Des jeunes célèbrent l'ouverture de l'Oktoberfest, tradionelle fête de la bière de Munich, en Allemagne, le 19 septembre 2015

Des jeunes célèbrent l'ouverture de l'Oktoberfest, tradionelle fête de la bière de Munich, en Allemagne, le 19 septembre 2015

afp.com/CHRISTOF STACHE

Les temps sont durs pour la jeunesse. Du moins, c’est la perception qui prédomine aujourd’hui dans le débat public. Pour illustrer cette apparente évidence, quelle meilleure image que celle des files d’étudiants attendant les distributions alimentaires durant la crise sanitaire ? Par-delà ce symbole, les difficultés économiques des jeunes sont largement documentées. En France, le baromètre annuel publié par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) en 2021 indique que 28 % des 18-29 ans ont déclaré rencontrer des difficultés économiques, et 36 % estiment leur qualité de vie inférieure à celle de leurs aînés.

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A la précarité s’ajoute un mal-être psychologique en augmentation. Selon le rapport de l’association Nightline, publié en juin 2022, 43 % des étudiants souffrent d’une détresse psychologique, 36,6 % de symptômes dépressifs et 27,5 % de symptômes d’anxiété. Autrefois perçue comme une période d’insouciance et d’espoir, la jeunesse actuelle semble accablée par le doute et l’angoisse. Et pourtant : d’après un article de The Economist, la génération Z (les personnes nées entre 1997 et 2010) n’est pas si à plaindre.

Certes, le magazine britannique reconnaît les difficultés rencontrées par la "GenZ", cette "génération anxieuse", pour reprendre les mots du célèbre psychologue social Jonathan Haidt. "Les jeunes d’aujourd’hui, écrit The Economist, sont moins enclins à nouer des relations que ceux des générations précédentes. […] Ils sont moins enclins à boire, à avoir des relations sexuelles, à être en couple – en fait, à faire quoi que ce soit d’excitant. Selon les données officielles, les Américains âgés entre 15 et 24 ans consacrent en moyenne 38 minutes par jour à la socialisation en personne, contre près d’une heure dans les années 2000."

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En dépit des défis rencontrés, affirme The Economist, la "GenZ" jouit toutefois d’une prospérité sans précédent et dispose de ressources financières supérieures à celles des générations antérieures. Aux Etats-Unis, "le revenu annuel moyen d’un ménage âgé de 25 ans est supérieur à 40 000 dollars, soit plus de 50 % de plus que le revenu moyen d’un baby-boomer du même âge".

Un taux de chômage exceptionnellement bas

Les jeunes d’aujourd’hui bénéficient non seulement de salaires plus élevés, mais ils connaissent également une progression salariale plus rapide que les générations précédentes : "Aux Etats-Unis, la croissance du salaire horaire des 16-24 ans a récemment atteint 13 % d’une année sur l’autre, contre 6 % pour les travailleurs âgés de 25 à 54 ans. […] En Grande-Bretagne, où la rémunération des jeunes est mesurée différemment, les personnes âgées de 18 à 21 ans ont vu l’an dernier leur salaire horaire moyen augmenter de 15 %, soit une hausse plus importante que celle des autres tranches d’âge. En Nouvelle-Zélande, le salaire horaire moyen des personnes âgées de 20 à 24 ans a augmenté de 10 %, contre 6 % en moyenne."

En France aussi, les jeunes voient leur situation s’améliorer : "En 2007, le revenu net moyen des Français âgés de 16 à 24 ans représentait 87 % de la moyenne nationale. Aujourd’hui, il est égal à 92 %."

Si la "GenZ" bénéficie d’un pouvoir économique jamais égalé, c’est surtout dans son rapport au travail qu’elle se démarque des générations précédentes. Alors que les "milléniaux" (personnes nées entre le début des années 1980 et la fin des années 1990) entraient sur le marché du travail au moment où le monde se remettait tout juste de la crise financière de 2007, la génération Z sort des études dans un contexte bien plus favorable. En témoigne un taux de chômage des jeunes du "monde riche" exceptionnellement bas, aux alentours de 13 %, atteignant ainsi les chiffres de 1991.

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Cette différence se manifeste également dans la pop culture, note le magazine. "La célèbre chanson Work Bitch de Britney Spears, sortie en 2013, contient un message sans concession à l’intention des jeunes milléniaux : pour avoir ce que l’on veut, il faut trimer." Neuf ans plus tard, Beyoncé chante "Now, I just fell in love. And I just quit my job. I’m gonna find new drive" ("Je suis tombée amoureuse. Et je viens de quitter mon travail. Je vais trouver un nouveau moteur"), reflet d’une génération qui cherche ses sources d’épanouissement en dehors de la réussite professionnelle et profite d’un marché du travail plus flexible qu’auparavant.

"On peut avoir l’impression que les ‘milléniaux’ ont grandi en pensant qu’un emploi était un privilège, et qu’ils ont agi en conséquence. Ils sont déférents envers les patrons et désireux de plaire. Les ‘zoomeurs’, en revanche, ont grandi en pensant qu’il existe un droit à l’emploi, ce qui signifie qu’ils ont une attitude différente à l’égard du travail. L’année dernière, les membres de la génération Z se sont vantés de leur ’démission tranquille', qui consiste à faire juste assez d’efforts pour ne pas être licenciés", renchérit The Economist.

Une évolution du rapport au travail confirmée par les données. Le magazine explique qu’en 2022, les Américains âgés de 15 à 24 ans ont consacré 25 % de temps en moins aux activités liées au travail qu’en 2007. Par conséquent, la "GenZ" est aussi moins susceptible de produire des entrepreneurs à succès : "A l’époque, les experts étaient obsédés par les très jeunes fondateurs d’entreprises technologiques, tels que Mark Zuckerberg (Facebook), Patrick Collison (Stripe) et Evan Spiegel (Snapchat). Aujourd’hui, en revanche, moins de 0,5 % des membres de la liste Forbes sont des ‘zoomers’. Qui peut citer un fondateur de start-up célèbre de la génération Z ?"

Bien que la "GenZ" compte moins de figures emblématiques comme Zuckerberg, elle profite d’un contexte qui n’a jamais été aussi favorable pour les jeunes. Une note d’espoir bienvenue dans une époque prompte à la mélancolie ?

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