La Métropole de Rouen est-elle prête pour le zéro artificialisation nette des sols ?

D'ici 2050, les collectivités françaises devront respecter une nouvelle règle d'urbanisme : la zéro artificialisation nette. Comment la Métropole de Rouen s'y prépare-t-elle ?

Avec la loi ZAN (zéro artificialisation nette), comment la Métropole de Rouen (Seine-Maritime) envisage son développement d'ici 2050 ?
Avec la loi ZAN (zéro artificialisation nette), comment la Métropole de Rouen (Seine-Maritime) envisage son développement d’ici 2050 ? (©FM/76actu/Illustration)
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Quel visage présenteront les villes et les villages dans 25 ans, dans un contexte de dérèglement climatique et de perte de la biodiversité ? En urbanisme, une loi vient changer la donner, la loi « climat et résilience » de 2021, qui pose un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon de 2050. Comment ça marche et comment la Métropole de Rouen (Seine-Maritime) s’y prépare-t-elle ? 

Un changement de logiciel

« Avec le principe de zéro artificialisation nette on change de logiciel, explique Laurent Moreno, urbaniste. Dans le développement urbain, sur les espaces naturels, agricoles ou forestiers, on ne raisonne plus simplement en termes de surfaces consommées mais en termes de qualité des sols. On regarde ce qu’il y a en-dessous : qualité hydrologique de la terre, capacité à absorber les eaux de pluie, capacité à modifier les ruissellements, impact sur la biodiversité, etc. Bref, on regarde le sol dans sa fonctionnalité écologique. »

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Et ce changement d’approche a des répercussions sur la qualification des espaces, entre ceux qui sont dits artificialisés et ceux qui ne le sont pas. « Par exemple, un jardin public de pleine terre va être considéré comme de la surface non artificialisée, même s’il est en zone urbaine, explique l’urbaniste. En revanche, une pelouse dans un lotissement, pauvrement plantée, va être considérée comme un espace artificialisé. »

Typiquement on va favoriser la renaturation avec cette façon de décompter. Cela oblige également à regarder du côté des friches, notamment industrielles. Comment peuvent-elle être réutilisées ? Comment pourraient-elles accueillir du logement ou de nouvelles activités économiques ? On peut aussi envisager de reconvertir des bâtiments, que de prime abord, on ne considère pas comme des friches, mais qui peuvent l'être. Une ancienne école peut être transformée en logement ou en bureaux, par exemple.

Laurent MorenoUrbaniste

Une transition en deux temps

Le déploiement du principe de ZAN se fera en deux étapes : jusqu’en 2031, les collectivités pourront continuer à artificialiser, mais deux fois moins que lors des 10 dernières années, puis elles devront arriver un solde 0 (entre ce qui est artificialisé et ce qui peut être « désartificialisé ») en 2050. 

« Le compteur tourne déjà, confirme Djoudé Merabet, vice-président de la Métropole Rouen Normandie en charge de l’urbanisme. Pour nos territoires c’est un changement de paradigme. La loi ZAN introduit une dimension collective, à l’échelle métropolitaine, quand auparavant chaque commune se développait dans son coin. »

Il y a du travail en perspective, mais pour l’élu elbeuvien, Rouen a sa carte à jouer dans ce nouveau dispositif. « La Métropole de Rouen, avec ses friches, a des atouts. Nous devons saisir cela pour transformer le ZAN en opportunité. Nous sommes en train d’identifier les friches existantes et de regarder tous les projets en cours dans les communes. Il faudra travailler de manière chirurgicale. Sachant que bien sûr, chez les élus, cela interroge : vais-je pouvoir construire tel lotissement ? répondre aux demandes des bailleurs ? accueillir telle ou telle entreprise ? Nous avons d’ailleurs organisé des séminaires de formation à destination des élus métropolitains. Derrière le ZAN il y a une dimension pédagogique d’accompagnement. »

Construire la ville sur la ville

Et il faut donc penser le développement urbain de manière complètement différente. 

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« Désormais au lieu de regarder la périphérie nous devons regarder à l’intérieur. Nous devons nous interroger sur la question de la densité de la ville afin d’éviter de consommer des surfaces. C’est ce qu’on appelle reconstruire la ville sur la ville, en réexploitant des friches, sachant que certaines sont maitrisables rapidement, d’autres non, du fait notamment des chantiers de dépollution. »

Cela passera également par une réhabilitation massive de logements. À cet égard le secteur de l'immobilier devra nécessairement s'adapter, ses métiers changeront. Par ailleurs les acteurs de l'immobilier continueront à construire, et les villes à se développer, mais selon des logiques différentes. Il faut ainsi prendre en compte les îlots de chaleur : par exemple on n'installera plus une aire de jeux pour enfants à endroit exposé, ce qui pouvait être fait auparavant.

Djoudé MerabetVice-président de la Métropole Rouen Normandie en charge de l'urbanisme

Autre enjeu envisagé par la Métropole afin d’optimiser les espaces disponibles, qui rejoint la question énergétique, la mise en place de panneaux photovoltaïques sur des parkings, des toits d’immeubles ou des sols difficilement dépolluables. 

« Le quartier Flaubert est typiquement l’exemple de construction sur des espaces déjà artificialisés, note Laurent Moreno. Toute construction dans cette zone, tout aménagement, c’est de l’artificialisation en moins ailleurs. Clairement le dispositif ZAN va plutôt favoriser des opérations comme Luciline ou le long du Mont-Riboudet. Et à l’inverse, cela va défavoriser des développements de lotissements sur des zones agricoles, comme le plateau Est, ou au Nord de l’agglo. » 

Il est ainsi possible qu'il y ait des croissances d'urbanisation et de population qui vont se répartir différemment au sein de la Métropole.

Laurent Moreno

Des logements plus chers ? 

Autre question soulevée, celle du coût des constructions et donc des logements futurs.

« Il est évident que c’est moins cher de construire sur un espace vierge que sur une friche qu’il faut dépolluer, constate l’urbaniste. Or les besoins de logements sont très grands. Autre cas de figure qui peut se présenter : si l’on veut installer une ‘giga factory’ de batteries, qui nécessiterait de disposer d’un foncier important rapidement, comment fait-on ? Dans ce cas la Métropole pourrait demander — et c’est possible — que le projet soit exclu du ZAN, et soit considéré comme un projet d’intérêt plus large, allant au-delà du territoire. Dans un contexte où l’on voit réindustrialiser le pays, c’est une vraie question. »

Quid également du contournement Est, s’il venait à se faire, la question de son intégration dans le dispositif ZAN se poserait inévitablement ? 

Nous sommes dans cette situation un peu compliquée de transition, entre un monde de zéro artificialisation — dont on ne sait pas très bien comment il va fonctionner et si on y arrivera — , le monde dont on vient, dont on sait qu'il n'est pas viable, et ça c'est certain.

Laurent MorenoUrbaniste

Une chose est sûre, la collectivité devra s’adapter. « Nous avons une obligation de réussite », rapporte Djoudé Merabet. 

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