Puisque nous sommes dans un espace de travail assez restreint, il y a énormément de choses à faire, à créer et à apprendre. C’est aussi une opportunité de se dire qu’un jour de repos, je peux très bien passer l'après-midi avec les casquiers et apprendre la soudure. C'est vraiment ouvert ! »

Tableau qui montre la composition des différents éléments d'un shako.
© Elane Maraldo - GR

D’un commun accord, Jérôme, Maeva et Alice confient que les raisons qui les motivent sont le savoir-faire français ainsi que l’importance de leur rôle dans la préservation du patrimoine. Toujours avec le sourire, ils affirment que créativité, curiosité et passion sont les maîtres mots de ce métier.

Informations pratiques

À l’occasion des Journées européennes des métiers d'art (JEMA), qui se tiennent partout en France et en Europe, du 2 au 7 avril 2024, afin de favoriser la reconnaissance du secteur des métiers d’art, la Garde Républicaine ouvre les portes de ses ateliers (sellier-harnacheur, couturier, armurier, métal) au grand public, les jeudi 4 et vendredi 5 avril 2024, de 9 heures à midi et de 14 heures à 17 heures. La visite, d’une durée d’environ 2 h 30, se déroule par groupe d'une quinzaine de personnes sur les quatre ateliers présents.
Entrée gratuite sur réservation préalable : https://my.weezevent.com/journees-europeennes-des-metiers-dart .
Lieu : Caserne Vérines, 12 place de la république, 75010 Paris.
Prévoir votre arrivée 20 mn avant l'ouverture pour le contrôle des accès, muni de votre pièce d'identité et votre billet de réservation.

 

 

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