Alain Bashung est une légende. Décédé des suites d’un cancer le 14 mars 2009, le chanteur n’a pas cessé de faire parler de lui. Celui qui a toujours été un rebelle dans l’âme a décidé de ne suivre aucune règle jusqu’à la fin. Si la justice française interdit un défunt parent de déshériter ses enfants, l’artiste à succès en a décidé autrement. Si son nom résonne pour ses succès indélébiles de la chanson comme « La nuit je mens » ou encore « Osez Joséphine » qui lui ont permis d’acquérir un patrimoine de plusieurs millions d’euros, son nom a continué de faire parler après sa disparition. 

L’interprète aurait en effet souhaité déshériter son fils Arthur et léguer l’intégralité de ses droits d’auteur, de sa fortune monétaire et de ses biens à sa veuve Chloé Mons. Une décision qui a rapidement créé un scandale familial. Lumière sur les rumeurs et les dernières volontés du grand Alain Bashung. 

La création d’un mythe

Né d’une idylle passagère entre une mère ouvrière dans une usine automobile et un père Kabyle dont il ne connaîtra jamais l’identité, Alain Bashung n’était pas prédestiné à la vie d’artiste. Le jeune garçon sera élevé par sa mère et son beau-père Roger Bashung dont il prendra le nom. Il grandit en Alsace et finit par découvrir le rock’n’roll : « J'avais l'impression que chaque morceau m'était adressé personnellement, pour la première fois je me suis senti heureux ». Il produit ses premiers 45 tours à l’âge de dix-neuf ans mais ne recevra la consécration que dix ans plus tard avec le titre « Gaby oh Gaby ». Au cours de sa carrière, Alain Bashung signera de sa voix et de sa plume près de douze albums de son vivant et deux autres posthumes. Il sera le chanteur le plus récompensé aux Victoires de la musique et frôlera également les planches en tant que comédien dans seize films. 

En amour, l’artiste se mariera trois fois dont deux premières unions avec la même femme : Chantal Monterastelli. Ensemble, ils accueilleront son fils aîné Arthur en 1983. De son troisième mariage avec Chloé Mons, il connaîtra une seconde fois la paternité avec la naissance de Poppée Bashung le 22 janvier 2001. C’est deux mois après que sa cadette a soufflé ses huit bougies que le chanteur perd la vie des suites de son cancer des poumons. Entouré des siens, il s’est endormi à l’hôpital Saint-Joseph à Paris alors qu’il avait dû annuler des dates de concert en raison de son état de santé. 

Si le portrait de famille et des légitimes héritiers semblait clairement dressé lors de son décès, à la lecture de son testament le constat est sans appel pour Arthur. Le fils aîné d’Alain Bashung serait déshérité ! 

Arthur, le fils déshérité 

Les relations entre Alain Bashung et Arthur n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille. En effet, père et fils ont longtemps été fâchés. Si les causes de cette brouille n’ont jamais été révélées, les deux hommes n’auraient pas été en contact pendant plusieurs années. C’est sur son lit de mort qu’il décidera de reprendre contact avec son fils. Par un coup de téléphone, il demandera à ce dernier de venir lui rendre visite à l’hôpital. C’est le 11 mars 2009, soit trois jours avant la mort d’Alain Bashung, que cette visite aura lieu. Malgré cette volonté de renouer correctement avec son premier enfant, le temps agira contre eux, le chanteur rendra son dernier souffle le 14 mars 2009. 

Le 20 mars, Arthur assistera aux obsèques de son père, une première douche froide pour le jeune homme. Comme le rapporte Bernard Pascuito dans son ouvrage « Les héritiers » : « La cérémonie à Saint-Germain-des-Prés se passe d'une façon encore frustrante, humiliante pour Arthur qui est traité comme un étranger, qui ne se trouve même pas dans le carré avec la famille. Il est parmi les autres invités. » Un comportement qui renforcera son sentiment d’isolement face à la mort de son père. « Arthur se sent complètement mis à l'écart de la fin de la vie de son père et même de la mort de son père », expliquait le journaliste Vincent Guillot.

