Mariage dans l’industrie spatiale wallonne : Amos monte à bord de la pépite Aerospacelab
Alors qu’elle n’a que six ans d’existence, la scale-up Aerospacelab fondée par Benoît Deper rachète Amos, acteur historique de l’industrie spatiale belge. Avec un effectif consolidé de 330 personnes, Aerospacelab devient le deuxième employeur du secteur.
- Publié le 15-04-2024 à 06h35
Aerospacelab, nouvelle étoile montante de l’industrie technologique wallonne, connaît une croissance spectaculaire depuis ses premiers pas au printemps 2018. Seul à bord lors de la création de la société, Benoît Deper a rapidement fait parler de lui et de ses micro-satellites “low cost” d’observation de la Terre. Aujourd’hui, l’entreprise de Mont-Saint-Guibert emploie plus de 230 personnes et a construit une première usine de fabrication de satellites à Louvain-la-Neuve. Une “megafactory” de 16,000 m2 est en chantier à Marcinelle. Présente aussi à Toulouse, à Lausanne et à Palo Alto (Californie), elle a déjà déployé, avec succès, huit satellites en orbite.
Dans sa course aux étoiles, Aerospacelab vient de franchir une nouvelle étape majeure en réalisant sa première opération de croissance externe. La pépite brabançonne n’a pas dû aller bien loin pour trouver la cible de son choix puisqu’il s’agit de l’entreprise liégeoise Amos. Fondée en 1983, Amos est devenue, en quarante ans, une entreprise aérospatiale de premier plan.
Amos, dirigée depuis deux ans par Damien Kaivers, est surtout reconnue, au plan international, pour ses systèmes opto-mécaniques utilisés dans l’astronomie professionnelle, dont des télescopes de très haute précision, et l’observation de la Terre (capteurs spatiaux). L’entreprise conçoit et fabrique aussi des solutions opto-mécaniques pour les laboratoires et l’industrie. Installée dans le Science Park de Liège, au Sart Tilman, elle emploie une centaine de personnes et réalise un chiffre d’affaires de l’ordre de 15 millions d’euros, avec des clients situés aussi bien en Europe (dont Airbus, OHB et Thales Alenia Space), qu’aux États-Unis, au Chili, en Inde ou encore en Turquie.
"Amos est sur le très haut de gamme. C'est un peu la Formule 1 du télescope. Aerospacelab, de son côté, a plutôt attaqué le 'good enough'. Il était assez naturel qu'on se rapproche."
Aerospacelab et Amos se connaissent bien. Les deux entreprises ont déjà travaillé ensemble, notamment dans le cadre d’un projet de l’Agence spatiale européenne (Esa). Le mariage a aussi été grandement facilité par la présence, dans leur capital, de deux actionnaires communs : Wallonie Entreprendre et Noshaq. “Ce n’est pas un mariage forcé ! Si cela avait été le cas, je ne l’aurais pas accepté”, assure toutefois Benoît Deper dans un entretien exclusif à La Libre. Les deux entreprises sont actives dans l’observation de la Terre, mais avec des positionnements différents. “Amos est sur le très haut de gamme. C’est un peu la Formule 1 du télescope. Aerospacelab, de son côté, a plutôt attaqué le 'good enough' (”suffisamment bon”, NdlR) avec une stratégie d’intégration verticale. Le très haut de gamme continue à avoir du succès, porté principalement par les agences spatiales, les gouvernements et les missions scientifiques. Dans le 'good enough', on voit aussi une montée en qualité. Les clients veulent de plus en plus des données terrestres qualitatives. Il était donc assez naturel qu’on se rapproche”.
Aerospacelab a racheté 100 % du capital d’Amos. Le montant ? Secret défense. L'entreprise sera en tout cas maintenue à Liège et il n’est pas exclu qu’Aerospacelab décide d’investir dans un accroissement des capacités de production d’Amos. “Nous apportons quarante années d’expertise approfondie dans une grande variété de technologies optiques critiques pour les applications spatiales et terrestres, souligne Damien Kaivers. Ensemble, nous explorerons des synergies évidentes afin de concevoir des solutions innovantes pour répondre aux besoins de nos clients et continuer à renforcer les activités traditionnelles d’Amos”.
”Cette acquisition stratégique représente un moment charnière pour les deux entreprises, prolonge Benoît Deper. Nous allons combiner nos expertises, nos ressources et nos talents pour accélérer les progrès technologiques dans la fabrication et le déploiement de satellites”. Et l’entrepreneur de 37 ans, passé par la Nasa et l’Esa après ses études d’ingénieur civil à l’UCLouvain, de conclure : “Nous entendons promouvoir une culture de l’innovation qui favorisera le développement de technologies spatiales de pointe et nous permettra de rester à l’avant-garde du secteur”.
Premiers revenus en 2023. Et seuil de rentabilité fin 2025 ?
Aerospacelab effectue un sans-faute depuis ses débuts en 2018. Avec la mise sur orbite de 8 satellites à ce jour (dont quatre le mois dernier), la scale-up wallonne a fait la démonstration de sa capacité à ouvrir la voie à un accès efficace et abordable à l’espace avec une offre diversifiée (satellites clés en main, plateformes satellitaires, avionique et sous-systèmes).
L’entreprise a dégagé ses premiers revenus en 2023, avec un chiffre d’affaires proche des 10 millions d’euros. “On est sur une trajectoire où on devrait plus que doubler nos revenus cette année. Pour 2025, c’est encore un peu tôt pour se prononcer car nous sommes en train de négocier les contrats, explique Benoît Deper. Nous avons l’ambition d’atteindre le break-even pour fin 2025”. Et, si les contrats se concrétisent, Aerospacelab ne devrait plus devoir opérer de grosse levée de fonds pour atteindre ce seuil de rentabilité.
Le chantier de la “megafactory”, à Marcinelle, suit son cours. L’entreprise reste sur le calendrier annoncé, à savoir une fin du chantier fin 2025 et une mise en service progressive à partir de 2026.
Du côté des Etats-Unis, la traction commerciale d’Aerospacelab commence à s’accélérer. À tel point que l’entreprise envisage de construire une salle d’assemblage de ses satellites dans la région de Los Angeles afin de répondre aux demandes de certains clients.