« On a l’impression que ça monte crescendo. » En ce début du mois de septembre, les Gilets jaunes de Villefranche-de-Lauragais dénoncent dans un communiqué de presse une série d’actes de vandalisme ayant touché leur cabane installée à proximité du rond-point de la route de Toulouse.
« Ceux qui font ça participent à la répression », s’agacent-ils dans leur écrit, après avoir listé la liste des dégâts qu’ils ont enregistrés tout au long de l’été.
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Tags, vols, toilettes rasées…
Mardi 13 septembre en fin d’après-midi, c’est au cours de la permanence hebdomadaire qu’ils tiennent chaque semaine sur la terrasse de cette même cabane que quatre membres du groupe ont accepté d’évoquer plus en détail le sujet.
« Cela a commencé par des tags assez puérils entre le 28 juin et le 1er juillet », expliquent-ils, photos à l’appui. Sur ces graffitis qu’ils qualifient de « pro Macron et pro Le Pen », on découvre le nom du chef de l’État et le prénom de l’ancienne présidente du Rassemblement national assortis de cœurs.
Cela a recommencé mi-juillet puis en août, d'abord avec le vol de tables et de chaises, puis avec le démontage de certaines planches et la casse de la buvette. Puis ce sont nos toilettes qui ont carrément été rasées. Nos banderoles ont aussi été esquintées.
« C’est une forme de harcèlement »
Lassés du sort qui leur est réservé, les Gilets jaunes de Villefranche-de-Lauragais ont fini par décider de médiatiser les actes de vandalisme ciblant leur cabane qui – bien qu’en bord de route – a été aménagée sur un terrain privé mis à leur disposition.
On ne sait pas qui nous en veut, mais c'est vrai qu'il arrive qu'on essuie parfois des insultes de la part de voiture qui passent, voire des jets de canettes. Une fois, on nous a arrosé de bière... C'est une forme de harcèlement. Mais ces dégradations, on a l'impression qu'elles vont à chaque fois de plus en plus loin. On ne voudrait pas retrouver notre cabane brûlée comme cela est arrivée dans le Tarn. Cela nous inquiète car on sait que certaines personnes peuvent prendre beaucoup d'assurance dans le vandalisme...
Et lorsqu’on leur demande s’ils ont envisagé de référer de ces faits aux forces de l’ordre, les quatre Gilets jaunes répondent sans trop s’étendre : « On n’a pas de mauvais rapports avec les gendarmes d’ici. Mais l’on n’a pas vraiment l’habitude de travailler avec eux. »
« Cette cabane a aussi une vocation sociale »
Après chaque dégradation constatée, le groupe de Gilets jaunes met en tout cas un point d’honneur à remettre en état ses installations. « Ces gens-là s’attaquent à des choses que l’on a nous même construit, avec nos propres moyens. Alors, on reconstruit », explique l’un d’eux. « Il y a un parallèle avec la lutte des Zapatistes. Quand on leur brûlait une structure, ils la reconstruisaient ailleurs », commente une deuxième.
Et puis cette cabane elle a aussi une vocation sociale. Il est arrivé qu'on y héberge des SDF ou des personnes qui viennent d'ailleurs. C'est aussi un lieu d'éducation populaire, on échange des savoirs entre les uns et les autres. Et l'on invite d'ailleurs tout le monde à venir échanger, partager, chercher des conseils. Et même ceux qui ne sont pas forcément d'accord avec nous.
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Toujours mobilisés
Bientôt quatre ans après le début de leur lutte, ces Gilets jaunes assurent poursuivre leur mobilisation. « On tient une permanence chaque semaine, on continue à manifester à Toulouse, on poursuit les actions de visibilité inter ronds-points », indiquent-ils.
On a un noyau dur d'une bonne dizaine de personnes qui viennent de communes qui vont au-delà de Villefranche-de-Lauragais. Il y a des gens de Sainte-Foy-d'Aigrefeuille, de Caraman... Et puis on a aussi des anciens qui passent à l'occasion ou bien des gens qui viennent d'autres groupes de Gilets jaunes. On sait aussi que certains nous soutiennent mais ne viendront plus car ils ont peur de la répression que l'on a subie sur les manifestations.
« Bien sûr, la dynamique s’est un peu essoufflée. Mais ce temps plus calme nous permet aussi de mieux réfléchir à comment organiser nos actions et être prêts quand le moment viendra », confie l’un des membres du groupe. « Cela fait presque quatre ans que nous sommes mobilisés. Vous en connaissez beaucoup des mouvements sociaux qui durent autant ? En général cela ne va pas au-delà de deux ans. On est là et son sera toujours là », fait remarquer une de ses collègues.
« Nous ne sommes pas des feignants de chômeurs »
Et quand on leur demande si l’inflation actuelle ne peut pas être le moteur d’un nouvel élan pour leur mouvement, le groupe de Gilets jaunes renvoie à l’une de leurs dernières banderoles affichées devant la cabane : « On a écrit dessus que bientôt il ne nous resterait que les riches à manger et on a ajouté qu’il fallait prendre l’abondance là où elle est. Cela résume bien la situation non ? »
Le quatuor en profite aussi pour battre en brèche certaines idées reçues qui circulent activement à leur sujet.
Parfois, on a des gens qui passent et qui nous crient d'aller au boulot ou l'on entend dire que l'on est là car on a rien d'autre à faire. Non, nous ne sommes pas des feignants de chômeurs comme ils nous appellent. Nous travaillons dans le social, l'agriculture, le bâtiment. Il y a des retraités qui ont travaillé toute leur vie. Donc non seulement on travaille, mais en plus souvent dans des métiers durs.
Un argumentaire qu’ils n’hésitent pas à compléter avec une référence à l’actualité, alors même que la vue depuis leur cabane donne sur les postes à essence de l’ancien Super U. « Les Gilets jaunes, ce ne sont pas des chômeurs, ce sont des travailleurs pauvres. Ceux dont l’État utilise les impôts pour faire en sorte que le prix de l’essence que l’on voit sur l’affichage là-bas, ne dépasse pas 2 €. C’est un scandale ! Cet argent, c’est pour l’hôpital, la santé, la justice et pour l’augmentation du Smic qu’il devrait être utilisé », peste l’un des membres du groupe.
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