La glottophobie est en principe interdite par la loi mais difficile à déterminer

Dans les call-centers, ce type de discriminations peut intervenir.

© JOHN MOORE - AFP

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Par RTBF

La glottophobie, c’est le fait de discriminer une personne sur base de son accent. En France, une proposition de loi discutée ce mercredi à l’Assemblée nationale entend reconnaître cette discrimination et la sanctionner. Cela fait plus d’un an que le député de l’Hérault Christophe Euzet (Agir ensemble de la majorité présidentielle) travaille sur cette question sur base de cas concrets. Depuis, il a été rejoint par une cinquantaine de collègues qui ont cosigné son texte.

Mais la glottophobie existe-t-elle chez nous, en Belgique ? "Nous sommes dans un pays (La France) qui a une forte discrimination par l’accent", développait en 2019 le député héraultais sur le site de LCI. "Quand on a un accent du sud, de l’est, ou des îles un peu prononcé, des sphères d’expression publiques se bouchent, il y a discrimination à l’embauche. Par exemple, il n’y a pas de gens du sud dans les médias audiovisuels. Pourtant, nous sommes des dizaines de millions à avoir l’accent du sud, de l’est, du nord."

La discrimination s’opère aussi dans le cadre de la recherche d’un logement, d’un emploi en dehors des sphères médiatiques… En mars dernier, la RTBF évoquait les freins professionnels qu’un accent marqué pouvait engendrer, dans notre pays.

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Unia n’est pas compétent en la matière

Pour Unia, le centre interfédéral contre les discriminations, "en principe, la discrimination sur base de la langue est interdite par la loi. Depuis pas mal d’années, il fallait désigner une structure compétente mais cela n’a toujours pas été fait. Unia n’est pas (encore ?) compétent en la matière", explique Denis Bouwen, porte-parole d’Unia. "Mais Unia serait bien intéressée", si les moyens lui sont octroyés.

Unia réceptionne des signalements liés à des problèmes linguistiques : un francophone discriminé en Flandre parce qu’il s’exprime en français, un Flamand discriminé en Wallonie parce qu’il s’exprime en néerlandais. "Mais nous ne pouvons pas vraiment traiter ces dossiers. Souvent, nous renvoyons vers d’autres institutions comme la Commission permanente de contrôle linguistique, certaines administrations, des ombudsmans, etc."

Les dossiers dans ce sens concernent souvent le milieu du travail

Evidemment, langue et origine ethnique ou régionale sont liées. "Par exemple, on refuse d’embaucher quelqu’un comme jardinier parce qu’il ne parle pas parfaitement le français ou le néerlandais. Dans un tel cas, Unia est compétent. Les dossiers dans ce sens concernent souvent le milieu du travail."

Attention, prévient Unia, à ne pas confondre discriminations et validation de compétences linguistiques. "Un professeur de français ou de néerlandais doit bien maîtriser la langue" qu’il est censé enseigner.

Cependant, "dans des call-centers, il arrive que l’on refuse parfois des candidats hollandais : leur accent pourrait 'effrayer' des clients (belges) qui reçoivent des appels." Un cas jugé "limite". Des exigences linguistiques peuvent donc être "tout à fait justifiables. Mais pas pour tous les métiers. Cela dépend du job, du contexte…"

Pas embauché en raison de son accent d’origine africaine

En 2012, Unia est toutefois intervenu dans le cadre d’un dossier de discrimination à l’embauche sur base de l’accent. Bien que répondant à toutes les conditions, une personne d’origine africaine n’avait pas pu accéder à un emploi de téléphoniste. Motif ? "Il avait un accent d’origine étrangère."

"Après intervention du MRAX et du Centre, l’agence d’intérim a dû reconnaître que les faits étaient en infraction avec la loi Antidiscrimination", rappelle Unia sur son site Internet. "L’affaire a débouché sur un compromis extrajudiciaire et une indemnisation à concurrence de trois mois de salaire brut pour la victime. Parallèlement, l’entreprise s’est engagée à œuvrer à l’optimalisation de sa politique de diversité et de non-discrimination en collaboration avec le Centre et le MRAX."

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