Emmanuel Macron relance le nucléaire : « Il reprend les vieilles recettes des 30 Glorieuses » fustige Guillaume Gontard

Emmanuel Macron relance le nucléaire : « Il reprend les vieilles recettes des 30 Glorieuses » fustige Guillaume Gontard

Le Président de la République a annoncé mardi soir la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Au Sénat, la droite se félicite de la relance du parc nucléaire français, mais appelle à aller plus loin, alors que les écologistes alertent sur un potentiel gouffre financier et les incertitudes technologiques.
Louis Mollier-Sabet

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À quelques mois de l’élection présidentielle, la politique française se chauffe avec des débats sur notre mix énergétique. De la flambée des prix de l’énergie ces derniers mois à la COP26, en passant par la remise du rapport de RTE, la rentrée politique a été électrique. Emmanuel Macron, président de plus en plus candidat, s’est saisi de cette séquence, il y a un mois déjà, en détaillant son plan « France 2030 » qui prévoyait de « réinventer le nucléaire. » Il a posé un nouveau jalon dans la reconstruction du parc nucléaire français mardi soir en annonçant que, « pour la première fois depuis des décennies », la France allait « relancer la construction de réacteurs nucléaires. » Le chef de l’Etat n’a pas précisé pour combien de réacteurs il engageait la France dans cette voie, ni sur quelle technologie ceux-là reposeraient, ou même selon quel calendrier cette construction aurait lieu.

>> Voir notre article : France 2030 : Emmanuel Macron veut « réinventer le nucléaire »

Parmi les hypothèses sur la table figure une proposition d’EDF de mai dernier qui misait sur la construction de 6 « EPR2. » Le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, auditionné ce matin au Sénat, a affirmé que EDF « était prêt » à lancer la construction de nouveaux réacteurs, en précisant que « le plus urgent » était de lancer la validation des permis de construire et autorisations nécessaires. Dans les 3 scénarios de RTE reposant sur la construction de nouveaux réacteurs pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’option la plus économe en nouveaux réacteurs demande tout de même la construction de 8 nouveaux EPR, tandis que pour maintenir la part du nucléaire à 50 % de notre électricité produite en 2050, il faudrait construire 14 nouveaux EPR et « quelques » petits réacteurs modulaires dits « SMR. »

>> Voir notre article : Que faut-il retenir du rapport de RTE qui prévoit une neutralité carbone en 2050 ?

« On est libérés d’un tabou »

La majorité sénatoriale a, sans grande surprise, accueilli la nouvelle avec un certain soulagement. « C’est une bonne nouvelle pour l’industrie et la décarbonation de notre énergie » se félicite par exemple Gérard Longuet. Mais, en se basant sur l’hypothèse de 6 nouveaux EPR, le sénateur LR de la Meuse reste inquiet : « Le parc vieillit et l’électricité va continuer à être consommée dans des proportions de plus en plus importantes. Donc 6 réacteurs, c’est bien, mais ça n’épuise pas le sujet. » Symboliquement et politiquement, la droite reconnaît l’avancée, mais en demande plus : « On est libérés d’un tabou, mais quantitativement, il faudrait quand même s’approcher de la réalité industrielle d’une relance du parc français. »

Du côté du groupe écologiste, on a moins apprécié les annonces présidentielles, c’est le moins que l’on puisse dire. Sur la forme, le président du groupe, Guillaume Gontard, regrette un discours « digne des années 1970 » : « Emmanuel Macron décide tout seul d’engager la France dans la re-nucléarisation, sans débat démocratique. C’est un discours digne des années 1970, qui annonce sans discussion la construction de centrales nucléaires en reprenant les recettes des 30 Glorieuses. » D’après lui, les arguments avancés par le Président de la République sur la souveraineté énergétique que représente le nucléaire et son faible coût sont loin d’être justifiés : « On importe l’uranium, donc l’argument de la souveraineté ne tient pas, et on choisit la production électrique la plus chère qui pourrait exister. On l’a vu avec Flamanville, entre les estimations et la réalité, cela peut varier du simple au triple. »

Les écologistes voient dans la relance du nucléaire une perte de temps et de ressources. « Cela va prendre plusieurs dizaines d’années de faire fonctionner ce nouveau nucléaire et en attendant il va falloir produire de l’électricité décarbonée, il faut donc mettre le paquet sur les renouvelables » martèle Guillaume Gontard. Surtout, comme le disait Sandrine Rousseau dans la matinale de Public Sénat ce matin, le nucléaire est un alibi pour « ne rien changer » en termes de mode de vie et d’organisation sociale. Pour le président du groupe écologiste au Sénat, « derrière cette course un peu folle au nucléaire de la droite, dont Emmanuel Macron est maintenant clairement le candidat », il y a « l’idée que la sobriété, on verra plus tard, on ne change rien. » Une fuite en avant « dangereuse » au vu « des enjeux climatiques actuels. »

>> Pour aller plus loin sur la question de la sobriété énergétique dans le débat sur la neutralité carbone : Rapport de RTE : la consommation d’énergie, grande absente du débat sur la neutralité carbone

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