Très rapidement, la question autour de l’héritage du chanteur va prendre de l’importance. Au lendemain des funérailles de l’artiste s’opère la lecture de son testament rédigé le 1er février 2008 à Paris. Un énième choc à vivre dans cette douloureuse épreuve pour son fils. En 2018, la première épouse d’Alain Bashung, Chantal Monterastelli, revenait sur ses dernières volontés inattendues auprès du « JDD » : « Bien que la loi française stipule qu'il est impossible de déshériter un enfant, il est possible de la contourner. Ça a été le cas. Le lendemain de l'enterrement de son père, en mars 2009, Arthur a eu le choc de recevoir le testament. » 

La surprise fut de taille pour Arthur. En effet, même s’ils étaient éloignés l’un de l’autre, le fils aîné du clan aurait voulu ne pas être totalement écarté de la succession. Plus qu’une vision financière de l’héritage de son père, il souhaitait conserver des souvenirs de son enfance. « Il avait demandé à récupérer une guitare qu'Alain lui avait promise, ainsi qu'une collection de 33 tours de rock qu'il avait mise de côté pour lui et des cassettes audios portant son prénom qui contenaient des enregistrements que père et fils avaient faits ensemble. Arthur n'a rien eu. Aucun souvenir. C'est très violent à encaisser. La vraie blessure, c'est le déni de reconnaissance », confiait Chantal Monterastelli au « Journal du Dimanche » en 2018.  

Une décision de son père qu’Arthur aura du mal à digérer laissant une certaine amertume qui ne trouvera jamais de réponse. « Je mets cela derrière moi, avec une certaine rancœur », confiait-il au « Journal du dimanche » en 2018.  

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Une veuve en seule héritière

Entre Alain Bashung et Chloé Mons, tout commence en 1999. Les deux tourtereaux, de vingt-sept ans d’écart et passionnés de musique, tombent éperdument amoureux alors qu’ils se rencontrent lors d’un tournage. La veuve du chanteur expliquait au « Parisien » cette connexion immédiate : « J'avais 24 ans et j'étais engagée sur le tournage du clip de "La nuit je mens". Je ne connaissais pas tellement l'œuvre d'Alain. Ça a été tout de suite électrique entre nous, comme une évidence. » Une rencontre qu’elle juge « percutante » et qui les mèneront à près de dix ans d’amour, un mariage et la naissance d’une petite fille nommée Poppée en 2001. Une relation qui lui sera pourtant reprochée comme mal honnête après le décès de son mari étant sur le papier la seule héritière : « On s'est aimés à la scène comme à la ville et ça ne plaît pas. On vivait notre amour comme une mini-tribu. On fonctionnait à deux et, dans le monde du show-biz, ça ne se fait pas. Cela provoque beaucoup de jalousie, de haine. Je paye tout ça. On le vivait tout le temps avec Alain et il m'a beaucoup protégée. Cela fait partie de ma vie, c'est comme ça », confiait la veuve de l’artiste en 2018 au « Parisien ».  

Un duo comme isolé du reste du monde qui se confirmera au lendemain du décès du chanteur. En effet, sur le testament, Chloé Mons figure comme étant la seule héritière de son mari selon Arthur et Chantal. Sa première épouse confiait à ce sujet au « JDD » en 2018 : « Alain avait laissé à sa veuve tous ses droits d'auteur, bénéfices artistiques, biens, meubles et effets personnels. Concrètement, jusqu'à la mort de sa belle-mère, qui n'est pas beaucoup plus âgée que lui, Arthur ne pourra rien percevoir. De plus, il n'a aucun droit de regard sur l'utilisation de l'image de son père. »

Sa veuve est également revenue sur la relation entre Alain Bashung et son fils lors de leur rencontre. Une entente qu’elle qualifie de « difficile » : « Ils ne se sont pas vus pendant deux ans. Et oui, un jour, j'ai appelé Arthur pour lui demander de venir voir son père à l'hôpital. Encore une fois, moi, je suis arrivée dans la vie d'un homme libre. Je n'ai séparé personne. Quand j'ai rencontré Alain, il était seul comme un chien. Sa relation avec Arthur était déjà complexe, voire difficile. Mais c'était leur histoire, je ne peux pas m'exprimer dessus. »

