Les 10 traboules qu’il faut voir absolument

Tribune de Lyon vous propose sa liste subjective des 10 traboules qu’il faut voir absolument.

© Pierre Ferrandis / Susie Waroude

« Si vous pouvez éviter d’envoyer les gens dans la “longue traboule”, les habitants n’en peuvent plus… » Au moment de concevoir notre liste de 10 traboules incontournables, nous avions évidemment en tête le passage reliant la rue du Bœuf à la rue Saint-Jean à travers cinq cours et quatre immeubles. Mais un coup de fil à l’office de tourisme afin de ne pas rater de petit bijou méconnu nous en a dissuadés. 



Nous prenons donc rendez-vous avec une guide conférencière, Delphine Godefroy, afin d’imaginer un parcours sortant des sentiers battus. Enfin, tout est relatif. Avec seulement 49 cours et traboules conventionnées sur 500 identifiées, le vivier n’est pas illimité et la liste est connue des Lyonnais. Néanmoins, certaines reçoivent nettement plus de visites que d’autres. Ainsi, au premier jour des vacances scolaires, le Vieux-Lyon fourmille de touristes, cornets de glace dans une main et plan de la ville dans l’autre.



 
1/ 60 rue Saint-Jean, la télégénique

Ainsi l’élégante cour de la Maison des Avocats, qui accueille le musée Cinéma et Miniature et se donne à voir depuis la rue de la Bombarde, déborde-t-elle de monde. 


 
2/ 58 rue Saint-Jean, l’écolo

Pourtant, quelques mètres plus loin, personne ne semble se soucier de cette étroite allée bordée par un stand de crêpes. La porte est pourtant ouverte puisque la cuisine du restaurant voisin s’y trouve. Appartenant à un bailleur social, l’immeuble a récemment fait l’objet d’une expérimentation. Afin de remplacer le ciment appliqué sur les murs lors de précédentes rénovations, posant des problèmes d’humidité, et plutôt que la chaux traditionnellement employée, un enduit isolant et écologique a été appliqué. 


3/ 4 rue Saint-Jean, l’étoilée 

En approchant de la place du Change, une jolie porte en bois s’ouvre sur un couloir sombre et sans charme… avant que les appliques murales n’éclairent le plafond. La voûte laisse alors soudain apparaître un ciel étoilé du XVIIe siècle qu’il a fallu préserver. « Une aide publique a été votée en urgence, mais les copropriétaires n’avaient pas prévu de la conventionner à l’origine », précise notre guide. Sans l’aide de la Ville, non seulement la fresque aurait dépéri, mais personne ne l’aurait jamais vue. 


 
4/ 10 rue Lainerie, le tourbillon

« Les gens pensent que le Vieux-Lyon s’arrête ici, rares sont ceux qui poussent jusqu’à Saint-Paul », souffle Delphine Godefroy. Difficile d’imaginer qu’à côté des étals d’une supérette Vival anonyme se cache un fabuleux escalier à vis formant un hypnotisant tourbillon, « digne de chez les Gadagne », s’enthousiasme notre guide. 


5/ 8 rue Juiverie, le joyau

Plus l’ombre d’un touriste ici. Deux dames d’un âge promènent leur chien, des collégiens rentrent de cours. Tout ce petit monde passe comme si de rien n’était devant la galerie Philibert-Delorme, merveille de 1536 ! « Régis Neyret disait que c’était le plus beau HLM de France », sourit Delphine Godefroy, précisant que le site en est à sa deuxième restauration. Et cela se voit à en juger par la finesse des détails de la façade, « étudiée par les étudiants en histoire de l’art »


6/ 6 place des Terreaux, la funeste

Changement d’ambiance une fois la Saône traversée. Ici l’histoire est tout autre : « La plupart des traboules sont à la Croix-Rousse », nous rappelle-t-on. Constellé d’innombrables cours, le Vieux-Lyon ne compte paradoxalement que trois traboules sous convention. Pourtant, celles situées sur les Pentes n’ont pas grand-chose à voir. « Les traboules du Vieux-Lyon sont d’héritage médiéval, elles remontent au XVe siècle et sont les plus belles au sens de l’histoire de l’art. » Croisées d’ogives de style gothique flamboyant, galeries à arcades en anse de panier, puits, pavés têtes de chat : la véritable carte postale.

« Celles de la Croix-Rousse racontent une histoire sociale, celle de la fabrique, au XIXe siècle », ajoute notre guide. Sur les Pentes, l’idée n’est pas de faire du commerce mais d’optimiser la place dans un secteur extrêmement contraint et de ménager des traversées. Ainsi, rien de notable architecturalement dans ce petit chemin de traverse débouchant au 12 rue Sainte-Catherine. Si ce n’est que c’est l’endroit où furent raflés 86 juifs sur les ordres de Klaus Barbie le 9 février 1943. Un traumatisme pour Lyon qui a joué pendant la Seconde Guerre mondiale le rôle d’arche des juifs d’Europe.


 7/ 4 rue Désirée, la contestataire

Puisque l’histoire de Lyon s’écrit au présent, cette traboule est rentrée dans la légende en octobre 1999, du fait de son implantation stratégique. Non seulement le passage débouche au 7 rue Puits-Gaillot, descendant à travers plusieurs volées d’escalier jusqu’à l’hôtel de ville, mais il a un temps accueilli les locaux de Lyon Capitale.

Lorsque le président chinois Jiang Zemin fut reçu en mairie de Lyon, le journal permit au dissident Wei Jingsheng d’interpeller le chef d’État au mégaphone depuis le balcon, au nez et à la barbe d’un service de sécurité qui ignorait tout de ce passage secret. Depuis, la traboule mérite son surnom de « traboule des droits de l’homme ». 


 8/ 29 rue Imbert-Colomès, la canute

Plus haut dans les Pentes, impossible de ne pas citer la cour des Voraces, qui, en dépit de sa popularité internationale, voit davantage passer de Lyonnais débaroulant de la Croix-Rousse que de touristes. Loin d’un folklore désuet en voie de disneylandisation, les Croix-Roussiens n’ont jamais cessé de trabouler. Lors des rassemblements nocturnes sauvages contre la réforme des retraites début 2023, ces passages ont d’ailleurs donné lieu à de longues heures de jeu du chat et de la souris entre forces de l’ordre et manifestants. 


9/ 5 petite rue des Feuillants, la majestueuse

En redescendant vers le Rhône, impossible de manquer cet escalier à couper le souffle, rescapé d’un couvent du XVIIe siècle. Noircie jusqu’à sa restauration il y a une vingtaine d’années, sa blancheur immaculée lui a été rendue après conventionnement avec la copropriété, qui donne également sur le 4 rue de Thou. 


10/ 9 rue Laurencin, la seule en Presqu’île

Notre tour s’achève dans la cour des Trois-Passages, seule cour conventionnée en Presqu’île, qui compte pourtant d’innombrables passages rue des Marronniers, rue Mercière, rue Auguste-Comte, rue Tupin ou encore rue Franklin. Elle sert néanmoins de parking et mériterait un sérieux rafraîchissement.


Rodolphe Koller, photos Pierre Ferrandis

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