Nicolas Bedos se met à nu

Tout nu, entouré d'une serviette, dopé par une série de pompes, Nicolas Bedos pose, mais refuse le premier degré. C'est moins un corps qu'un esprit fracassant. Avide de reconnaissance ­ son oxygène ­, il veut se retrouver sur ces images, quitte à être directif. Franc. Sec. Mais toujours poli et d'une rare honnêteté pendant l'interview. Des cigarettes, un croissant, un thé, trois canettes de Coca Zero ont nourri l'homme qui a confié, deux heures durant, ses turpitudes, son rapport aux femmes. Auteur d'« Une année particulière, Journal d'un mythomane, Volume 2 » (éd. Robert Laffont), chroniqueur à « Marianne », acteur dans « Populaire » de Régis Roinsard (en salles actuellement) et bientôt premier rôle dans « Amour et turbulences » d'Alexandre Castagnetti, il existe pour ne pas mourir. Rencontre avec un homme fragile, narcissique, super-brillant.

Marie Claire : Vous avez dit tout à l'heure : « Ce n'est pas rien pour un auteur de se mettre à nu. » Pourquoi ?

Nicolas Bedos : Les textes que je publie sont extrêmement caustiques, ironiques, lucides. Il faut que les photos me ressemblent. Si je me voyais tout d'un coup dans Marie Claire, posant de façon très complaisante, nu, trouvant la situation parfaitement normale et savourant ma plastique, je cesserais de m'abonner à « Marianne ». Le ridicule pourrait me tuer.

Marie Claire : Pourquoi faites-vous l'acteur ?

Nicolas Bedos : J'ai toujours voulu exister, m'amuser, interpréter mes textes. Faire rire, c'est sublime. J'ai longtemps fui cela, car j'ai un père qui s'est illustré magnifiquement, et puis ma passion, c'est écrire. Mais je suis encore jeune, j'ai la possibilité de jouer, pourquoi me priver de ce plaisir ? Je suis cabot, aussi. J'ai aimé les femmes de fa&cccedil;on quasi névrotique. Ça plaît aux filles. Tout ça, c'est faire la cour.

Marie Claire : N'auriez-vous pas un net penchant pour les actrices ?

Vidéo du jour

Nicolas Bedos : Cela a été le cas. C'est aussi dû à la vie de con que j'ai menée. Les soirées avec des comédiens, des metteurs en scène, des auteurs sont comme des partouzes ethnocentriques. J'ai eu trois histoires importantes avec des actrices. Mais il y en a autant que de femmes. Vous admettrez qu'entre Mathilde Seigner et Isabelle Huppert, il y a un monde.

Marie Claire : Vous n'y voyez donc pas de signification ?

Nicolas Bedos : Non. Mais à un moment, je me suis dit : « Bouge. » Que ton champ intellectuel, et pas seulement sentimental, ne soit pas restreint à un certain milieu. Ce qui a été mon cas, par paresse. Avec ma bande de potes, on allait le vendredi soir à tel endroit, et c'est vrai que les très jolies filles étaient souvent comédiennes. Et j'aime bien les très jolies filles.

Marie Claire : C'est une constante ?

Nicolas Bedos : Oui. Mais contredite par des exceptions magnifiques. A une époque, j'ai eu la tentation d'une perfection physique calquée sur les canons des magazines. Mon désir avait épousé ces codes, j'avais perdu mon libre arbitre. Je me méprisais beau- coup. Mais je me vante ­ contrairement à certains de mes camarades ­ de n'avoir jamais passé une nuit avec une imbécile. J'ai eu des histoires, parfois courtes, avec des filles passionnantes. Je suis un détecteur de filles géniales.


Nicolas Bedos : fidèle ou infidèle ?

Marie Claire : Vous ne supporteriez pas d'être avec une femme stupide ?

Nicolas Bedos : Ah non ! Je suis un faux queutard. Les plans cul, jamais. Ça me donne envie de mourir. Il m'est arrivé d'être baisé par une femme qui n'avait aucun investissement sentimental : j'arrête net et deviens méchant. Ce n'est pas un choix moral, mais plutôt narcissique. Je vais vous dire la vérité : j'ai besoin qu'on m'aime. Si je tiens dans mes bras quelqu'un qui s'en fout, ça me détruit.

Marie Claire : Vous avez écrit au sujet de votre ex-fiancée : « Avec elle, les autres me manquaient. » Une femme ne peut vous suffire ?

Nicolas Bedos : Je m'en suis beaucoup voulu, c'était comme ça. C'est ce qui a détruit notre histoire. Je croise les doigts pour ne pas être de ces hommes-là toute ma vie. Quand on s'est séparé, je me suis dit : « Plus de culpabilité avec l'infidélité, je suis célibataire ! » J'étais comme un gamin dans un magasin de jouets. Mais rien. Rien. Je n'ai jamais été aussi seul. Elle a mis la barre très haut. Aucune fille ne résiste à la comparaison. En fait, je suis plus fidèle au souvenir qu'à la personne. J'ai lu un article qui disait que les hommes sont moins exclusifs pendant l'histoire, mais font ensuite des deuils interminables. Mes copains, lors d'une rupture, et même des mois après, m'ont souvent bouleversé.