Après le décès de l’artiste, sa famille s’est très clairement déchirée en deux clans représentés par ses deux femmes et ses deux enfants. Portant des propos aux extrêmes opposés, c’est bien loin des accusations de Chantal et Arthur concernant le testament du chanteur que Chloé affirmera en 2018 auprès du « Parisien » : « Alain n'a déshérité personne. » Elle ajoute : « Cette affirmation était fausse et m'a blessée ainsi que Poppée. Que dire de ces gens ? C'est leur problème, leurs fantasmes. Quand on rencontre quelqu'un de connu, comme moi, on est immédiatement soupçonné du pire, cela fait partie du package. » Elle décrit alors l’artiste, à « Paris Match », comme étant pleinement conscient de ses choix avant son décès : « Alain était sur scène quasiment jusqu'à la veille de sa mort. En pleine conscience de tout, il a pris toutes ses décisions, seul ! C'était un homme qui savait ce qu'il faisait. »

Cependant, malgré ses démentis, pour Chloé Mons, l’histoire après le décès de son mari résonne bien différemment. Selon les révélations d’Arthur et de Chantal Monterastelli, elle aurait été la seule bénéficiaire et exécutrice testamentaire du patrimoine laissé par la star. La mère de Poppée a pu s’installer dans « la maison d'Alain Bashung, mais aussi de bénéficier des retombées de son œuvre artistique, et ce, jusqu'à sa mort », confirmait Jean-Marc Morandini dans l’émission « Héritage » sur NRJ 12. Un droit d’héritage qui ne pourra changer, en respect des dernières volontés du défunt. Pour hériter de son père Arthur devra attendre qu’il arrive un malheur à Chloé Mons. L’avocat Emmanuel Pierrat affirmait que « la propriété réelle des titres, elle, reviendra aux héritiers légaux, les enfants, les ascendants, ceux qui sont indéboulonnables, qui sont des héritiers réservataires ». Une règle qui ne pourra s’appliquer que lorsque l’héritière désignée sera à son tour décédée. Une dernière douche froide pour le non-héritier. Alain Bashung ayant épousé une femme très jeune, seulement neuf ans séparent Chloé Mons, âgée de 51 ans et Arthur âgé de 42 ans. Un faible écart d’âge qui scelle le destin du fils aîné du clan.  

Un accord passé ? 

Quelques années après le décès de l’interprète de « La nuit je mens », Arthur décide d’attaquer en justice sa belle-mère. Un procès mené en 2013 que le fils aîné du clan perdra. Pour autant, cette discussion devant le tribunal aurait pu avoir un impact sur la succession de l’artiste. Benjamin Locoge, journaliste de « Paris Match », révélait qu’une entente sur la fortune du chanteur aurait été trouvée entre les deux protagonistes : « Entre Chloé Mons et Arthur, il y a eu des arrangements trouvés », a-t-il assuré. 

En mars 2018 à « Paris Match », la veuve du célèbre interprète continuait d’affirmer que le fils de Chantal Monterastelli n’avait pas été supprimé de l’héritage de son père. Elle dévoile alors en s’appuyant sur le verdict juridique qu’elle divulguera publiquement : « On voit notamment, dans le jugement rendu par le tribunal, à qui a été distribué l'argent. Il n'est pas allé qu'à moi. Dans ce jugement, il est intéressant de voir que les termes du testament sont repris. Ce sont des phrases qu'Alain avait écrites, c'était sa volonté. Personne n'a été déshérité, Alain a été extrêmement équitable avec tout le monde. » 

Depuis, son fils et sa dernière épouse « ne se parleront plus jamais » et vivent leur vie bien loin de cette sombre histoire de famille. Encore aujourd’hui Chloé Mons continue de faire vivre la mémoire musicale de son mari notamment à travers la sortie en septembre 2023 d’un coffret de réédition de cinquante titres de jeunesse du chanteur : « De Bashung à Bashung ». Des titres qu’il avait reniés, mais qui ont finalement vu le jour grâce à Chloé Mons qui justifie son choix en révélant : « Quand un artiste disparaît, la perception de son œuvre change radicalement. D’un seul coup, tout devient intéressant, car il s’agit de comprendre un parcours. »

Dix ans après cette histoire juridique à scandale, c’est l’icône de la musique rock, Johnny Hallyday qui réitérera ce choix en léguant toute sa fortune et ses biens à sa veuve Laeticia Hallyday et déshéritant totalement ses deux enfants issus de ses premières unions Laura Smet et David Hallyday.