C'est l'histoire d'une campagne européenne qui prend l'eau de toutes parts. À quarante-neuf jours du scrutin européen, l'ambiance est défaitiste dans le camp majoritaire. Avec un retard de 14 à 16 points sur la liste de Jordan Bardella, celle du président de la République est désormais plus près de la troisième place que de la première. Le scénario d'une Bérézina se dessine en juin. Et derrière, celui d'une fin de quinquennat cauchemardesque apparaît.
C'est donc avec le vent de face qu'Emmanuel Macron se lance dans la campagne. Sa dernière élection nationale. Cet éternel optimiste va tout donner : photos avec sa tête de liste, discours sur l'Europe (jeudi à la Sorbonne), interviews, tribunes et déplacements en mai et juin. L'Élysée mise sur un « effet commémo » avec la célébration, en juin, du 80e anniversaire du débarquement de Normandie. Pas certain que ça marche autant que l'« effet drapeau » qui lui avait permis pendant la dernière présidentielle de s'appuyer sur la guerre en Ukraine.
En metteur en scène de la campagne et en directeur de casting pour le rôle-titre (Valérie Hayer), Emmanuel Macron risque de voir les électeurs, surtout âgés, changer de théâtre et préférer une autre distribution... Car, depuis sa réélection, tout se passe comme si les catégories les plus macronistes le quittaient, les unes après les autres. Les jeunes et le salariat avaient déjà commencé à le lâcher en 2022. Cette fois, ce sont les cadres et surtout le troisième âge qui semblent tentés par la grande bascule.
Une situation défensive
Jusqu'à présent, les retraités formaient un « plafond en béton armé », selon l'expression de Patrick Buisson, politologue issu de l'extrême droite décédé récemment. Un « front des retraités » qui ne se donnerait jamais aux Le Pen, croyait-on. Mais voilà, en deux ans, la déception et les doutes ont rattrapé l'électorat de la majorité. Davantage que les crises sociale et inflationniste, c'est le sentiment d'une perte de repères qui plonge cet électorat âgé dans une perplexité abyssale. L'exacerbation des violences (encore un jeune agressé hier à Grande-Synthe) et la montée de la crise migratoire, conjuguées avec l'usure du pouvoir, placent Emmanuel Macron dans une situation défensive.
Bien accueillie, la nomination de Gabriel Attal présentée comme l'arme anti-Bardella n'a pas, pour l'instant, produit les effets escomptés. Sa popularité chute rapidement et, même si la campagne n'a pas véritablement démarré, le plus jeune Premier ministre écope déjà sur de nombreux fronts : l'agriculture, l'école minée par les violences et attaquée par l'islamisme, la dette record. La passe d'armes avec le ministre des Finances sur les remèdes à l'endettement a fini par saper l'un des derniers atouts du macronisme: la compétence supposée sur le terrain économique. Le camp
Le Pen a aussitôt ironisé sur le « Mozart devenu tocard » et pourrait rafler la mise avec Jordan Bardella, le roi des reniements européens.
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