Marie Claire : Vous arrivez à expliquer l'infidélité ?

Nicolas Bedos : Il y a une part débile. La nouveauté, la sensualité de la nouveauté. Il est rare que les hommes, sur Internet, se masturbent sur la même vidéo pendant deux ans. Et puis le problème ­ cela a été ma grande erreur ­ est que je pense qu'il y a toujours mieux. Que ce soit clair : je me suis toujours inscrit dans la recherche d'une femme à qui je serais fidèle toute ma vie. Je cherche l'équivalent de ma mère pour mon père. Depuis des années.

Marie Claire : Votre physique est-il important ?

Nicolas Bedos : Oui, j'ai vu des amis gâcher le leur. Je ne pourrais pas. Mes parents m'ont toujours dit : « Tiens-toi bien. »

Marie Claire : Vous parlez de la masturbation sur Internet. Et la pornographie, vous êtes un adepte ?

Nicolas Bedos : Oui, c'est d'ailleurs un problème, j'en parle beaucoup avec mes amis. Nous sommes la génération YouPorn et c'est un danger. Pas pour des raisons morales, mais cela met la barre très haut au niveau de la transgression sexuelle. Quand tu t'es masturbé 157 fois sur des sodomies, des gorges profondes et que tu te retrouves avec une femme tendre, normale, tu as de vrais déficits possibles, comme l'impuissance.


Nicolas Bedos : le culte du corps et de l'esprit

Marie Claire : Qu'est-ce qui est rédhibitoire chez une femme ?

Nicolas Bedos : Le cynisme. Les femmes qui ont eu trop d'amants. Je suis un séducteur qui a très peur des séductrices. J'ai beaucoup fui les nanas qui avaient la réputation d'être très gourmandes ou faciles. C'est une erreur ­ elles ont peut-être leurs raisons ­, mais une erreur que je commettrai, je pense, toute ma vie.

Marie Claire : Dans vos textes, vous parlez souvent d'odorat. Les odeurs vous gênent ?

Nicolas Bedos : Je m'améliore. J'ai fait deux ans de psy pour soigner mes tocs. Je me lavais trois fois par jour, je mettais des gants à l'école. J'étais du genre à quasiment vouloir faire l'amour dans une baignoire.

Marie Claire : On a l'impression que la saleté vous dégoûte...

Nicolas Bedos : Oui, mais la vie peut envoyer dans le décor nos dégoûts et nos goûts. On peut même tomber très amoureux de quelque chose qui ne nous a pas plu. Par exemple, la femme avec qui je vivais était extrêmement silencieuse, ce que d'habitude je ne supporte pas. J'ai rencontré des silencieuses, des timides, je m'emmerde. Eh bien, avec elle, pas une seconde. Parce qu'elle n'avait pas le même silence que les autres. Il ne signi fiait pas « Je n'ai rien à dire », c'était une nature. Je savais qu'il se passait énormément de choses dans sa tête. Et qu'elle écoutait. C'était une pudeur. Tout à coup, elle disait une phrase et me clouait. Quand on s'est séparés, j'ai rencontré des marrantes, des belles inventant des mots d'esprit, et qu'est-ce que je m'ennuyais ! Ça me fatiguait. J'avais envie de dire : « Ta gueule ! »

Marie Claire : Puis-je vous demander ce que sont les marques sur votre bras ?

Nicolas Bedos : Ça, je n'en parle pas. J'ai eu des périodes compliquées quand j'étais jeune. Très compliquées. C'est extraordinaire ce qu'il m'arrive aujourd'hui, les compliments qu'on me fait. Je croyais que j'étais foutu. J'ai connu l'hôpital. Je suis un miraculé.

Marie Claire : Je me demandais si votre pièce, « Promenade de santé », qui se passe dans un hôpital psychiatrique, était du vécu...

Nicolas Bedos : Totalement. De toutes les façons, je raconte ma vie. Et je ne suis pas près d'être blasé. Aujourd'hui, je n'en reviens pas. Je n'arrivais pas à vivre la tête haute en n'étant pas à la hauteur de ce que je pensais avoir en moi. Je ne supportais pas que cela ne soit pas reconnu. Je devenais fou, de honte. J'avais envie de mourir de honte. Je suis mort de honte dix fois. C'est magnifique, aujourd'hui, qu'on me donne la possibilité de m'exprimer.

Marie Claire : Qui est Nicolas Bedos ?

Nicolas Bedos : Un type qui aimerait bien un jour répondre plus facilement à cette question.

Marie Claire : Etes-vous un homme à femmes ?

Nicolas Bedos : J'ai eu beaucoup d'histoires. Ce n'était pas pour cumuler les conquêtes. Chaque femme a toujours été la femme de ma vie, même trois jours.